Victor Hugo a chanté les feuilles d’automne, le temps qui passe, les blessures personnelles : sa fille morte en Seine, les bonheurs simples et ordinaires aussi.
Mais Victor Hugo fut aussi un poète engagé en son temps : on peut évoquer Les châtiments, recueil célèbre dans lequel il dénonce de manière virulente sous forme de pamphlet le régime de Napoléon III.
Un poème extrait des Orientales nous montre aussi tout le talent de cet auteur qui sait raconter, mais aussi et surtout suggérer les violences et les horreurs de la guerre. Ce poème plein d’émotion, de lyrisme met en scène un enfant grec isolé dans un paysage de désolation et de tristesse. Cet enfant semble être l’unique survivant d’un massacre qui a décimé sa famille. Victor Hugo évoque un fait de l’actualité de son temps : le massacre des habitants de l’île de Chio perpétré en 1822 par les turcs lors de la guerre d’indépendance menée par le peuple grec. L’enfant, victime de la folie des hommes, dans une solitude poignante, attire le regard du narrateur qui dépeint sa tristesse et son désarroi.
Tout l’art de Victor Hugo dans ce poème est, non pas de décrire la guerre mais de la suggérer en évoquant ses désastres : « ruine et deuil » comme si on ne pouvait effectivement raconter l’indicible horreur de la guerre. Cet enfant, symbole de fragilité, d’innocence nous fait d’autant mieux percevoir la violence et l’injustice des combats. Le décor passé, somptueux de l’île de Chio est d’ailleurs décrit dans toute sa splendeur, sa beauté, son harmonie avant que ne soient intervenues la guerre et ses destructions.
Dès lors le narrateur se met à essayer de consoler l’enfant, en lui offrant mille cadeaux, fruit, fleur oiseau. Mais ces efforts restent vains : l’enfant demeure inconsolable et la chute du poème est particulièrement poignante.
Bien évidemment le lyrisme de Victor Hugo permet de souligner le message : répétitions, allitérations, exclamations, interrogations ponctuent tout le poème et lui confèrent musicalité, rythme, harmonie…
La poésie permet plus qu’une autre forme sans doute, d’émouvoir le lecteur, de l’apitoyer sur le sort de cet enfant.
Le message est d’autant plus fort que l’on perçoit les ravages que la guerre a imprimés à jamais sur ce magnifique enfant.
Ce poème de Victor Hugo nous fait bien ressentir toute la force des mots, leur pouvoir sur la sensibilité. Oui, la poésie est bien un langage à part, un genre qui, plus que tout autre s’imprime dans nos esprits, les marque.
La poésie permet de recréer un univers, elle est une ouverture sur la sensibilité, elle peut nous faire rêver mais aussi éveiller notre esprit critique, susciter la révolte, l’indignation devant les injustices de ce monde.
Ce poème intitulé L’enfant reste, hélas, plus que jamais d’actualité devant les massacres perpétrés en Syrie ou dans d‘autres pays, massacres d’enfants ou de civils innocents. Des enfants meurent, d’autres sont à jamais transformés par l’impact de la guerre.
Que dire ? Sinon que certains hommes malgré tous les messages restent sourds devant tant de ravages et tant de désarroi… que dire ? sinon que l’éducation, la connaissance, la culture, la poésie seules pourront peut-être un jour permettre aux hommes d’évoluer, de penser et de vivre un monde meilleur…
Rappelons aussi que Eugène Delacroix a peint une toile célèbre en s’inspirant lui aussi de cet épisode de la guerre d’indépendance gréco-turque : Le massacre de Scio…