Jean-Marc Ayrault et la majorité socialiste auraient été bien inspirés de suivre le conseil de Jaurès : "du débat jaillit la lumière". Aujourd'hui la chape de plomb posée sur le traité budgétaire européen, tel un couvercle sur une cocotte minute, vole en éclat et menace de faire imploser la majorité présidentielle. Une belle erreur stratégique qui au lieu de déminer le sujet a réussi à l'exacerber.
Et voilà où mène un caporalisme absurde. Faire d'un traité fiscal européen un référendum pour ou contre l'actuelle construction européenne. On se doute de la réponse … Certes les moulinets de François Hollande durant la campagne assurant tel Don Quichotte qu'il allait renégocier le traité n'ont pas aidé. On ne peut d'un côté crier au loup pour après appeler au calme en mettant en avant un banal addendum.
Peu importe, l'élection passée, le retour au calme aurait dû être l'occasion de poser le traité sur la table et de procéder à son examen objectif, littéral. Faire un peu de pédagogie et débattre du mode de construction européenne aurait certes été plus long mais aurait permis de comprendre où nous sommes et où le capitaine du navire veut nous emmener. La faute majeure de l'exécutif est de ne pas sentir que les Français en ont assez de se voir imposer des décisions et des scénarios sans choix alternatif.
Le déroulement du Congrès du PS constitue à cet égard une erreur porteuse de surprises potentielles. Plus en phase avec la société civile, EELV a senti le hic et pris le vent de l'opinion avec opportunisme. Au sein du PS, l'absence même de débat autour de la question européenne ne contribuera qu'à alimenter un peu plus le désarroi et l'écoeurement de militants. Loin d'ailleurs de voir ses rangs se gonfler à l'issue de la présidentielle, le PS constitue une formation politique paradoxale hypertrophié dans sa représentation parlementaire mais à la base militante particulièrement restreinte (moins de 200 000 adhérents). Les conséquences en termes de gouvernance sont profondes. Notamment croire que pour diriger le pays il suffit de convaincre et de s'assurer comptablement du vote de la représentation nationale. Comme si après tout prendre le temps d'expliquer aux citoyens et de se frotter parfois de façon rugueuse à leur avis était une perte de temps …
La vérité est crue. Le texte du TSCG est exactement le même que celui initié par l'attelage Sarkozy-Merkel. La seule modification réside dans l'ajout d'un pacte de croissance et d’emploi, la mise en place de la taxe sur les transactions financières et le lancement de travaux pour la réalisation d'une union bancaire. La bombe à retardement de la règle d'or a elle été désamorcée par le Conseil constitutionnel qui depuis a précisé l'obligation d'équilibre budgétaire s'entend hors circonstances exceptionnelles et ne devrait pas concerner les investissements.
Il aurait donc été plus pertinent que le Premier ministre explique que le traité par lequel le scandale arrive constitue plus une déclaration d’intention ferme d'appliquer une discipline qu'un texte qui lie les mains des Etats.
Il viendra bien à un moment où le débat sur l'orientation de la construction européenne sera incontournable. Il ne sert a rien de le repousser aux calendes grecques sauf à entretenir le ressentiment. Si la majorité présidentielle veut concrétiser les promesses de changement, qu'elle soit porteuse au niveau des 27 d'un texte proposant enfin une remise à plat des institutions européennes dans le sens de leurs démocratisation mais aussi, qu'elle donne corps à cette Europe sociale toujours promise mais jamais mise en œuvre.