Un héros de notre temps (Abel et Caïn)

Par Borokoff

A propos d’Alyah d’Élie Wajeman 

A Paris, Alex (Pio Marmai), 27 ans, vit de petits trafics de drogue mais se sent aussi paumé, dans le fond, que son grand frère Isaac (Cédric Kahn) qui n’arrête pas de lui « taper » de l’argent. Lorsque son cousin lui parle de son projet de monter un restaurant à Tel-Aviv, Alex lui demande s’il ne pourrait pas l’accompagner. Mais souhaite-t-il vraiment partir en Israël ? Ne fuirait-t-il pas plutôt tous ses problèmes dont un aîné embarrassant et une « ex » Esther dont il semble encore amoureux ? Alex, surtout, croirait-il en l’Alyah, non pas la chanteuse mais ce choix d’émigrer en Terre Sainte d’Israël pour un Juif ? Se sent-il capable de se soumettre à ses règles très strictes ? Ce sont les questions qui taraudent ce jeune homme d’autant plus indécis que sa rencontre avec Jeanne ne va rien arranger les choses…

Pour un premier long-métrage (dont Élie Wajeman cosigne également le scénario), Alyah est un film poignant. C’est une chronique douce-amère, sobrement réalisée, de deux frères « losers » et qui « galèrent », pas aidés il est vrai par un père (Jean-Marie Winling) qui semble aussi peu concerné par leur sort qu’il l’avait été par leur éducation. Mélange de  genres, Alyah est à la fois un polar (le drame y plane constamment), un film d’action et un drame familial et sentimental pour Alex, tiraillé entre son passé (Esther et ), son présent (Jeanne) amoureux et son futur professionnel et des choix qu’il a bien du mal à faire.

Adèle Haenel, Pio Marmai

Alyah, c’est le portrait d’un « héros de notre temps », un jeune homme tourmenté, plein d’incertitudes et d’hésitations, à l’image du flou suscité par la crise économique qui traverse notre époque.

En cela, le côté tourmenté et rêveur d’Alex, les difficultés et ses hésitations quant aux décisions à prendre pour forcer son destin, rappellent tantôt ceux du héros de De battre mon cœur s’est arrêté d’Audiard tantôt ceux d’Anders dans le récent Oslo, 31 août de Joachim Trier.

C’est-à-dire que la peur, l’angoisse d’aller de l’avant semblent parfois paralyser Alex, retenu en plus par un frère « boulet » et un passé familial et amoureux dont il n’arrive pas à s’extirper. Mais Alex n’a-t-il pas un côté romantique aussi ? Il n’arrive pas à faire une croix sur Esther, vers laquelle il regarde sans cesse alors que l’avenir lui ouvre grand (trop grand sans doute) ses bras.

On parlait d’Audiard, mais la mise en scène de Wajeman, qui privilégie certes la caméra à l’épaule et le mouvement, est néanmoins beaucoup moins tendue que chez le réalisateur de Le prophète et de De rouille et d’os même sil elle laisse constamment planer une inquiétude quant au sort d’Isaac, empêtré dans des trafics obscurs et qui doit de l’argent à tous les truands de Paris et de sa région. La réalisation de Wajeman est assez lente aussi. On parlait de chronique douce-amère, et c’est le terme qui revient tant la mélancolie abonde chez Alex, héros inquiet et qui doute, un brin « paumé » mais battant et ne rêvant que d’une chose en somme : « faire quelque chose, quelque chose de bien dans sa vie » comme il le dit lui-même.

Alors si l’on ajoute aux qualités de la mise en scène le jeu impeccable du quatuor d’acteurs formé par Pio Marmai, Cédric Kahn, Adèle Haenel (Jeanne) et Sarah Le Picard (Esther), n’a t-on pas le droit et des raisons de croire et d’espérer en de beaux lendemains pour le cinéma français ?…

http://www.youtube.com/watch?v=mU5ucIgeOu0

Film français d’Élie Wajeman avec Pio Marmai, Cédric Kahn, Adèle Haenel, Sarah Le Picard.. (01 h 30)

Scénario d’Élie Wajeman et Gaëlle Macé  : 

Mise en scène : 

Acteurs : 

Dialogues : 

Compositions (Sugar Man de Sixto Rodriguez) :