Une enquête montre que sur la centaine de membres des cabinets du président et du premier ministre, moins de 10% ont une expérience du privé. Les énarques représentent plus de la moitié des bataillons.
Par Lucas Léger, de l'Iref.
Article publié en collaboration avec l'Iref.
À l’heure où notre Président découvre (enfin !) la « gravité exceptionnelle de la crise » et où la presse l’exhorte à se réveiller, à agir en homme responsable et à prendre des décisions concrètes, on se demande ce qu’ont fait ces trois derniers mois les 40 conseillers qui composent son cabinet. Idem pour Jean-Marc Ayrault et ses 54 collaborateurs.Ce sont pourtant ces personnes qui doivent assister les hommes à la tête de l’État dans leurs choix et s’assurer de la cohérence de la politique menée avec les ministères concernés. Les récents « couacs » et problèmes de communication ne plaident pas à leur avantage.
L’élite de l’élite
Pourtant, un tel vivier devrait être un atout pour le Président et le Premier ministre. Nous avons passé au crible leur curriculum vitae et pu reconstituer 84 CV complets sur les 94 personnes qui composent les deux cabinets. Parmi eux, 40 ont fait l’ENA. Peu d’employeurs en France peuvent se targuer d’avoir une si forte concentration de beaux esprits comme collaborateurs. De plus, ceux qui ne sont pas énarques n’ont pas à rougir de leurs formations. Ils ont tous fait de Grandes écoles (Sciences Po., HEC, Essec, Ecole normale, Polytechnique, etc.) ou de brillantes études à l’Université, notamment en Droit, quand ce n’est pas une combinaison des deux.
Plus précisément, sur les 8 collaborateurs les plus proches de François Hollande, 6 ont fait l’ENA et deux d’entre eux sont des amis de sa promotion « Voltaire ». Un seul a travaillé dans le secteur privé. Sur les 40 personnes qui composent son cabinet, près de la moitié sont passés par la prestigieuse école. En proportion, le cabinet de Jean-Marc Ayrault est moins gourmand en énarques (38%), mais tout aussi peu enclin à engager des collaborateurs venant de l’entreprise.
Cette faible concentration du privé est une triste réalité. 7,5% du cabinet de François Hollande en vient. Et moins de 10% dans le cabinet de Jean-Marc Ayrault, si l’on soustrait les quelques journalistes de carrière qui l’ont rejoint. À part quelques stages en entreprises, les conseillers les plus proches du pouvoir ne semblent pas très familiers avec ce concept – du moins en pratique –, point commun inhérent à la technocratie française, et ce, quelles que soient les appartenances politiques. Ainsi, il est très surprenant d’apprendre que Pierre Bachelier-Iltis, conseiller technique aux affaires industrielles auprès du Premier ministre, n’est jamais passé par l’entreprise et a consacré sa carrière à l’administration. Aussi brillant soit-il, cette méconnaissance de l’industrie nous semble être un handicap à ce poste, un peu comme si vous étiez plombier et qu’on vous demandait d’être électricien. Les compétences théoriques ne suffisent pas.
La parité oubliée
La campagne a été aussi l’occasion de faire de belles promesses, comme la parité dans le monde politique. Et bien que le gouvernement, pour la première fois en France, respecte une parité parfaite dans l’attribution des postes aux ministères, ceci est loin d’être le cas dans les sphères plus feutrées des cabinets. Jean-Marc Ayrault s’est entouré de 54 collaborateurs à Matignon (c’est moins que François Fillon lors de la précédente législature). 13 d’entre eux sont des femmes, soit 24%. Le Président ne fait pas beaucoup mieux avec 75% d’hommes dans son cabinet. On a donc une « éthique » de façade. Ce vice de constitution ne fait pas oublier un autre vice, bien plus grave : l’absence de dirigeants vivant comme des Français moyens, connaissant les affres des fins de mois, pour leur ménage ou pour leur entreprise.
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