Définitivement rebutée par le monde de la publicité, Charlotte a plaqué sa carrière dans le marketing sans possibilité de retour. Alors que les factures s’accumulent et que la nécessité de trouver un travail alimentaire se fait urgente, elle est embauchée en tant que vendeuse dans l’une des illustres enseignes du Faubourg Saint Honoré à Paris, la célébrissime griffe florentine Montezzo (autrement dit Gucci). C’est l’histoire d’une trajectoire déviée, d’un atterrissage improbable dans le temple du luxe qui donne lieu à un récit corrosif sur un ton faussement désinvolte.
Le quotidien des employés de la prestigieuse maison est ponctué d’anecdotes farfelues et de lubies de clients que l’ennui poussent au caprice voire même à l’imbécilité. Personnages rongés par la vacuité, portraits à l’acide sulfuriques des supérieurs obnubilés par le bénéfice, mesquineries et méchancetés entre collègues concurrents, Edwige Martin nous offre toute une galerie de portraits plus vrais que nature. Avec un certain don pour la caricature, elle trace les travers de l’élite internationale de l’argent et l’autre côté du miroir, là où les petites mains triment, véritables symboles du fossé social.
L’écrivain donne une vision assez truculente de cette comédie humaine dont l’agitation m’a parfois fait songer au Bonheur des Dames de Zola sans pourtant en approcher, même de loin, le style. Mais il y a comme un air de famille dans cette satire sociale dans laquelle l’asservissement par l’argent, l’argent roi à en donner la nausée, déshumanise les individus. L’être se perd dans l’avoir oubliant la réalisation personnelle au profit de la possession. Avec un humour piquant, l’auteur retrace les travers de la direction qui mène cette entreprise comme un bataillon au protocole strict et aux largesses envers ses employés inversement proportionnelles aux bénéfices faramineux engendrés. On songe également au Diable s’habille en Prada, la richesse de l’intrigue en moins.
Cette pertinente vision de notre société colore les névroses et la vulgarité de ce monde dit du luxe d’une teinte acide fort cocasse. Le microcosme de la clientèle de Montezzo symbole du clinquant fait d’excès et de démesures s’oppose violemment à l’envers du décor gris et triste des employés à qui l’on va jusqu’à nier leur dignité. Cependant, Edwige Martin ne sombre jamais dans le pathos, la pleurnicherie de cosette maltraitée. Sa plume vive est mise au service d’un ton désabusé relevé d’un sens du détail comique aigu. C’est avec une certaine sérénité qu’elle nous conte les pires aberrations du miroir aux alouettes où tout n’est qu’apparences.
Luxomania est une autofiction inspirée de l’expérience réelle de l’auteur dans la boutique principale de « Montezzo » rue Royale. Le récit, à l’écriture fluide, tout à fait divertissant, se lit d’une traite. Sans aucune prétention intellectuelle, ce livre comporte néanmoins de fines observations, de la pertinence dans le récit de la lutte des classes qui fait rage au cœur du Faubourg, une vision réaliste et assez terrible. On sourit souvent, on grimace beaucoup et on réfléchit un peu. Léger mais pas autant qu’il pourrait y paraître à première vue, cette agréable lecture sera parfaite pour le métro.
Luxomania – Confidence d’une vendeuse dans l’univers secret du luxe – Edwige Martin – Collection Plon
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Soit sur le macaron bleu . Je vous remercie et je croise les doigts!