Rapport d'information du Sénat n° 654 de M. Pierre JARLIER, déposé le 17 juillet 2012
Résumé du propos
Alors que le droit de l'urbanisme a connu de nombreuses et fréquentes modifications, avec une tendance à l'accélération depuis une dizaine d'années, les règles de répartition des compétences entre l'État et les communes sont restées stables. En dépit de cette stabilité dans la répartition des compétences, le contexte législatif et réglementaire a, lui, fortement évolué dans le sens d'une complexification de l'élaboration des documents d'urbanisme, ceux-ci devant désormais intégrer les objectifs du développement durable.
L'État n'assurant plus l'ingénierie de proximité, les collectivités territoriales se retrouvent face à un certain nombre de défis. Au-delà de l'exercice du droit des sols, les collectivités territoriales vont devoir faire face à d'autres défis en matière d'urbanisme, notamment en matière de planification, de plus en plus complexes car nécessitant un nombre croissant de compétences diversifiées en matière de déplacement, d'habitat et de développement durable.
Dans le secteur de l'urbanisme, les moyens d'ingénierie territoriale sont essentiellement issus du privé ou des agences d'urbanisme. Mais sur certaines parties du territoire, les élus sont déjà confrontés à un véritable désert d'ingénierie. Par ailleurs, si en matière d'aménagement les communes du secteur rural bénéficient de l'intervention des services techniques de l'État, ces missions ne sont déjà plus assumées dans le domaine concurrentiel.
Pour y répondre, le rapport propose une architecture souple reposant sur deux dimensions complémentaires de l'ingénierie :
- D'une part, une ingénierie stratégique reposant sur l'échelle nationale pour la définition des grandes stratégies de l'État en matière d'urbanisme, d'environnement et de développement durable, et l'échelle régionale ou interrégionale pour décliner ces grandes stratégies nationales ;
- D'autre part une ingénierie opérationnelle reposant au niveau local, l'échelle intercommunale qui sera vraisemblablement la bonne pour l'exercice du droit des sols et la planification, et au niveau territorial, l'échelle du département ou des grands bassins de vie où devra se traiter la question de l'appui à la planification.
L’éloquence de la structure du rapport
1) L’exercice des compétences d’urbanisme : des compétences en réalités partagées entre l’Etat et les collectivités territoriales
a) De la prédominance de l’Etat à l’émergence progressive des collectivités territoriales dans la gestion de l’urbanisme
b) L’évolution de l’exercice des compétences d’urbanisme vers la notion de projet
c) L’augmentation des contraintes pesant sur les collectivités territoriales
2) Les collectivités territoriales sont désormais confrontées au retrait de l’ingénierie de l’Etat en matière d’urbanisme
a) L’aide des services de l’Etat aux collectivités territoriales dans l’exercice des compétences d’urbanisme
b) La disparition progressive de l’ingénierie territoriale de l’Etat
c) La disparition de l’ingénierie territoriale de l’Etat dans le domaine de l’urbanisme
3) Propositions pour une nouvelle architecture territoriale de l’ingénierie en matière d’urbanisme
a) Un recours à l’ingénierie du secteur privé pour la conception et la réalisation des projets
b) L’intercommunalité : la réponse la plus appropriée à une ingénierie publique locale efficace
c) Un recours complémentaire à des outils d’ingénierie performants et mutualisés au niveau départemental
d) L’échelle régionale ou interrégionale pour décliner les grandes stratégies de l’Etat en matière d’aménagement du territoire et de développement durable
e) Doter les collectivités territoriales de « ressources humaines » nécessaires en matière d’urbanisme
f) Optimiser le financement de l’ingénierie territoriale dédiée à l’urbanisme
12 recommandations importantes en annexe 1
1 : Assurer la complémentarité des prestataires privés et publics en matière d'ingénierie territoriale, tant pour le conseil en amont et l'aide à la décision, que pour la conception et la réalisation des projets dans le domaine de l'aménagement et de l'urbanisme.
2 : Faire de l'intercommunalité l'échelle privilégiée pour l'aménagement opérationnel et l'administration du droit des sols, notamment par la mise en place de services d'instruction mutualisés des autorisations d'urbanisme pour le compte des communes.
3 : Encourager l'élaboration du plan local d'urbanisme à une échelle intercommunale pour bâtir un projet territorialisé dans une vision d'aménagement du territoire en cohérence avec les bassins de vie, les enjeux économiques, de transports, de service, d'environnement et de développement durable, en développant l'ingénierie de planification.
4 : Constituer un pôle d'ingénierie départemental, communautaire ou intercommunautaire mutualisé et en réseau avec l'expertise des conseils en architecture, urbanisme et environnement, des agences d'urbanisme et, lorsqu'elles existent, des agences techniques départementales.
5 : S'assurer que l'intervention des départements en matière d'ingénierie ne conduise pas à une tutelle sur les collectivités territoriales concernées, en maintenant le principe du recours au département comme complémentaire et facultatif.
6 : Renforcer le rôle du Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques comme instance qui décline au niveau territorial les grandes stratégies de planification et d'aménagement de l'État, en assurant une mission d'établissement des référentiels et des guides méthodologiques auprès des collectivités territoriales.
7 : Mettre en réseau, à l'échelle régionale ou interrégionale, l'ensemble des acteurs de l'ingénierie pour assurer une déclinaison territoriale des grandes stratégies de l'État en matière d'urbanisme et d'environnement.
8 : Poursuivre la décentralisation de l'instruction des autorisations d'urbanisme en encourageant la mise à disposition des personnels de l'État auprès des collectivités territoriales sur la base d'un conventionnement.
9 : Réglementer le métier d'urbaniste en donnant un statut légal à cette profession et en harmonisant la formation pour l'accès à celle-ci.
10 : Financer l'ingénierie territoriale en captant une part du produit de la taxe d'aménagement dans un fonds national d'aide à l'ingénierie dédié à l'urbanisme, permettant la péréquation.
11 : Mettre en adéquation la ressource des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement issue de la taxe d'aménagement avec les besoins des territoires en augmentant le potentiel de ressource dans les limites du plafond légal.
12 : Financer l'ingénierie territoriale en mobilisant les fonds structurels européens d'une part, et en fléchant une partie du produit des enchères du système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre d'autre part.