En dépit d'une réduction bien trop draconienne du budget déco par rapport à sa version londonienne et d'une distribution qui doit encore trouver ses marques pour donner de l'ampleur à l'ensemble, la nouvelle production de Stage Entertainment France se révèle presque à la hauteur de nos (exigeantes) espérances et nous offre un divertissement familial de qualité et enthousiasmant. Quand des nonnes se drapent de paillettes, se trémoussent et entonnent du disco à pleins poumons, Broadway est enfin de retour à Paris. Amen !
Rappelons en quelques mots l'intrigue de ce musical adapté du film éponyme, porté par Whoopi Goldberg il y a vingt ans (aujourd'hui coproductrice du show), dont l'action a été transposée dans les années 70. Dolores Van Cartier, jeune chanteuse se produisant dans des cabarets de seconde zone est le temoin gênant d'un meurtre commis par son petit ami Curtis. Afin de la protéger, la police la cache au sein d'un couvent dont elle va devenir la nouvelle chef de choeur et l'extravagante coqueluche.
Evoquons d'abord la qualité des musiques conçues par Alan Menken, compositeur aux huit Oscars, qui a su habilement associer des airs de disco et de gospel, atteignant une efficacité aussi surprenante que réjouissante. Portée par les excellents musiciens de Mogador, la partition comporte en effet deux ou trois tubes que l'on fredonne un certain temps une fois le spectacle achevé. "Fabuleuse Baby" ou "Partir pour Eden" deviendront à coup sûr vos propres succès de salle de bain...
Malgré un vrai problème de rythme dans sa première partie, le livret est à la hauteur. Drôle et bon enfant, indiscutablement. D'autant que Ludovic-Alexandre Vidal en signe une adaptation et une traduction soignées, comportant de nombreux clins d'oeil et références à notre culture française. De ce point de vue encore une réussite, tout comme les paroles de chansons, tranposées dans la langue de Molière par Nicolas Nebot, qui groovent joliment sur les tempos du compositeur, exercice pourtant des plus délicats.
Quid de la distribution ? Et surtout de l'interprète principale, Kania (Dolores), que nous vous avions présentée en mai dernier, à qui incombe la lourde tâche de succèder à la pétillante Whoopi mais aussi à la remarquable Patina Miller, créatrice du rôle dans sa version scénique. Un peu jeune, cette chanteuse à la voix belle et puissante peine encore à délivrer toutes les couleurs et la profondeur de son personnage, sexy, survoltée, populaire, mais aussi en proie au doute. A l'image de la quasi totalité de ses partenaires, elle se fond pour l'instant dans un moule imposé par la rigueur de la mise en scène. Le jeu est plaqué, ça manque de vie, de vécu, de naturel, de peps, de grandeur, mais le potentiel est là. Quelques semaines de représentations devraient suffir à faire éclater un talent véritable.
Autour d'elle, un couvent d'enfer. Carmen Ferlan est une mère supérieure aussi délicieusement rigide que Christian Bujeau, en curé, est enclin à la fantaisie. Ce vieux brisquard des planches apporte énormément de drôlerie à son personnage et aux situations grâce à une technique des plus maîtrisées. Les nonnes ne sont pas en reste. Citons la ronde et joviale Lola Cès qui revêt les habits d'une Soeur Marie Patrick spontanée, gourmande et truculente. Elle est irrésistible. La candeur de Sarah Manesse et la gouaille de Valériane de Villeneuve, improbable bonne soeur rappeuse, complètent admirablement cet impayable tableau.
Plus globalement, nous n'avons rien trouvé à redire aux qualités vocales des uns et des autres. Encore une fois, c'est souvent du côté du jeu que le bas blesse. Des efforts conséquents devront notamment être faits par Barry Jonhson (Curtis), méchant peu convaincant, dont les seconds couteaux maladroits nous ont en revanche conquis et réjouis (David Sollazzo, Franck Vincent, et Keny Bra Ourega).
La plutôt belle mise en scène de Carline Brouwer (également responsable de la version originelle du west end en 2009) ne parvient totalement à masquer les quelques imperfections du script évoquées plus haut et souffre de la pauvreté relative de la scénographie. On regrettera surtout une ouverture de show qui fait "pschit" au lieu d'être explosive. Mais pour l'essentiel, elle nous entraîne avec allégresse dans la folie douce du couvent et de ses apprenties chanteuses. L'extraordinaire leçon de chant de Dolorès ("Suis ta voix") et les représentations qui s'ensuivent resteront des moments d'anthologie, appuyés par les amusantes chorégraphies d'Anthony Van Laast.
Euphorisant, prenant, et cocasse.
En résumé, un divertissement populaire de belle facture que nous vous conseillerons d'aller applaudir sans hésitation, dès lors qu'il aura atteint sa vitesse de croisière.
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