[Critique DVD] Despair

Par Gicquel

1930. Hermann est propriétaire d'usine de chocolat, d'origine russe,en Allemagne. Partageant ses fantasmes et ses perversions avec sa femme Lydia, il est hanté par des visions de son double. Pendant un voyage d'affaires, il rencontre le vagabond Félix et voit en lui son sosie qui lui inspire un plan risqué.

"Despair" de Rainer Werner Fassbinder

Avec : Dirk Bogarde, Andrea Ferreol

Sortie le 19 septem 2012

Distribué par Carlotta Films

Durée : 116 minutes

Nombre de : 1

Film classé : Tous publics

Le film :

Les bonus :

Comme souvent chez Fassbinder, ce film comporte plusieurs étages, plusieurs niveaux de lecture. On peut s’en tenir au palier et le trouver tout à fait convenable. Mais la patte du cinéaste vous incite à grimper encore plus haut, et par la magie de sa caméra, les différentes strates ne font maintenant plus qu’un : un petit bijou du septième art.

Au départ, le héros, Hermann, est un simple patron d’usine, «  un expert en fondant », comme il dit en goûtant les chocolats de sa fabrique. Mais l’individu (Dirk Bogarde, étrange comme il faut) a en réalité plusieurs visages, d’autant plus que ses visions prennent maintenant le pas sur la réalité : il voit son double, partout. Cette  obsession, Fassbinder la laisse transparaître à travers un portrait tout en contraste .L’homme qui  traite sa femme avec beaucoup de condescendance et de mépris aussi, n’ignore pas son inclinaison toute particulière pour son cousin, un brin homo.

Un reflet déformé de sa vie, le jeu d’un miroir mal dépoli, peut-être, c’est une doublure qui se prend à être lui ; il laisse faire. Mais dans une séquence remarquable, lorsqu’il s’apprête à racheter une usine en faillite, le patron se raconte, piteux et malheureux : la mise en scène est grandiose, rehaussé par le ballet de petits bonhommes en chocolat, qui tournent en rond, inlassablement.

Le mouvement d’une vie déboussolée par les prémices d’une dictature brune  (Berlin Alexander Platz n’est plus très loin), que Hermann ne veut pas voir, trop obsédé par son propre destin. Se fondre dans la masse pour mieux s’oublier. C’est le plan qu’il concocte en découvrant un jour un vagabond, qui pense-t-il  lui ressemble.

Fassbinder semble alors délaisser son héros pour une aventure plus classique d’un film policier, mais la manière dont il met en relation les deux hommes n’a rien d’une formalité. Le  premier entretien avec le double est savoureux : on ne parle pas la même langue, l’un et l’autre se répondent, mais toujours à côté. Dubitatif, sinon méfiant, le vagabond prévient alors son vis-à-vis au cas «  où vous tenteriez de me doubler ».

Fassbinder et Bogarde, entre deux prises

Insidieusement une autre histoire se met en place, avec cette tentation pour le double de s’approprier l’identité du héros, dont  il sait tout désormais. Face au maître, un maître-chanteur. Fassbinder joue sur du velours et à l’image d’une pulpeuse Andréa Ferréol, à l’aise comme à la maison, il est bon de s’y lover pour en connaître toutes les coutures. Du grand Fassbinder.

LE SUPPLEMENT

  • «  Le cinéma et son double »  un film de Robert Fischer.1 h 10 mn

C’est un long et passionnant documentaire autour de ce film sur lequel on revient en insistant beaucoup sur le fait qu’il est réalisé dans une optique hollywoodienne. Son film le plus cher jusque là, le budget était conséquent, mais il devait être investi de façon à réaliser des profits.

J’ai bien aimé la façon dont  Tom Stoppard, le scénariste se demande encore pourquoi, alors jeune et débutant, il est choisi par Fassbinder pour signer le scénario. «  Je n’avais aucune expérience et je me retrouvais face à Fassbinder et Nabokov ».

En bref

Le film

Fassbinder donne vraiment l’impression qu’il écrit avec la caméra. Cette manière d’amener un paysage, une maison, formellement c’est même parfois trop, et pourtant c’est ça le cinéma. A force d’effets spéciaux, on en oublie les fondamentaux; Et cette manière de capter les regards, sonder les âmes...

Les bonus

De l'écriture du scénario au festival de Cannes plus d'une heure pour passer en revue les tenants et les aboutissants d'un tel film. C'est un bonheur....