L'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse voit poindre les premiers effets du changement climatique : non seulement ses bassins hydrologiques vont subir de plein fouet le changement climatique, mais des mutations météorologiques radicales vont s'opérer à une vitesse qu'on n'attendait pas.
Telles sont les conclusions livrées le 20 septembre par un collège de scientifiques dirigé par le climatologue Hervé Le Treut, directeur de l'institut Pierre-Simon Laplace et membre du groupe d'expert international (Giec). " 40 % du bassin du Rhône connait déjà des épisodes de pénurie estivale. Dans les zones les plus vulnérables, les chercheurs anticipent des baisses de précipitations de 80 % à horizon de 2080 ", résume le directeur de l'agence, Martin Guespereau, qui a commandé l'étude.
La réduction du couvert neigeux risque de poser le plus de problèmes. " La durée annuelle d'enneigement devrait baisser, de 20 % à 50 % dès les années 2030, à 1.200 mètres d'altitude partout dans les Alpes ", prédisent les chercheurs. Cinquante ans de plus et il ne restera plus beaucoup de neige de printemps en deçà de 2.400 mètres d'altitude. Le Rhône, qui se nourrit des eaux de fonte, pourrait alors perdre le tiers de son débit pendant l'étiage, ce qui devrait immanquablement créer des conflits d'usage entre les besoins urbains, agricoles, industriels et touristiques le long du fleuve. Une étude dira en 2013 qui y pompe quelle quantité. " Si on ne fait rien, de nombreux conflits vont se dessiner ", craint Martin Guespereau.
Dans la foulée de ce premier rapport, l'agence de l'eau vient de lancer de nouvelles investigations scientifiques pour élaborer la carte des territoires les plus vulnérables, allant de la région genevoise, qui vit une explosion démographique mettant le haut du bassin sous pression, au Languedoc-Roussillon, menacé par le nombre de petits fleuves côtiers très sensibles à la sécheresse. Un comité directeur réunissant les présidents des cinq régions concernées placées sous l'autorité de l'Etat définira les travaux et les mesures à adopter pour maintenir dans les cours d'eau le débit minimal nécessaire à la vie aquatique. Hors le Rhône, 72 rivières sont concernées.
Sans attendre, les premières mesures viennent d'être adoptées. Pas moins de 265 millions d'euros d'investissement sont inscrits dans le programme 2013-2018 de l'agence, trois fois plus que le précédent plan, et les industriels et agriculteurs seront mis à contribution avec le doublement progressif de la redevance sur le prélèvement d'eau. " C'est un changement de cap dans notre stratégie ", insiste Martin Guespereau.
Environ 60 % de ces sommes devraient revenir aux villes qui ont besoin de rénover leur réseau d'adduction, comme Béziers, qui perd encore 40 % de son eau potable dans les fuites. Le reste ira à la modernisation des pratiques agricoles. " 1 euro investi permet d'économiser 1 mètre cube par an ", précise un expert. Pour 13 millions d'euros d'investissement dans l'Hérault, le déploiement du goutte-à-goutte a ainsi permis de réduire la consommation annuelle agricole de 44 à 7 millions de mètres cubes. " L'effort collectif que nous prévoyons à l'échelle du bassin devrait permettre l'économie de 150 millions de mètres cubes d'eau ", estime le patron de l'agence. C'est l'équivalent d'une trentaine de rivières de 3 mètres de large coulant toute l'année.
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