Le mot « insulter » vient du sens latin « braver, attaquer » qui a perduré jusqu’au XIXe siècle. Le sens a ensuite dérivé pour signifier « traiter avec violence » avant de prendre le sens qu’il a aujourd’hui, celui d’injurier. Le principe de réalité est (école Freudienne) la capacité d’ajourner une satisfaction pulsionnelle. Autrement dit, c’est un renoncement au plaisir immédiat et une adaptation à l’environnement extérieur justifiant cette renonciation. Dans la République laïque française, le blasphème n’existe pas (depuis Voltaire et la révolution française, définitif depuis la séparation de l’église et de l’Etat en 1905). Mais sont encore nombreux les pays européens qui reconnaissent et punissent le blasphème : l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne, l’Irlande, les Pays-Bas, la Pologne, la Grèce, la Suisse. Même en France, il existe des exceptions : l’Alsace et la Guyane. La vraie laïcité est encore une denrée rare ! La justice n’étant pas une vengeance, celui qui se sent insulté a le droit de saisir les tribunaux au nom de l’incitation à la haine ou du trouble à l’ordre public. Pouvons-nous alors porter un jugement sur l’affaire du film islamophobe et imbécile américain et sur les caricatures de Charlie Hebdo ? Comme ils en ont l’habitude, les islamistes les plus virulents qui se disent insultés, c’est-à-dire injuriés, ne recherchent pas la justice mais la vengeance. En cela, leurs violences restent sans excuses possibles. Il ne fait pas beaucoup de doute qu’elles sont le résultat d’une manipulation des extrémistes islamistes, tant il est facile d’entrainer les foules, comme l’Histoire l’a montré de nombreuses fois. Cette affaire pose la question des limites de la liberté d’expression. Celle-ci est une liberté fondamentale de la République Française depuis la Révolution de 1789. Elle est citée à l’article 19 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948. Mais, comme toutes les autres libertés d’une République, celle-ci a des limites qui sont l’atteinte aux libertés d’autrui ainsi que certains principes définis par la loi comme l’incitation à la haine ou le trouble à l’ordre public. Ceci pousse à poser la question suivante : la liberté d’expression doit-elle tenir compte de ses effets et conséquences ? Doit-elle tenir compte du principe de réalité, c’est-à-dire de la réalité du contexte et des effets potentiels induits ? L’auteur des caricatures devait-il se laisser guider uniquement par ses convictions ou son désir de notoriété ? La réalité était que la parution de ces caricatures, dans le contexte créé par le film imbécile d’un américain débile et copte fanatique, devait nécessairement entraîner des violences. Les morts que ces violences ont provoquées, ainsi que les menaces exercées sur la vie des otages français détenus par al-Qaïda, sont là pour l’attester. Quel était l’objectif du caricaturiste : provoquer le rire ou l’humiliation ? Pourquoi ne s’est-il pas poser la question de savoir combien en riront et combien se sentiront humiliés ? Le caricaturiste avait forcément conscience de mettre en danger les français vivant dans les pays musulmans, ou alors il est totalement inconscient et donc dangereux. Malgré cette mise en danger, il n’a pas su résister à l’appel douteux de la publicité personnelle. Il n’a pas su mettre en pratique le principe de réalité. On peut aussi se poser des questions sur les motivations douteuses des acquéreurs du journal qui se sont rués sur le numéro. Toute provocation étant de même nature, en quoi la provocation du caricaturiste de Charlie-Hebdo est-elle différente de celles de Marine Le Pen ? Se poser ces questions relève de la critique et non de la censure, n’en déplaise à Libération et à Mr. Nicolas Demorand.