Mais mon souhait aujourd’hui n’est pas de réfléchir sur le pathologiste de fiction que nous voyons découvrir l’assassin, ni sur l’acteur qui incarne un détective moderne dans un laboratoire impeccablement propre. Non ceux-ci font partie d’un scenario pensé pour distraire et que l’on peut aimer ou ne pas aimer. C’est bien autre chose qui me préoccupe : L’infiltration permanente, dans les réseaux alternatifs d’information, de matériel de police scientifique, réel et cru, systématiquement produit par les services du Ministère de l’Intérieur cubain. Les photos d’autopsie, les vidéos de reconstitution de délits, les images prises par la police sur le lieu du crime, les déclarations faites devant la caméra par les accusés. Rares ont les mois où ne circulent pas sur les téléphones cellulaires ou les clés USB, des éléments de dossiers criminels qui devraient être conservés dans la discrétion et l’anonymat. Et il ne s’agit aucunement de photos prises par un paparazzi ou par quelque intrus qui passait par là, mais bien du contenu évident d’archives policières. Imaginez qu’un beau jour vous perdiez un parent proche dans un accident tragique et, horreur, qu’ensuite vous découvriez que le moment où l’incision en « Y » est pratiquée sur la table de l’autopsie est devenu un « snuff movie » à succès. Il est curieux que le Ministère de l’Intérieur, qui traite aussi secrètement les questions politiques ou d’espionnage, gère ses archives de délits communs avec aussi peu de zèle. C’est vrai que du fait de cette négligence nous apprenons parfois des faits dont nous n‘aurions autrement pas eu connaissance, tels que la mort de dizaines de patients à l’Hôpital Psychiatrique de La Havane. Mais dans la grande majorité des cas, l’indiscrétion n’apporte pas de révélation, mais constitue une grave intrusion dans la vie, ou la mort, d’un individu. Avec comme conséquence la douleur ajoutée pour la famille, qui doit voir comment les viscères de son père ou de son frère courent sur les écrans de milliers d’ordinateurs du pays. Cela m’attriste que quelqu’un puisse frapper à ma porte pour me montrer sur l’écran de son Nokia un corps dans une morgue et me faire réaliser que la photo a été prise par ceux qui justement devraient préserver l’intimité, même après la mort. Cela m’effraie qu’il s’agisse d’une des manifestations les plus récentes du manque de respect prolongé envers l’intimité de l’individu dont souffre notre société. Je trouvais déjà abominable qu’un membre du Comité de Défense de la Révolution pratique la délation vis-à-vis de son voisin, que le maître informe sur les idées politiques de ses propres élèves et que le médecin parle à la télévision de la consultation d’un patient ; et voilà que maintenant s’y ajoute la légèreté de la police scientifique comme pièce ultime de cet engrenage de l’indiscrétion. Il ne s’agit pas ici d’une série de fiction, ni d’un épisode de plus dans lequel Grissom attrape l’assassin après avoir investigué le contenu de l’estomac d’une larve. Il s’agit de la réalité, de la douleur concrète des parents de la victime, du respect auquel tout être humain a le droit même s’il a cessé de respirer. Sa nudité, ses blessures, sa rigor mortis, son impuissance dans le froid de la morgue, personne n’a le droit de les laisser filtrer. Encore moins les personnes qui sont là pour veiller à ce que ce triste moment ne se transforme pas en un morceau d’exhibitionnisme. Traduit par Jean-Claude MAROUBY
Mais mon souhait aujourd’hui n’est pas de réfléchir sur le pathologiste de fiction que nous voyons découvrir l’assassin, ni sur l’acteur qui incarne un détective moderne dans un laboratoire impeccablement propre. Non ceux-ci font partie d’un scenario pensé pour distraire et que l’on peut aimer ou ne pas aimer. C’est bien autre chose qui me préoccupe : L’infiltration permanente, dans les réseaux alternatifs d’information, de matériel de police scientifique, réel et cru, systématiquement produit par les services du Ministère de l’Intérieur cubain. Les photos d’autopsie, les vidéos de reconstitution de délits, les images prises par la police sur le lieu du crime, les déclarations faites devant la caméra par les accusés. Rares ont les mois où ne circulent pas sur les téléphones cellulaires ou les clés USB, des éléments de dossiers criminels qui devraient être conservés dans la discrétion et l’anonymat. Et il ne s’agit aucunement de photos prises par un paparazzi ou par quelque intrus qui passait par là, mais bien du contenu évident d’archives policières. Imaginez qu’un beau jour vous perdiez un parent proche dans un accident tragique et, horreur, qu’ensuite vous découvriez que le moment où l’incision en « Y » est pratiquée sur la table de l’autopsie est devenu un « snuff movie » à succès. Il est curieux que le Ministère de l’Intérieur, qui traite aussi secrètement les questions politiques ou d’espionnage, gère ses archives de délits communs avec aussi peu de zèle. C’est vrai que du fait de cette négligence nous apprenons parfois des faits dont nous n‘aurions autrement pas eu connaissance, tels que la mort de dizaines de patients à l’Hôpital Psychiatrique de La Havane. Mais dans la grande majorité des cas, l’indiscrétion n’apporte pas de révélation, mais constitue une grave intrusion dans la vie, ou la mort, d’un individu. Avec comme conséquence la douleur ajoutée pour la famille, qui doit voir comment les viscères de son père ou de son frère courent sur les écrans de milliers d’ordinateurs du pays. Cela m’attriste que quelqu’un puisse frapper à ma porte pour me montrer sur l’écran de son Nokia un corps dans une morgue et me faire réaliser que la photo a été prise par ceux qui justement devraient préserver l’intimité, même après la mort. Cela m’effraie qu’il s’agisse d’une des manifestations les plus récentes du manque de respect prolongé envers l’intimité de l’individu dont souffre notre société. Je trouvais déjà abominable qu’un membre du Comité de Défense de la Révolution pratique la délation vis-à-vis de son voisin, que le maître informe sur les idées politiques de ses propres élèves et que le médecin parle à la télévision de la consultation d’un patient ; et voilà que maintenant s’y ajoute la légèreté de la police scientifique comme pièce ultime de cet engrenage de l’indiscrétion. Il ne s’agit pas ici d’une série de fiction, ni d’un épisode de plus dans lequel Grissom attrape l’assassin après avoir investigué le contenu de l’estomac d’une larve. Il s’agit de la réalité, de la douleur concrète des parents de la victime, du respect auquel tout être humain a le droit même s’il a cessé de respirer. Sa nudité, ses blessures, sa rigor mortis, son impuissance dans le froid de la morgue, personne n’a le droit de les laisser filtrer. Encore moins les personnes qui sont là pour veiller à ce que ce triste moment ne se transforme pas en un morceau d’exhibitionnisme. Traduit par Jean-Claude MAROUBY