Dans une étude publiée le 13 septembre par PLoS Genetics, une équipe internationale emmenée par Manfred Kayser, chercheur à l’université Erasme de Rotterdam et co-pilote de VisiGen, a identifié un lien entre cinq gènes et certaines caractéristiques du visage. Pour y parvenir, les auteurs de cet article ont travaillé sur la physionomie de près de dix mille personnes réparties en plusieurs cohortes. Tous les membres de cette population étaient d’origine européenne, y compris ceux issus du Canada ou d’Australie, qui représentaient un tiers de l’échantillon. Les visages de toutes ces personnes ont été étudiées, soit sur photographies, soit à l’aide d’images en trois dimensions provenant d’IRM, l’idée étant de prendre des points de repère fixes (pupilles, point le plus extérieur des pommettes, sommet, base et pointe du nez, etc.) et de mesurer les écarts entre ces différents points. Puis, dans une seconde phase, les chercheurs ont tenté d’associer ces dizaines de mesures avec quelque 2,5 millions de variations génétiques.
A l’arrivée, cinq gènes ont donc été reliés de manière significative avec des caractéristiques « spatiales » du visage comme sa largeur, l’écart entre les yeux ou la proéminence du nez. L’approche des chercheurs a été confortée par le fait que trois de ces gènes avaient, par le passé, déjà été associés avec des pathologies touchant le visage (fentes labiales ou palatines, insuffisance du développement de la mâchoire inférieure). Certes, on est loin, avec seulement cinq gènes, de pouvoir donner de l’ADN à une machine et d’attendre que celle-ci dessine un portrait-robot. On en est d’autant plus loin que l’autre grand enseignement de l’étude dit que chaque gène ne joue qu’un rôle modeste dans le modelage du visage : c’est probablement une combinaison de plusieurs centaines de gènes, si ce n’est plus, qui donne à chacun sa physionomie propre.
Manfred Kayser sait que cette étude ne constitue rien d’autre qu’un point de départ. Interrogé par The Independent, il a dit considérer ces premiers résultats comme « le début de la compréhension génétique de la morphologie du visage humain. » Il faudra évidemment beaucoup d’autres études de ce genre, couplant imagerie en 3D et génétique, pour identifier tous les gènes impliqués dans la forme du visage et comprendre comment ils interagissent. Néanmoins, Manfred Kayser, même s’il parle au conditionnel, a bon espoir que la police scientifique, déjà très avide d’ADN pour identifier ou innocenter des suspects, exploitera un jour les autres informations que le support de l’information génétique recèle : pouvoir dessiner le visage de quelqu’un à partir de son ADN « marquerait la fin du portrait-robot à l’ancienne et constituerait une amélioration par rapport à ce que rapportent les témoins visuels, auxquels on ne peut pas vraiment se fier. Vous n’auriez pas le problème du témoin qui se rappelle mal ou dont le souvenir est partial. Ce serait plus précis. »
Tirer des « prédictions » précises sur le faciès à partir de l’ADN, à des fins de police scientifique, est une discipline en plein essor ces dernières années, notamment sous l’influence de Manfred Kayser. Des études ont ainsi montré qu’il était possible de se faire une bonne idée de la couleur des yeux ainsi que de celle des cheveux. De la même manière, un élément important pour les portraits-robots, à savoir l’âge du criminel, peut être déduit pour peu que ce dernier ait laissé une goutte de son sang sur la scène de crime. En effet, une étude publiée en 2010 a montré qu’il était possible d’évaluer l’âge d’une personne en étudiant les lymphocytes T et en particulier leur matériel génétique qui a été réarrangé lorsque ces cellules ont appris leur métier de guerrières du système immunitaire.
de Pierre Barthélémy (@PasseurSciences sur Twitter)
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