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Lucile Bordes

Par Claude_amstutz

littérature; récit; livres

Une lecture réjouissante que ce premier récit de Lucile Bordes, partie à la recherche de ses racines familiales, avec pour tout bagage un cliché datant de 1936, des livres de comptes, des partitions pour films muets, des disques, un piano. En fait, l'histoire commence en 1850 avec son ancêtre Auguste, garçon d'épicerie, rêvant d'un ailleurs qui se matérialise sous la forme d'une roulotte de forains et de son propriétaire, Chok, auprès duquel il veut apprendre où mènent les routes, et prêter vie à ses marionnettes, ces gisants de bois.

Il se montre doué, apprend, peint les décors, confectionne les costumes, habille les marionnettes, en sculpte de nouvelles, manie les fils. Chok prend conscience qu'à sa mort, celui-ci assurera la relève et pour lui prouver sa gratitude, lui offre sa marionnette préférée, Crasmagne, le fil conducteur de cette histoire, à l'enseigne du Grand Théâtre Pitou et plus tard du Palace: Auguste reçoit Crasmagne avec dévotion. Il le prend des mains de Chok comme un paquet précieux. Son poids, sa taille, le troublent. Il tient l'enfant de bois comme tout à l'heure son fils endormi. Il est à peine un peu plus grand et un peu plus léger. Mais le même sourire vague dans le sommeil, les mêmes yeux doux du rêve sous les cheveux blonds en bataille, quand on les couche pour de bon le spectacle fini, une fois remis en caisse les costumes et accessoires.

Lucile Bordes nous fait découvrir cette dynastie - la sienne - qui illumine pendant cent cinquante ans les salles de spectacle, traverse les affres de la guerre, les débuts du cinéma, muet puis parlant, signant la fin des saltimbanques auxquels le grand écran est préféré. Avec une plume légère, elle trouve les mots magiques pour parler de cet art proche de l'univers des poètes, dont la nostalgie nous gagne avec un insidieux serrement de coeur: La vie se ramasse et s'embuissonne au coeur des marionnettes, quelque part sous les veines du bois en un endroit que protègent les fibres toujours tièdes, leur coque de peau lisse comme un bonbon sucé lisse sous la langue.(...) Les marionnettes te feront toujours vivre. Ce sont elles qui tirent les ficelles.

Reconstitution d'une généalogie sous une forme romanesque, le récit de Lucile Bordes cerne avec beaucoup de douceur et d'émotion ces faiseurs de rêve dont la vie n'a pas épargné les tribulations, imperceptiblement devenus les marionnettes de leurs créations, sous l'oeil amusé de Crasmagne. Au bout de ce voyage dans le temps, Lucile Bordes - impregnée de la fantaisie familiale - s'ouvre à l'éclairage du jour présent sans rancoeur, avec une infinie gratitude: Je peux à mon tour trimballer mon monde avec moi. Je peux l'accoster. Il a failli disparaître et on me l'a rendu. Je suis l'heureuse propriétaire d'un théâtre ambulant. Parmi mes propriétés, il y a le théâtre Pitou et ses habitants, hommes, femmes, pantins, tout un peuple à ma guise, dont je parle la langue. Avec ces papiers je circule librement sur mes terres. Je suis la marquise de Carabas.

Lucile Bordes est née en 1971 dans le Var et vit à La Seyne-sur-mer. Maître de conférences à l'université de Nice, elle anime également des ateliers d'écriture. Je suis la marquise de Carabas est sa première oeuvre littéraire. 

Sur le site des Musées Gadagne de Lyon - lien ci-dessous - vous pouvez retrouver la saga des Pitou et de Crasmagne. Enfin, sur ce blog - dans Morceaux choisis - un extrait de ce très beau livre est présenté.

Lucile Bordes, Je suis la marquise de Carabas (Liana Levi, 2012)

www.gadagne.musees.lyon.fr/index.../thema_pitou.pdf


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