Ces dames de la Cour, qui se révèlent être de très grands poètes, chantent l’amour : ses peines, ses attentes, ses trahisons, les ragots et médisances dont il fait l’objet, l’inconstance des amants, et parfois leur abandon.
La forme du waka comporte cinq vers de trente-et-une syllabes réparties comme suit : 5-7-5 puis 7-7.
De teinte invisible
qui pourtant va s’altérer
il n’est en ce monde
qu’une seule fleur, pour sûr,
on l’appelle Cœur-de-mortel.
Ono no Komachi
Légère et frivole,
hélas … de cette existence
reste le tourment.
Promesse me fut jadis
donnée – de même la vie
Princesse Skokushi
Mots jetés au vent
comme feuilles dispersées
ont glacé mon cœur :
pour le noyer de froidure
se pressent les pluies d’automne.
Ise
Amour en secret
couve jusqu’à m’abolir,
infime fumée,
nuée dissipée sans trace
et sans sillage – Ah, tristesse !
Fille de Toshinari
File, file en été
comme aux doigts des filandières
la chaîne des ans,
jamais ne pourrai défaire
l’amour qui me tient nouée.
Echizen
Livrée à froideur
comme épi au vent d’automne
ah, quel triste sort !
Pauvre de moi dont nul fruit
ne sera plus à attendre.
Ono no Komachi
La mienne passion
n’est connue d’âme qui vive.
Ces pleurs que retient
ma couche, ne les répands pas,
mon petit chevet de buis !
Princesse Shokushi
Peut-être ne suis-je
de ce monde ? Mon esprit
en suspens se perd
depuis que l’homme attendu
grand-peine d’oubli m’inflige.
Ono no Komachi
Je me suis inspirée pour cet article du merveilleux livre Songe d’une nuit de printemps – Poèmes d’amour des dames de Heian par Renée Garde aux éditions Philippe Picquier, dans lequel vous retrouverez les poèmes qui précèdent, et des dizaines d’autres, ainsi qu’une remarquable introduction, très accessible, très poétique, et qui nous rend très proche cette Cour Impériale pourtant si éloignée de nous …