Bons baisers du Chili : comment passer du mitard à la gloire ?

Publié le 22 septembre 2012 par Wtfru @romain_wtfru

Quilicura, Chili – Il est encore tôt ce matin là, dans ce « no man’s land » rancheros quand les jeunes du coins décident de braver le brouillard pour aller tater la gonfle sur le seul terrain de football gazonné de la région. Ayant pour seuls supporters des poulets et des vaches les joueurs de Santiago Morning sprintent paisiblement en guise de décrassage. Jusqu’ici rien d’anormal, donc à quoi bon parler d’un entrainement d’une équipe de seconde zone chilienne ?

Tout simplement pour Maxim Molokoedov, ex-taulard jouant en liberté provisoire après près de trois ans de prison – donc arrêtez de vous palucher sur Zlatan et commencez à suivre la carrière la plus folle de ces dernières années. Mais avant tout revenons sur la vie peu banale de Maxim, qui chaque soir, dort derrière les barreaux. Mais chaque matin, sort de sa cellule de prison, prêt à trouer les filets sur le terrain en portant le maillot de son équipe.

Avant d’avoir un mulet de star du ballon rond, Molokoedov à surtout été une mule arrêté pour avoir transporté six kilos de cocaïne qu’il avait l’intention de faire passer en Europe dans des livres pour enfants. Autant dire qu’à côté Joey Barton est un sacré rigolo. Lorsqu’on interroge le minot sur son destin hors du commun il se dit : «  heureux, mais je sais que j’ai besoin de travailler dur » un beau discours de gendre idéal débité avec un fort accent russe, dans un argot de chicanos qu’il a appris avec ces autres détenus. 

En Russie, Molokoedov avait abandonné l’école dans sa ville natale de Saint-Pétersbourg. Mais à peine sorti de salle de classe qu’il entrait déjà en odeur de sainteté dans un club de deuxième division russe doté d’un nom de fusil d’assaut : le Pskov FK 747. Puissant et à l’aise balle au pied, il ne lui manque pas grand chose pour se faire remarquer. Néanmoins, comme nombre de jeunes, il n’aura pas la chance de faire son trou.

Que se passe-t-il après ? Dans un pays qui n’offre pas beaucoup d’opportunités à sa jeunesse, facile de le deviner. Le bougre tombe sur des nouveaux amis peu recommandables qui lui propose un boulot de coursier pas comme les autres. Moscou, Madrid, l’Amérique du sud en point de mire. Mais tout s’arrête donc à l’aéroport de Santiago du Chili avec six kilos dans le slibard. Justice 2.0 sauce guacamole et 3 ans et 1 jour pour celui qu’on appel « El Ruso ».  

Autant dire que les premiers jours au pénitencier de Santiago ont été rudes. Molokoedov dort dans une cellule, entassé avec quatre autres prisonniers, ne parlant pas un mot d’espagnol et complètement coupé de ses proches. Le jeune moscovite se mit donc à prier sa croix de St Nicolas en bois pour alléger sa peine. Mais le miracle ne viendra pas du ciel mais de la promenade.  Chaque jour des petits matchs sont improvisés dans la cour et les détenus apprennent vite à connaitre le gamin qui régale les taulards en caviar, crochets et autres mets. Certains finiront par lui offrir des déodorants ou une barre de savon pour pouvoir l’avoir dans leur équipe.

Le mythe aurait dû s’arrêter là, mais un bruit a couru à propos de ce « El Ruso ». Il a même atteint les oreilles de l’entraîneur national chilien Claudio Borghi, qui a fini par rendre une visite surprise à Molokoedov. Le verdict tombe, il est « assez bon pour passer pro ». Le petit génie sera aussi soutenu par Franklin Lobos, un ancien joueur professionnel Chilien reconvertit bénévole dans les prisons et qui  se portera garant du russe.

Après seulement une année d’incarcération (sur trois), le directeur de la prison a commencé à le laisser sortir le dimanche pour jouer au football, tant qu’il était accompagné par un garde.«C’est une situation exceptionnelle qui a à voir avec les capacités sportives de Maxim », déclarait à l’époque Max Laulie, un porte-parole de la police pénitentiaire du Chili.Un tel arrangement serait difficile à imaginer dans les pays où la tolérance est de zéro pour les drogues comme Singapour, la Malaisie ou l’Iran, et où les trafiquants obtiennent souvent la peine de mort ou au moins une longue peine de prison.

 

L’heure de ses débuts arrive et ils sont tonitruant, Molokoedov marque deux buts contre la meilleur équipe de la division, le Palestino. Son entraîneur Hernan Ibarra fait l’éloge de son contrôle de balle, de sa capacité à monter à l’improviste derrière les joueurs et, surtout, sa vitesse. Il compare Molokoedov au grand Luis Figo (sic). «Peut-être que j’exagère un peu, n’oubliez pas que ce gamin n’a été avec nous que pendant quelques semaines», a déclaré Ibarra. « Mais je vois certaines prédispositions physiques et techniques … C’est un joueur important pour n’importe quelle équipe au Chili et je n’ai aucun doute qu’il a tout ce qu’il faut pour devenir un joueur professionnel. »

Molokoedov aurait pu retourner en Russie à la fin de l’été. En effet, une loi d’amnistie récemment entrée en vigueur permet de libérer les prisons surpeuplées par le renvoi des prisonniers étrangers dans leur pays d’origine. Mais Molokoedov a choisi de rester et de jouer au football pour son club, qui a annoncé mardi son transfert officiel du FK 747 Pskov, lui permettant ainsi de jouer dans des tournois au Chili. Le club a refusé de dire combien il sera payé et de divulguer le montant du transfert.

Au final, le génie de ce mec tient dans le fait de réaliser la carrière inverse de Tony Vairelles en commençant derrière les barreaux pour finir star dans un club de prolos. Préparez vous du côté de Lens, Maxim arrive !