L’équipe d’Extérieur Nuit a eu l’occasion de trainer ses guêtres à l’Étrange Festival, qui s’est tenu du 6 au 16 septembre au Forum des images à Paris (site officiel). Retour sur les films vus.
Montré en ouverture du festival, Headhunters de Morten Tyldum a donc marqué les esprits et les spectateurs, puisqu’il est reparti avec rien de moins que le Prix Nouveau Genre et le Prix du public. La totale. Il faut dire que cette adaptation d’un roman de Jo Nesbø s’est révélée aussi surprenante que réjouissante. Présenté comme « un thriller froid comme la glace lorgnant vers la trilogie Millénium du Suédois Stieg Larsson », le film suit un chasseur de têtes, petite taille mais grande gueule, qui risque tout pour acquérir un tableau de valeur dont le propriétaire est en fait un ancien mercenaire. Très vite pourtant, lé récit se détourne de ses enjeux initiaux pour glisser vers la farce macabre et grandiloquente. Le héros passe ainsi son temps à s’en prendre plein la gueule, comme l’on punit un sale gosse qui croit qu’il peut jouer avec les grands. Magie des internets, le réalisateur Morten Tyldum était en visioconférence pour remercier les festivaliers et leur donner rendez-vous en janvier à Paris, où il tournera son premier film hollywoodien.
Le diptyque Bakara / Samsara de Ron Fricke et Mark Magidson était peut-être le véritable évènement de cet Etrange Festival 2012, et l’occasion de découvrir « les films les plus beaux du monde » sur grand écran. Réalisé en 1992 et utilisant le format 70 mm, Bakara parcourt le monde pour mieux en raconter l’histoire. Et toute histoire a une fin. Si les images semblent célébrer la nature et la vie, le film ne parle, alors qu’il n’y a pas de voix off, que de culture, de mort et travaille en creux la fin de notre civilisation. Baraka signifie « souffle de vie », le dernier ? Suite et réponse réalisée 20 ans plus tard, Samsara était présenté par Jan Kounen comme une « méditation guidée ». Enervée et désespéré pourrait-on ajouter. D’un, Ron Fricke balaie d’un seul mouvement de caméra tous les documentaires et autre Yann Arthus-Bertrand de cette dernière décennie, et de deux, il montre comment la « roue de la vie », traduction littérale du titre, ne tourne plus rond. De ce point de vue, le montage frénétique de notre quotidien, de notre consommation, de notre vie laisse le spectateur, le citoyen, l’homme à genoux. Alors qu’il était assis ! Tel un Terrence Malick qui n’y croirait plus, Ron Fricke pose ainsi la question de l’après. Tout recommencer ? Mais où ?
Depuis qu’il tourne dans les festivals du monde entier, Resolution est devenu la péloche fauchée, mystérieuse et maligne à voir absolument. Un mec élabore un plan d’isolement pour convaincre son meilleur ami de dérocher de la méthadone et d’aller en cure de désintoxication. Que peut cacher ce pitch finalement plus dramatique qu’étrange ? C’est le tour de force des réalisateurs américains Justin Benson et Aaron Moorhead, qui livre, entre comédie et suspense, une réflexion sur leur art, entre mythe et storytelling. Il faut ainsi en savoir le moins possible avant de voir le film, et par exemple ne pas regarder la bande-annonce.
En clôture, L’Etrange Festival présentait Dredd en avant-première et en inédit, car le film n’est toujours pas daté pour une sortie française. A la fois reboot du nanar (ou plaisir coupable, c’est selon) réalisé en 1995 avec Sly et adaptation du comics de John Wagner et Carlos Ezquerra, ce Judge Dredd est en fait un faux film d’action et un vrai film indépendant. Par la manière dont il est produit mais aussi par le ton qu’il adopte. Impossible de ne pas penser à The Raid dans sa construction, mais la comparaison s’arrête là, le film réalisé par Pete Travis s’intéressant moins à l’action qu’au personnage. Dredd est étonnamment bien écrit par Alex Garland et interprété par Karl Urban, jouant à merveille entre le premier et le second degré. Le film réussit ainsi à asseoir son héros comme une icône et à trouver une identité, voire une esthétique, qui lui est propre.
Vincent Julé