Tout au long de la semaine écoulée, plusieurs grandes dates de notre Panthéon républicain sont passées sans aucune mention dans les médias, sans aucune cérémonies officielles, sans la moindre commération. Alors que durant des jours et des jours la presse s'est focalisée sur les polémiques de court terme, signe d'une passion exagérée pour l'éphémère qui sera demain balayé par un autre sujet, et pendant que les mots de République, de Liberté, d'Egalité, de Tolérance ou encore de Laïcité sont mis à toutes les sauces ; il me semble essentiel de jeter un oeil sur notre Histoire pour ne pas oublier d'où nous viennent ces valeurs ni la manière dont elles ont vaincu l'obscurantisme, l'ignorance ou l'injustice afin de leur redonner tout leur sens.
De tous ces évènements qui sont à l'origine de notre histoire moderne et dont on a si peu parlé cette semaine, la date du 21 septembre 1792 est la plus essentielle. A cette date, la Convention Nationale proclama la Première République, conséquence logique de l’insurrection du 10 août et de la toute récente victoire de Valmy !
En effet, assigné à résidence au Palais des Tuileries depuis juin 1791 et sa fuite à Varennes, le Roi Louis XVI rendait chaque jour la monarchie de plus en plus impopulaire. La menace, durant l’été 1792, d’une inévitable et imminente invasion étrangère, à laquelle on soupçonnait ( à raison) de plus en plus le Roi et la Reine Marie-Antoinette d'Autriche de montrer de la sympathie, allait mettre le feu aux poudres.
Le 10 août 1792, une foule de sans-culottes, renforcée de "fédérés" (soldats volontaires des provinces de toute la France qui se fédérèrent pour "sauver la Patrie en danger"), s'empara du Palais des Tuileries où étaient assignés à résidence Louis XVI et sa famille. Au terme d'une journée d'intenses combats, ces derniers furent internés. L’Assemblée législative concrétisa son issue en prononçant la suspension du Roi. Ce fut alors la fin effective de la monarchie.
Mais restait à confirmer la nature du futur régime. L’Assemblée législative vota dans cette optique un décret demandant l'élection au suffrage universel (masculin) d'une « Convention nationale » qui prendrait toutes les mesures « pour assurer la souveraineté du peuple et le règne de la liberté et de l'égalité » et ainsi décider des nouvelles institutions du pays.
Les élections eurent lieu en septembre alors même que les Prussiens s’avançaient à grand pas vers Paris. La participation des électeurs fut très faible, et c’est une Convention nationale à forte tonalité « bourgeoise » et peu favorable à la royauté qui sortit des urnes.
Ainsi, c’est le 20 septembre 1792, le jour même où se déroula à Valmy une bataille décisive, que la Convention nationale se réunit pour la première fois. L'issue favorable de la bataille remportée par Kellermann au "nom de la Nation" contre les armées impériales, annoncée le lendemain, conforta considérablement les aspirations républicaines des députés.
Lorsque Jean-Marie Collot d'Herbois, député de Paris, proposa
l'abolition de la royauté et la proclamation de la République, il ne rencontra guère de résistance, tout au plus celle de Claude Basire, un ami de Danton, qui s'efforça de tempérer l'enthousiasme
en recommandant une discussion. Mais l'abbé Henri Grégoire, l'évêque de Blois lui répondit vertement : « Qu'est-il besoin de discuter quand tout le monde est d'accord ? Les rois sont
dans l'ordre moral ce que les monstres sont dans l'ordre physique. Les Cours sont l'atelier du crime, le foyer de la corruption et la tanière des tyrans. L'histoire des rois est le martyrologue
des nations ! ». Jean-François Ducos l'appuya en affirmant que toute explication serait bien inutile « après les lumières répandues le 10
août ».
Cette argumentation servit de débat, et la décision fut prise à l'unanimité : la royauté fut abolie, la République proclamée. La Convention
nationale ne fit en effet qu’achever et concrétiser sur le plan juridique ce que la mobilisation populaire, ce que le peuple en armes avait bâti.
Le 22, la Convention nationale, pour marquer le début d’une nouvelle ère, décida désormais de dater les actes officiels non plus de l'an IV de la Liberté (en référence à 1789) mais de l'an I de la République, jetant les bases de ce qui sera le calendrier républicain.
Le 25, sur la proposition de Couthon, député du Puy-de-Dôme, elle vota, à l’unanimité, le fameux décret proclamant que « la République est une et indivisible ».
Aussi, la royauté étant abolie, les députés commencèrent à prêter le serment de fidélité, non plus au Roi, mais à la Nation :
« Au nom de la Nation,
je jure de maintenir
la liberté et l'égalité
ou de mourir à mon poste »
Deux cent vingt ans plus tard, si entre temps pas moins de quatre républiques succédèrent à la première, entrecoupées de règnes monarchiques ou autoritaires, si le poétique calendrier républicain a disparu, alors que cet automne 2012 s'ouvre sur une quête du sens pour notre pays en crise, un petit rappel à ce tryptique né en 1792 des combats populaires à Paris, à Valmy, et dans les rangs de la grande et terrible Convention Nationale ne peut faire de mal pour réaffirmer la liberté, l'égalité et la fraternité, trinité inséparable du ciment de notre Nation.
Alors vive l'an CCXX de la République !