Une substance chimique du cerveau appelée enképhaline qui provoque un signal d'envie similaire à celui de l'opium lorsque des rats commencent à grignoter du chocolat ? L'injection de cette même substance synthétisée dans le cerveau qui déclenche un état compulsif chez l'animal ? Ces deux constatations peuvent-elles suggérer que le chocolat pourrait entraîner une addiction aussi élevé que l'opium ? Ces conclusions, publiées dans l'édition du 20 septembre de la revue Current Biology mettent en effet en évidence, avec le rôle clé de ces enképhalines, des comparaisons étonnantes entre le développement de troubles alimentaires compulsifs et de la toxicomanie.
Les enképhalines sont des endorphines, secrétées naturellement dans le cerveau, qui se lient aux récepteurs opioïdes. Les récepteurs opioïdes sont la principale voie par laquelle les opiacés exercent leurs effets dans le cerveau, comme la réduction de la douleur et la production de sensations agréables. On sait que bien que largement utilisés dans le passé comme analgésiques, les opiacés sont maintenant réservés à la prise en charge de la douleur sévère en raison de leur potentiel à entraîner une dépendance.
Ces chercheurs de l'University of Michigan ont tout simplement fait manger à des rats des M & Ms et ces rats s'en sont « gavés » durant 20 mn, jusqu'à 5% de leur poids corporel soit l'équivalent pour un humain de 3,6 kilos de M & Ms, soit encore, l'équivalent d'1,5 kg de sucre. Les niveaux d'enképhalines dans leur cerveau ont été mesurés. Ces niveaux demeurent élevés tout au long de la période de boulimie, puis commencent à diminuer alors que les rats ralentissent puis cessent de manger, puis reviennent à la normale dans les 40 minutes.
Mais, tout en ingurgitant cette quantité excessive de friandises, les rats ne semblent pas réellement en tirer plaisir, ils ne se lèchent pas les babines, précisent les chercheurs ! Si c'est donc à ce stade une étude sur l'animal, le parallèle avec certains troubles alimentaires compulsifs comme les crises de boulimie, difficiles à arrêter bien que provoquant peu de plaisir, est inévitable.
Le rôle clé des enképhalines dans la compulsion: Les chercheurs découvrent aussi, dans cette recherche que l'injection d'un opiacé synthétique, semblable à l'enképhaline, dans le néostriatum dorsal, une zone du cerveau, déclenche une frénésie de boulimie chez les rats. Les rats entrent alors dans un modèle compulsif tel que les chercheurs doivent retirer le chocolat pour que les rats s'arrêtent d'en consommer.
Le néostriatum dorsal, une nouvelle zone en cause: Si à ce stade, ce ne sont encore que des spéculations, l'étude soulève la possibilité que cette région du cerveau, associée jusqu'à maintenant à un mouvement physique, pourrait également être impliquée dans la dépendance et la compulsion alimentaire. Ainsi, certaines personnes, nées avec une anomalie ou une mutation dans cette région du cerveau, pourraient être enclines à rentrer dans un cercle vicieux de boulimie, qui conduit à une hausse des niveaux d'enképhalines, qui conduit à plus de boulimie encore, et ainsi de suite ...
Les auteurs concluent que des niveaux élevés d'enképhaline et que la stimulation de la région néostriatum dorsal contribuent signaler une récompense sensorielle et à générer une consommation accrue de cette récompense. Si la motivation déclenchée par cette élévation d'enképhaline peut plus que doubler la quantité de nourriture chez les rats, les chercheurs suggèrent que cette substance chimique pourrait aussi être impliquée dans certaines addictions humaines et que les enképhalines pourraient donc être une cible précieuse pour traiter les troubles alimentaires compulsifs comme la toxicomanie.
Source: Current Biology doi:10.1016/j.cub.2012.08.014 online September 20 2012Enkephalin Surges in Dorsal Neostriatum as a Signal to Eat. (Visuel © ehrenberg-bilder - Fotolia.com)