Il est temps d'établir une fois pour toute la différence entre une mauvaise série et une série qui n'est pas bonne. La mauvaise série, c'est celle qui, quand vous en découvrez le pilote, vous donne des remontées acides, l'envie de brûler votre disque dur et de changer de hobby pour vous mettre à la fabrication artisanale de faisselle à base de lait de brebis. On a tous en tête des exemples de mauvaise série, à un point même que chacun développe son expression fétiche sur le sujet, incluant les termes de "sombre navet", "grosse merde" ou "odieuse bouse", et toutes les variantes colorées auxquelles vous pouvez penser. Quand une série est vraiment mauvaise, elle révolte le téléphage ; elle l'écoeure, lui donne envie de vomir le plus de venin possible à son propos dés que l'occasion s'en présente. Quand vous dites qu'une série est mauvaise, c'est avec autant de passion que vous clamez qu'une série est excellente, il n'y a pas de place pour la tiédeur.
La série qui n'est pas bonne ne vous met pas dans tous vos états. La série qui n'est pas bonne vous donne un petit hoquet embarrassé, parce que vous n'avez pas la possibilité de l'écorcher vive dans une review, mais que d'un autre côté, lui trouver des excuses ne vous satisfait pas vraiment non plus. Son seul vrai problème, c'est de n'avoir pas même su effleurer l'excellence, d'avoir fait son job sans grand entrain et avec encore moins d'imagination, et de ne pas avoir su vous emporter dans un tourbillon d'enthousiasme... mais elle ne vous a pas soulevé le coeur, non plus.
Le problème c'est que l'exercice imposé par la rentrée (c'est-à-dire un arrivage quasi-constant de pilotes) nous conduit parfois à adopter un comportement un peu binaire. Si le premier épisode d'une série n'est pas excellent et enthousiasmant et fascinant et tout ce que vous voulez, alors ce premier épisode est mauvais. Il faut bien trouver un moyen de déterminer ce qu'on va regarder pendant l'année ! Et les journées ne sont pas extensibles. Alors c'est plus pratique de disposer les pilotes dans deux cases : "bon", ou "mauvais". Alors "pas bon" se traduit systématiquement en mauvais.
Nous avons chacun nos critères, chacun nos besoins vitaux qui ont besoin d'être satisfaits. Certains auront une boîte "bon" plus grande, où fourrer plus de pilotes en attendant de se faire un avis plus informé, au bout de quelques épisodes ou même toute une saison, se réservant le droit de transférer une série dans la boîte "mauvais" à tout moment. D'autres sont plus sélectifs et, s'ils n'ont pas été convaincus d'entrée de jeu par le pilote d'une série "pas bonne", vont directement le jeter dans la boîte "mauvais". A chacun son système pour déterminer à quoi ressemblera le planning du reste de la saison.
Au vu des retours que je lisais sur Twitter, je m'étais mentalement un peu préparée, je dois l'admettre, à flanquer The Mob Doctor directement dans la boîte "pas bon". Il faut dire qu'à la base, son pitch n'était pas d'une originalité foudroyante, et je ne ressentais qu'un enthousiasme très modéré vis-à-vis de ce que j'avais cru comprendre de son cast. Comme d'habitude je n'avais pas poussé la curiosité très loin, par principe, et puis très franchement, on n'a pas été beaucoup châtouillés par la promotion faite autour de la série en prévision de son lancement. Quand j'ai lancé le pilote, je me suis dit que j'allais découvrir une nouvelle série et probablement la ranger directement dans la boîte "pas bon", et ne plus en reparler.
Les choses ne sont pas si simples, parce que, si The Mob Doctor n'est, conformément à l'idée que je m'en faisais sans l'avoir vue, pas franchement une bonne série, elle n'est pas non plus mauvaise. Elle ne tient pas du ratage honteux dont on se demande comme un network a pu la commander, comme ça arrive pour certaines séries (le titre d'Animal Practice me vient instinctivement à l'esprit en cette rentrée).
Le premier épisode de The Mob Doctor a ses défauts, de toute évidence. Un univers hospitalier mal défini par exemple (où on consulte les dossiers des patients tantôt sur iPad, tantôt dans un classeur de plusieurs centaines de feuillets), assez froid et impersonnel, pas vraiment un Cook County où la médecine est plus importante que le reste, mais pas non plus un Seattle Grace où les histoires privées sont au premier rang, juste un hôpital parmi tant d'autres, sans substance. Le monde mafieux n'est pas non plus sorti de la caricature dans ce premier épisode (l'interprétation toujours épouvantable de Michael Rappaport n'aidant pas ; les gens qui recrutent Michael Rappaport, qui sont-ils, quels sont leurs réseaux ?), et il faudra attendre la toute fin de l'épisode pour ressentir une lueur d'espoir à ce sujet.
Mais le dilemme dans lequel le personnage central est plongé est intéressant, et puisqu'il a été soulevé dés le pilote, je me demande quelels autres questions elle pourra bien se poser dans le cadre de ses fonctions un peu particulières. Peut-être que j'aurais préféré que sa vie à l'hôpital, ses rapports avec la hiérarchie, ou encore son idylle avec un autre médecin, prennent moins de place, mais c'est un épisode d'exposition et c'est, quelque part, nécessaire d'en passer par là.
On aimerait avoir, tous les jours, un coup de coeur de l'envergure de Tu m'aimes-tu ?, mais ce n'est pas possible. Et après tout, peut-être que nous ne sommes pas en mesure de supporter des coups de coeur quasi-quotidiens en période de rentrée.
Pour autant, tout n'est pas à jeter dans les séries qui, sans atteindre l'excellence, s'en tirent avec un résultat honorable pour leur première heure. Discerner un peu de potentiel, en ce début de saison, n'est pas toujours facile ; pour certaines séries, c'est tout bonnement impossible. Pour The Mob Doctor, je dois admettre que sans être surprise, ou émue, ou captivée, j'ai plusieurs fois trouvé que l'épisode menait bien sa barque. Et pourtant j'attends d'une série qu'elle me surprenne, m'émeuve ou me captive. Allez comprendre.
En tous cas, cette fois, ce que j'ai vu a suffit pour que j'aie envie de lui donner sa chance. Ca ne passera peut-être pas pour le prochain pilote qui, sans être mauvais, ne sera pas bon, mais c'est passé cette fois. Il y a certains facteurs sur lesquels il est difficile de mettre le doigt... peut-être tout simplement le nombre de retours négatifs que j'avais lus, et qui me faisaient envisager le pire ? The Mob Doctor est plus, ici, dans la situation de la série A Gifted Man l'an dernier : un drama pour lequel il vaut peut-être mieux ne pas se faire une opinion définitive avant quelques épisodes tant les lignes peuvent encore bouger.
Mais en tous cas, je vais suivre les aventures de Jordana Spiro pour quelques épisodes encore, et j'aviserai dans quelques semaines. Parce que l'épisode n'était pas aussi mauvais qu'on me l'avait dit. Et parce que parfois, le besoin de faire le tri à la rentrée ne doit pas nous faire oublier que tout n'a pas à se décider maintenant. On a un choix qui s'offre à nous, et un choix à faire, mais il n'est pas nécessaire de le faire maintenant. Un précepte que, je le sais bien, je n'applique pas toujours...
Et si je retiens ça du pilote de The Mob Doctor, c'est déjà pas si mal, comme leçon.
C'est vrai qu'avec du recul, j'ai peut-être moi-même été un peu sévère avec ce pilote. Mais faut dire que son personnage principal m'a été tellement antipathique que ça m'a mis dans de mauvaises dispositions.
Quoi qu'il en soit, tu as entièrement raison, c'est bête de placer des séries dans des boîtes réductrices directement après un pilote. On en a assez vu pour savoir que ces épisodes de présentation subit de nombreuses contraintes qui l'empêche de vraiment représenter ce que sera la série.