Dans le tumulte parisien, je recherche un peu de quiétude. Une requête quasi-impossible dans cette ville où tout bouge à mille à l’heure. Dans le métro, ligne 4 je me pose un instant. Il est 19 heure. L’heure de pointe et c’est blindé. Heureusement j’ai réussi à me dégoter une place, près d’une vitre pour être sûre de ne pas être déranger. Là, comme souvent, je visse sur mon crane mon casque. Et je branche le Ipod en mode shuffle. Je pose ma tête contre la vitre et je ferme les paupières attendant que le premier titre se lance. Un arpège sur une guitare sèche se fait entendre… et puis “I’m gonna chop down the family tree / Rake them into piles and burn all the leaves / ‘Cause it’s a forest of cowards / And a forest of thieves / Show no mercy”. La voix délicate et gorgée de douleur me force à ouvrir les yeux. J’avais oublié que dans le fin fond de cet Ipod j’y avais enfoui Evening Hymns. Un coup de cœur immédiat à la première écoute que j’avais malheureusement oublié puis finalement redécouvert avec la même délectation.
Evening Hymns, c’est le projet de Jonas Bonnetta. Folk à souhait mais sans les mièvreries que parfois le genre peut parfois connaitre. Certes, comme beaucoup de songwriters, le Canadien se sert de sa musique pour soigner ses maux. N’y a-t-il finalement pas de meilleurs remèdes à la douleur que le chant ? Mais là, où certains auteurs entourent leurs paroles d’un tas de fioritures, Jonas fait dans la simplicité et ses mots frappent comme des upercuts. “Family Tree” a résonné dans ma tête instantanément. Comme un coup de poing dans le visage. Stop le mode shuffle, c’est l’album en entier que je me décide à écouter. Grand m’en a fait, cela fait sans doute une semaine pleine que Spectral Dusk accompagne chacun de mes déplacements. Le matin, il me réveille en douceur. Le soir, il m’apaise. Les mélodies délicates de chacune des chansons cachent une symphonie de cordes sèches, violons ou piano. L’enregistrement est tel que l’on peut même entendre les cordes frottées à chaque accord, comme si le studio avait été installé dans un placard. Dans cette mer de mélancolie, “Cabin in the Burn” est le seul titre où une guitare électrique et une batterie métronomique s’invitent. Le reste est une invitation à la paix avec son soi intérieur. Je me laisse bercer par la beauté des violons sur “Irving Lake Access Road”, cette dérive instrumentale de plus de neuf minutes qui te plonge dans un état second. D’une chanson à l’autre on navigue en eaux troublées, on partage les maux du chanteur (un torturé bien évidemment), il se pose des questions sur la vie, la mort, la famille…lui qui a perdu son père il y a trois ans. L’autre thème omniprésent de l’album, c’est la nature, thème cher à tout songwriter, qui plus est Canadien. Il suffit de se pencher sur le titre de chaque chanson pour s’en rendre compte : “Family Tree”, l’arbre pour parler de la famille, “Cabin in The Burn”, pour parler de l’isolement, “Spirit In The Sky“ pour chanter le deuil.
Ballades folk déchirantes, voyage introspectifs, musique contemplative aux allures de Timber Timbre, Spectral Dusk est l’album qui permet de faire une pause, on rêve à son écoute des Grands Espaces canadien, on s’imagine dans cette cabine en bois en pleine forêt…Le petit monde de Jonas, là où tout n’est qu’ordre et beauté, nature, calme et volupté…
Dans le tumulte parisien, je rêvais d’un peu de quiétude… j’ai trouvé refuge chez Evening Hymns.