Umar TIMOL : "L'HOMME QUI NE POUVAIT S'EMPÊCHER DE RIRE" (suite).

Par Ananda

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Une nouvelle parenthèse avant d’en terminer. Il paraît qu’il n’y aurait en tout et pour tout, en littérature, que douze types d’ intrigue, et que, donc, les auteurs n’inventeraient strictement rien, au bout du compte. Mensonges que tout cela, bien sûr ! Mon roman, qui n’est pourtant en aucun cas innovateur et qui est même d’une banalité phénoménale, défie ce schéma. J’y engage en effet le lecteur à se choisir une fin parmi quatre propositions de mon cru et, comble d’originalité, à la fin (la fin des fins), je lui réserve une surprise !


Deuxième et dernière parenthèse (cette fois, je m’y engage !) : les diverses fins que je propose ne sont, pour être franc, que des parodies ( mauvaises évidemment) d’autres romans, connus ou moins connus, parmi lesquels on compte, entre autres, La conférence des oiseaux, et, bien sûr,l'oeuvre de l’incontournable JMG.

Bon, j’en ai fini. Vous êtes prêts ?


Fin A.

Il se rend, à pas feutrés, dans sa chambre. Il s’examine un moment dans le miroir. Son visage est las et vide. Il s’allonge ensuite sur le lit. Il regarde, cette fois, le mur. Il y aperçoit un lézard en train de dévorer une fourmi. Le lézard se retourne, à son tour le regarde. Il semble même lui faire les yeux doux…

Il se met à compter des moutons. Chose difficile. Il n’y arrive pas. Il n’a jamais aimé ces bêtes. Et pourtant le sommeil le fuit, alors qu’à toute force, il le cherche. Il se dit qu'il doit à tout prix téléphoner à sa maman mais, dans le même temps, s’aperçoit qu’ il ne sait plus si elle est encore de ce monde. « Voilà, reconnaît-il, une question qui mérite qu’on s’y arrête »…sauf que, désormais, son épuisement l’empêche de s’y arrêter. Machinalement, il se lève du lit, et se déplace vers le balcon, pour s’y asseoir sur une chaise bleue. Il constate qu’il fait frisquet. Il observe les passants, qui, en contrebas, reviennent du cinéma. Ils sont en nombre. Ont l’air heureux. Sans doute parce qu’ils ont aimé le film. Lui, toujours sur son balcon, se met à griller une cigarette. Au loin, le soleil ne trouve rien de mieux à faire que de plonger dans la mer. Ses feux, qui sont sur le point de s’éteindre, se dispersent dans le ciel. Bientôt il fera nuit. Nuit noire.Les passants, en attendant, ne cessent de défiler dans la rue. Il retourne dans sa chambre. Il tente pour la Nième fois  de trouver le sommeil. Mais il faut croire que le sommeil, ce soir, a d’autres priorités. Les moutons, quant à eux, se montrent toujours aussi récalcitrants. Il se regarde à nouveau dans le miroir mais ce dernier détourne les yeux. Enfin, façon de parler, car la chambre baigne dans l’obscurité nocturne. En désespoir de cause, il a une idée : pourquoi ne pas lire le journal ? Dans ce dernier, la rubrique des faits divers s’en vient lui apprendre qu’un homme a massacré l’ensemble de sa famille ainsi que tous ses voisins. Il pense alors, il ne sait trop pourquoi, aux étoiles qui scintillent dans le ciel. Tiens, pourquoi pas ne pas se rendre encore au balcon, afin de les scruter ? Le ciel est couvert. Son œil, présentement, ne rencontre qu’une seule étoile. Mais elle est immense. Sa lumière tape fort, avec une sorte de hargne entêtée sur son front. Il farfouille dans une de ses poches.Où il déniche un revolver. Là-dessus, il songe de nouveau à sa pauvre maman. Vivante…ou morte ? Il se souvient au passage qu’elle a ( ou avait ? ) une particularité physique… un nez passablement grossier. Le voilà désormais qui caresse les contours de son revolver. Il s’est mis à trembler. Sans doute, encore, un effet de la lumière de l’étoile, laquelle redouble de violence, et l’aveugle. Il est sur le point d'expulser  un cri du tréfonds de ses entrailles. Sur ce, l’étoile, bizarrement, augmente de volume et se rapproche. Quelques secondes après, elle n’est plus qu’à quelques centimètres de sa tempe. Il a la certitude qu’elle va bientôt le dévorer. Affolé, il a le réflexe panique de diriger le pistolet vers elle. Il cherche à la viser, mais le contrôle de ses propres mains lui échappe. Une sueur épaisse dégouline dans son cou, inonde son corps. Il a une soudaine vision de sa maman. Comprend qu’elle est morte. Se souvient qu’il n’a pas versé une larme lors des funérailles. Et le coup part. Une déflagration gigantesque lui perfore les tympans. L’étoile, elle, n’a pas bougé. Le lézard, les moutons non plus. Par contre sa chemise est tachée. Maculée de tâches de sang. Et c’est alors qu’il réalise qu’il vient de se tromper d’objectif. Trop tard...il tombe lentement, presque paresseusement,telle une feuille morte. Trouve le temps de penser une dernière fois au doux sourire d’AshDeep. Et il meurt. Avec son grand rire. Sous les acclamations de la nuit.


Umar Timol

(à suivre).