Un chef-d'oeuvre dévoré en moins de 24 heures ... La lecture est un plaisir absolu lorsque l'on a en main de tels monuments de la littérature française. Et dire que j'ai la collection entière des livres de François Mauriac dans ma bibliothèque ...
C’est un roman de la maturité de François Mauriac, publié alors qu’il a 47 ans et déjà connu le succès, cinq ans après Thérèse Desqueyroux, à la veille de son élection à l’Académie française.
« Oh, ne crois surtout pas que je me fasse de moi-même une idée trop haute. Je connais mon cœur, ce cœur, ce nœud de vipères : étouffé sous elles, saturé de leur venin, il continue de battre au-dessous de ce grouillement. Ce nœud de vipères qu'il est impossible de dénouer, qu'il faudrait trancher d'un coup de couteau, d'un coup de glaive : Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive. » Voici qui éclaire le titre de ce roman d’une facture étincelante, à peine marqué par son époque – la crise économique et financière des années Trente.
C’est une longue lettre, destinée à n’être ouverte qu’après la mort de Louis, narrateur et héros terrible de cette plongée dans la cruauté quotidienne et feutrée d’une famille bourgeoise. Ainsi Louis, qui souffre d’une maladie de cœur - au sens propre comme au sens figuré - veut-il s’adresser à sa femme Isa pour lui jeter à la figure toute la rancœur d’une vie de faux-semblants, d’amour déçu, de mépris pour ses enfants veules, qui tous n’attendent qu’une chose : son héritage. Que lui reproche-t-il ? Elle ne l’a pas épousé par amour mais parce que ses parents craignaient de ne pas pouvoir la caser, et elle lui a avoué un flirt sans conséquence avant leur fiançailles.
L’essentiel de la vie de cet avocat habile et de cet homme roué se passe entre Bordeaux et Calèse, une propriété se situant près de Sauternes, avec des vignes dominées par une terrasse et cernée au loin par la sombre ligne de la forêt des Landes, une allée de charmilles … Evidemment, on retrouve ici Malagar, le domaine de François Mauriac où tout est resté aujourd’hui tel qu’il le décrit …
La plongée dans l’âme tourmentée du vieil homme laisse pantelant : car il ne travestit en rien ses sombres sentiments, sa haine pour la religiosité factice de cette famille où seul l’argent compte, son mépris pour les membres les plus proches de sa famille. Seuls deux enfants, disparus prématurément, trouvent grâce à ses yeux : sa petite Marie, morte à 13 ans d’une fièvre typhoïde et le jeune Luc, son neveu, engagé dans les dernières semaines de la Grande Guerre et qui n’en est jamais revenu.
Cependant, la providence s’emparera du vieil avare et les faits ne se plieront pas à ses manigances. Sa lettre deviendra cahier interrompu par la mort de son auteur, et celui-ci ne tombera pas sous les yeux de sa destinataire … Enfin, le souvenir de Louis restera sans doute cher à sa petite-fille Janine, qu’il recueillit quelques semaines avant sa propre mort et qui, seule, aura été le témoin de ses derniers jours.
Un roman dense – moins de deux cents pages - d’un style étincelant de rigueur, d’une composition digne des plus nobles tragédies, le tout dans l’étouffement de ces familles bourgeoises que l’auteur exécrait. A lire d’un souffle ….
Le nœud de vipères, roman de François Mauriac publié en 1932
Souvenir, merci de me le rememorer