Disparition d’un grand pilote d’essais.
Jean Dabos s’est éteint le 19 septembre, ŕ 89 ans. Avec lui disparaît l’un des derniers acteurs de premier plan de la renaissance de l’aéronautique française de l’immédiat aprčs-guerre, au terme d’une belle et grande carričre entamée en 1940 dans les FAFL et terminée chez Aéroformation (aujourd’hui rebaptisé Airbus Training). Jean Dabos fut tout d’abord pilote de chasse au groupe Alsace, au sein duquel il accomplit 191 missions de guerre. Puis successivement pilote de ligne, navigateur, pilote d’hélicoptčre et, ŕ partir de 1952, pilote d’essais avions et hélicoptčres et, enfin, instructeur.
Un homme complet (11.500 heures de vol, dont un certain nombre sur la ligne), bien dans son époque, qu’André Turcat a qualifié de Ťjongleur des essais en volť, une maničre d’illustrer le rôle de premier plan qu’il a joué dans le développement et la mise au point de matériels novateurs, voire aventureux. C’est ainsi qu’il prit notamment les commandes du prototype d’avion de combat Espadon, doté de moteurs Marboré accrochés aux extrémités de la voilure, puis de fusées d’appoint SEPR, un appareil qui témoignait de la volonté du bureau d’études de la SNCASO d’explorer des voies résolument nouvelles. Jean Dabos se consacra aussi au premier hélicoptčre doté de petits statoréacteurs en bout de pales, le monoplace SO 1220 Djinn ou encore ŕ l’étonnant appareil hybride Farfadet, préfiguration du démonstrateur X3 d’Eurocopter apparu un demi-sičcle plus tard.
Au fil des années cinquante, le nom de Jean Dabos a ainsi été étroitement associé au premier hélicoptčre français ŕ réaction, propulsé par Turbomeca, un attelage qui contribua largement ŕ lancer la division voilures tournantes de la SNCASO puis Sud-Aviation. Ses collčgues, ŕ cette époque, figuraient eux aussi parmi les plus grands en męme temps que ceux qui allaient le devenir, par exemple Claude Dellys (mort aux commandes du VG 90 d’Arsenal), Jacques Guignard et, bien sűr, Jean Boulet.
Aprčs le Djinn, Jean Dabos aborda une tout autre phase de sa carričre décidément éclectique, en passant ŕ la mise au point du gros biréacteur Vautour, ce qui le conduisit ŕ travailler étroitement avec Henri Perrier et Michel Rétif. Une autre rencontre au sommet, męme si ces collčgues de haut vol avaient alors ŕ peine entamé leur ascension. Cela sans aucunement rechercher la notoriété, la discrétion et la modestie constituant leur précieux dénominateur commun. Le Vautour, propulsé par deux Snecma Atar 101, fut construit en grande série aprčs correction de points faibles qui exigčrent précisément beaucoup de travail de la part des équipages d’essais.
Plus tard, retour aux avions civils, pour assurer la mise au point de l’ATT, atterrissage tout temps, de la Caravelle XII, cela conjointement avec André Turcat, Ťdescenduť chez Sud (venant de chez Nord-Aviation) pour prendre la responsabilité de Concorde, nouvellement lancé. Puis vint Airbus et, enfin, une participation dynamique ŕ la formation des futurs pilotes du supersonique franco-britannique puis des premiers Airbus.
Ce furent des années exceptionnelles qui, au-delŕ de l’indispensable talent des ingénieurs, exigeait de pilotes hors pair. Dabos fut de ceux-lŕ, trčs respecté mais discret, ŕ l’image de sa génération, aujourd’hui inéluctablement en voie de disparition. Un mot vient ŕ l’esprit : respect.
Pierre Sparaco - AeroMorning