L'équipée sauvage au fond des canyons
Si il y a un lieu qui m’a fait rêver depuis l’enfance c’est bien l’Arizona, Monument valley ou le grand Canyon, j’ai toujours aimé les westerns, les films sur l’ouest américain et leurs paysages. Outre les récits d’Edward Abbey, j’ai lu il y a quelques années le journal de John Wesley Powell qui fut le premier à descendre le Colorado pour le goût de l’aventure mais aussi pour le cartographier.
Des risques incensés pris par un groupe d’hommes à bord de bateaux en bois, partis avec 3 mois de vivres !!
Les pionniers
Ce livre m'avait étonné d’autant que Powell s’y révélait très respectueux de la nature et, plus rare à l’époque, des tribus indiennes rencontrées qui l’aidèrent à terminer son parcours.
Ce livre publié en 1995 chez Actes Sud n’est plus disponible mais si vous êtes anglophones vous pouvez le télécharger sur vos ebooks ou encore en MP3
« Avec la chevauchée fantastique, John Ford remet à la mode le western et fait de Monument Valley un mythe de cinéma »
Tout ce préambule pour vous expliquer que j’ai sauté sur le livre d’Arnaud Devillard qui est parti avec sa compagne sur les traces d’Edward Abbey « Quarante ans après Désert solitaire » et a pendant tout son périple tenu un journal où très simplement il nous raconte ses journées.
Il y met de belles doses d’humour et de rage qui font très bon ménage.
Je saute allègrement son étape New-Yorkaise et je le rattrape dans sa voiture de loc sur les routes de l’Arizona vers l’Ouest mythique, brûlant sous le soleil mais à l’abri dans un énorme 4x4 climatisé « le genre d’engin que nous n’avons pas arrêté de critiquer »avoue-t-il, mais fournaise oblige.
Tout est balisé
Et commence ce qui va devenir un rituel : l’entrée dans un parc national où un ranger vous remet « la liste des sentiers de randonnée avec description et niveau de difficulté » trouver un place pour la voiture, acheter un pique-nique à la supérette et ... suivre le flot des touristes.
Car comme l’avait prévu Edward Abbey « les parcs nationaux sont devenus des parc d’attractions, des centres commerciaux » et les visiteurs se sont multipliés
« En 1956, le parc des canyons accueillait 30.000 visiteurs par an. Déjà la foule pour Edward Abbey. Aujourd’hui, Arch Canyon attire entre… 900.000 et 1 millions de touristes !"
« C’est John Wesley Powell qui donne son nom au lac formé par le barrage du Glen Canyon »
Mais voilà nos deux touristes ne perdent ni le moral ni le sens de l’humour et le programme est énorme : Le lac Powell, le désert Moab, Bryce Canyon, Monument Valley et bien sûr le Grand Canyon
« Le Grand Canyon, balafre géante sur la face du monde »
Ils sont en permanence partagés entre, l’admiration totale devant les paysages grandioses ou « Tout est trop grand » un « Désert de poussière gris-rose » un « Océan de grès rouge » et la colère devant les complexes hôteliers, les autoroutes du tourisme et leurs embouteillages, les hordes de touristes en tongs et canettes de coca là où il faut chaussures, sac à dos et litres d’eau !!
Bryce Canyon « Tout autour, à perte de vue, le désert rouge, des dômes, des bosses et des arêtes sur un plateau tordu comme un tôle sortie d’un brasier »
Pourtant jamais ils n’oublient qu’ils font eux aussi partie de cette horde,
« foule acceptée, accueillie avec nécessité par les autorités pour remplir les caisses et rentabiliser les investissements. Tout cela au détriment de la nature, réduite à l’état de pur produit marketing, déclinée en produits de merchandising dans les boutiques de souvenirs. »
Partez avec Arnaud Devillard à la poursuite d’Edward Abbey, de John Muir et des westerns de votre enfance, c’est un livre sympathique et réjouissant.
Je dédie ce billet à Eeguab l'amoureux fou des US de sa littérature et de ses films
Le livre : Journal des canyons - Arnaud Devillard - Editions Le Mot et le Reste 2012