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J’ai lu avec intérêt ton article de ce matin (http://goo.gl/cMyXM). Deux fois même. Je t’apprécie trop pour ne pas réagir à ton analyse. En premier lieu, réglons le cas du Doc Mailloux. Ce bonhomme connaît assez bien son métier de vomisseur public pour ajuster adéquatement la grosseur et la densité des grumeaux qu’il offre à ses auditeurs (ou peut-être à sa tribu) afin d’entretenir avantageusement son marché. Un peu comme la Sloche de chez Couche Tard ! Qu’il ait pu se servir de ce que tu appelles une vérité sur les haïtiens pour mépriser le ti-cul qui l’appelait n’est pas surprenant, c’est une tactique payante dans ce genre de marché. Ce qui me surprend toutefois, c’est que socialement, on soit forcé de maintenir des structures en place pour filtrer l’ensemble des imbécilités qui se racontent sur les radios afin de frapper les doigts des animateurs et de leur propriétaire. Mais ça, c’est un autre débat. Non, ce qui me dérange dans cette histoire est la quantité de sophismes qui nous brouillent l’esprit, et donc qui engluent l’analyse. C’est une tactique bien connue chez ce genre de ‘preneux de parole en public’ que de s’appuyer sur l’expertise que leur offre le statut de médecin (l’argument d’autorité) pour raconter n’importe quoi sur n’importe quoi. Le noeud de l’affaire pour moi se concentre dans ce paragraphe où on me semble, à partir de certaines réalités ‘objectivées’, extrapoler abusivement des conclusions: « Le pire, c'est que le Doc Mailloux a raison. Comme d'autres pays du tiers-monde, Haïti est aux prises avec ce phénomène : les enfants qui, laissés à eux-mêmes, ont des relations sexuelles. Par définition trop précoces. » En premier lieu, quel lien intelligent peut-on faire entre la réalité de la sexualité de ce ti-cul de 22 ans, et celle des enfants haïtiens ? Au plan de la forme, on comprend à quelle logique marchande cette association participe, mais sur le fond en quoi le Doc Mailloux a raison ? Les manifestations en apparence équivalentes (le ‘laissés à eux-mêmes’ auquel tu fais référence) peuvent décrire des réalités complètement différentes, même opposées. La sexualité ‘dite précoce’ des adolescents du Qc s’inscrit, entre autres choses, dans un contexte où l’information, les codes moraux et les rapports garçons-filles ne me semblent avoir aucun lien avec la réalité haïtienne (ou d’autres pays en développement). En Haïti par exemple, un rapport fort intéressant de Save the Children (http://goo.gl/JvwsQ) s’intéresse aux rôles des travailleurs de l’humanitaire et des soldats de la paix dans la sexualité des enfants, ça nuance un peu la réalité pour reprendre ta conclusion. Le deuxième hic dans ce paragraphe concerne le lien causal entre la sexualité précoce, et la santé sexuelle des femmes et de leurs filles. Ça me semble au minimum fallacieux. Personne ne remet en doute les problématiques de santé sexuelles des filles et femmes haïtiennes (on y investit beaucoup d’argent comme canadien entre autres), mais en quoi la précocité éventuelle des premières relations en serait la cause ? Il y a ici un millier d’autres facteurs pour expliquer la précocité de la santé reproductive des filles et femmes haïtiennes. Il faudrait voir ! Finalement, mon dernier problème avec le paragraphe cité plus haut concerne la définition de ce qui est précoce (tu écris ‘Par définition trop précoce.’. De quelle définition parle-t-on ? En existe-t-il une qui déterminerait de manière absolue l’âge pour une première relation sexuelle ? Une fois de plus, on nage dans le sophisme : Un raisonnement en apparence logique qui s’appuie sur une fausse prémisse, ou du moins une prémisse dont les assises demeurent floues ou inscrites dans les valeurs d’un vieux barbu. Et encore ici, le Doc Mailloux n’a pas raison sur le fond ! Il a bien le droit de juger trop précoce une relation sexuelle à 13 ans, mais on est là strictement dans l’ordre de la morale, et non de la science. En fait, je pense que la distinction forme/fond sur laquelle tu bâtis ton analyse ne tient pas la route. Tant sur le fond que sur la forme, ce bonhomme raconte généralement n’importe quoi lorsqu’un micro lui est offert et que quelques milliers de patients/clients potentiels l’écoutent (sauf peut-être chez Arcand hier matin !). Les intérêts sont trop brouillés et, surtout, forcent l’échafaudage d’un nuage de poussière en apparence scientifiquement solide. Mais tu sais, la solidité d’un nuage de poussière… À ce propos, il faudra qu’un jour, nos journalistes s’intéressent au marché de l’expertise psychiatrique. Le marché qui permet à deux psychiatres de venir en court défendre ‘scientifiquement’ des positions opposées, peut-être davantage définies par les besoins de leur client. À bientôt sur Mtl, on prendra une bière sur le sujet !!