Hier matin j’ai assisté, avec une dizaine de journalistes, à la conférence de presse donnée par le ministre du Tourisme du Cameroun, dans le cadre du salon international TOP RESA dédié au tourisme à la Porte de Versailles.
Pour résumer ce qui a été dit:
- La France est le premier partenaire et premier fournisseur de visiteurs du Cameroun, d’où l’intérêt pour le pays d’être présent sur le salon
- Un nouveau ministère du tourisme et des loisirs a été créé par décret (21/06/2012)
- Ouverture de bureaux d’information et de communication sur le tourisme camerounais (à Paris et Londres pour l’Europe, à Washington pour la zone Amérique et à Pékin pour la zone Asie)
- Les loisirs sont qualifiés de “préoccupations du gouvernement pour l’épanouissement des camerounais”
- Un code des investissements touristiques est actuellement à l’étude pour encourager les promoteurs et attirer les investisseurs étrangers
- Le slogan retenu pour promouvoir le Cameroun à l’étranger est “Toute l’Afrique dans un seul pays“
- Types de tourisme privilégiés: tourisme d’affaires (Douala, Yaoundé), tourisme balnéaire (Limbé, Douala, Kribi), tourisme de montagne (Mont Cameroun, plateaux de l’Ouest, monts Mandara), tourisme culturel, Safari (parc de Waza, Bénoué, réserve du Dja), et écotourisme.
- Le Cameroun a franchi les 572.000 touristes en fin 2010, ce qui lui a permis de devenir officiellement une destination touristique d’après les critères de l’OMT (Organisation Mondiale du Tourisme)
- En 2011-2012, on dénombre désormais 600.000 touristes (chiffres toujours fournis par les autorités..). La France à elle seule compte 250.000 de ses ressortissants dans le nombre total des touristes qui ont choisi de se rendre au Cameroun.
- Objectif pour 2015: attirer 3 millions de touristes internationaux.
- Plan d’action: une promo plus agressive, partenariat avec le privé, présence sur les salons internationaux..
- Les hôtels recommandés aux touristes font partie d’un classement du ministère
- Le Cameroun dispose de 30.000 lits pour environ 150 établissements d’hébergement (légaux), et le Ministère souhaite faire passer la capacité hôtelière à 50.000 lits
- Le Groupe Hilton, déjà présent au Cameroun via son hôtel de Yaoundé, a signé pour la construction d’un Hilton à Douala. Idem pour le Groupe Mariott, qui compte ouvrir un palace 5 étoiles à Douala et Yaoundé
Concernant les questions posées par les journalistes:
- “Que manque-t-il au Cameroun pour que son tourisme décolle ?” : le ministre a répondu que le tourisme a déjà décollé. Mais le plus suprenant a été son explication concernant le bas niveau par rapport au potentiel. Selon Mr Maïgari le tourisme n’était pas une priorité pour le Cameroun par le passé. Le président (Biya ? Ahidjo ? les deux ? ) avait pour priorité l’auto-suffisance alimentaire et le développement de l’industrie agricole, afin de (je cite) “stabiliser le pays”. Toujours selon le ministre, “maintenant que le Cameroun est auto-suffisant alimentairement et exporte même de la nourriture“, le tourisme peut désormais bénéficier d’un plan de développement “solide“. Par ailleurs, il a ajouté que nous ne pouvons pas comparer le Cameroun à d’autres pays (comme la Tunisie ou le Kenya) car ceux-ci avaient pour objectif majeur de devenir des destinations touristiques importantes, ce qui explique l’apparent retard du Cameroun dans le domaine. Je ne suis pas du tout convaincue par cette explication, et je crois encore moins à l’argument selon lequel le Cameroun serait auto-suffisant en matière d’alimentation, mais ce n’est pas le sujet du jour.
J’ai, pour ma part, posé une question concernant les mesures mises en place pour le développement du tourisme intérieur (globalement, pousser les Camerounais à voyager à l’intérieur du pays, au lieu de toujours voir le tourisme comme nécessairement fait à l’étranger (Europe, USA, Canada etc.). Mr Maïgari y a répondu en déclarant qu’effectivement, développer le tourisme intérieur, va participer d’une certaine manière à souder l’unité nationale, à aller au-delà des a priori tribaux et à développer un sens du bien commun.
Et afin d’aller en ce sens, il table sur 6 millions de touristes à l’horizon 2015 – 2020 pour ce qui est des voyages touristiques au Cameroun par les camerounais. J’aurais voulu savoir sur quoi exactement était basé l’objectif chiffré, comment comptait-il communiquer dessus et notamment, comment allait-il faire participer les tour opérators locaux à cette recherche de dynamisme.. mais vous vous en doutez, on ne m’a pas laissé le temps.
- Une gestionnaire d’agence de tourisme basée à Douala (dont je parlerai en détail plus bas) a fait savoir que dans ses enquêtes de satisfaction auprès de la clientèle, les premières complaintes des touristes concernent le prix du visa (trop cher selon eux), et les mauvais traitements à l’aéroport (policiers corrompus, personnel peu accueillant etc..). L’ambassadeur de France au Cameroun a vivement réagi concernant le visa (puisqu’ils sont délivrés sous son autorité). D’après Mr l’ambassadeur, les visas ne sont pas (si) chers (que ça), en comparaison avec d’autres pays (il n’a pas cité lesquels). Il a ajouté que ce n’est pas l’Ambassade qui fixe les prix, mais que la décision vient du ministère du budget camerounais, et que les visas comptent comme “contribution” ou du moins, participation au budget national. Quant à la question du mauvais accueil à l’aéroport… je le cite: “Madame, ça fait plus de 20 ans que je fais ce métier. L’aéroport j’en entends parler tous les jours hein, donc vous savez……“
- La formation: Mr Maïgari a affirmé qu’une aide sera apportée. Les établissements de formation en hôtellerie, notamment celle située à Ngaoundéré (au nord du pays), feront partie du processus de développement du secteur touristique.
- Concernant l’absence de plateforme web adéquate dédiée au tourisme au Cameroun: selon le ministre, 3 bureaux d’information et communication sur le sujet ont été ouverts à Paris, Londres et Washington (qui sont les 3 plus grands pôles de concentration de la diaspora camerounaise). Une équipe serait déjà en place pour commencer ce travail de référencement web. Il a également souligné que la présence du Cameroun au salon TOP RESA était un signe de volonté de la part des autorités de faire connaître le tourisme camerounais.
(Buffet offert après la fin de la conférence)Après la fin de la conférence, j’ai passé pratiquement toute la journée à l ‘expo, à naviguer, rencontrer, dialoguer. On peut dire qu’à la taille des stands, on voyait très rapidement le niveau d’importance du tourisme à l’échelle du pays.
Ceux du Sénégal étaient très grands, avec une très grande représentation des promoteurs immobiliers. Il y avait également pas mal de monde, parce que Youssou N’dour, ministre de la culture depuis l’élection de Macky Sall, était présent.
(Youssou N’dour au stand de la Tanzanie)Ceux..ou plutôt celui du Cameroun était plutôt petit..mais convivial.
(Danseuse démontrant quelques pas d’Assiko, danse traditionnelle camerounaise)J’en ai profité pour longuement discuter et avoir une interview informelle de Jeanne Tchuissi, créatrice du tour opérator camerounais “JANE TOUR“. Cette dame a travaillé comme fonctionnaire en France pendant des années, mais à l’écouter parler, on réalise qu’elle a toujours eu les voyages dans le sang. Il y a 4 ans, elle est rentrée dans le but de se lancer, et a pris une année entière pour sillonner tout le pays afin de découvrir des parcours intéressants à inclure dans son offre.
(Mme Jeanne Tchuissi)Quand je lui ai demandé quel était le premier problème qu’elle a rencontré, au lieu de me parler d’infrastructures défaillantes, elle m’a répondu sans hésiter: “Le manque de sourire ! Les gens ne sourient jamais c’est incroyable! On ne peut pas vendre des services dans ces conditions !“. Autre problème soulevé, le manque de formalisation du secteur: “Très souvent, je remarque qu’il y a une confusion des métiers. Moi j’ai une agence, je m’occupe de tout ! J’ai un car pour transporter mes clients, et la veille de leur arrivée, je vais à l’hôtel où ils vont dormir pour vérifier que tout est nickel. Et le plus souvent, ces hôtels font un ménage très sommaire, je suis obligée de repasser derrière ! Je ne parle même pas des guides qui se prennent pour des agences ! Ce n’est pas leur travail d’aller chercher des clients, mais ils veulent tout faire, ce n’est pas professionnel !”. Elle poursuit: “Une fois, on m’a appelé un vendredi soir pour me dire qu’une dizaine de clients européens était arrivée à l’aéroport mais leur guide s’est évaporé avec leur argent. Ils ont dû attendre pour prendre un vol-retour !”. Elle a tout de même affirmé qu’elle remarque une amélioration sensible depuis quelques mois, et selon elle, le (pas si) nouveau ministre en charge du tourisme a l’air “volontaire”.
Après cela, je me suis attardée au stand de la Côte d’Ivoire, où j’ai été très bien accueillie.
J’ai notamment pu discuter avec 3 propriétaires d’hôtels ivoiriens qui m’ont confié que l’activité post-troubles électoraux reprend plutôt bien et que le gouvernement Ouattara est à pied d’oeuvre pour les soutenir notamment, par exemple, par la construction de plusieurs autoroutes en cours dont une pour faciliter le déplacement entre Abidjan et les stations balnéaires (d’après leurs dires, je n’ai pas vérifié). Ce sur quoi tout le monde était d’accord, c’était l’augmentation de la clientèle africaine dans le tourisme ivoirien, notamment les ghanéens et camerounais, grâce au bouche-à-oreille. (Stand béninois)Du côté du Togo et Bénin, le son de cloche est plutôt à mettre en avant la culture, à défaut d’avoir un territoire immense et divers.
Pour ce qui est du Kenya, Afrique du Sud, Tanzanie et Botswana, rien de très nouveau à souligner (safari, safari et encore safari).
(Les hôtesses représentant l’île Maurice)En dehors des pays africains, j’ai été pour le moins impressionnée par le stand d’Abu Dhabi. Il était tellement “luxueux” dans son architecture, je l’ai trouvé très sélectif et malheureusement peu accueillant (ce qui est assez paradoxal vu le thème du salon). Le stand chinois, notamment celui de Shanghai, n’avait pas de représentants sur les lieux mais des cartes de visite disposées ça et là. Ceci dit, dans l’ensemble, l’International French Travel Market a été une superbe expérience ! J’y allais pour une heure au départ, et j’en suis sortie en fin de journée. Au sujet du Cameroun, je note effectivement une envie de communiquer et d’améliorer la situation en matière de tourisme. Mais comme dans tous les domaines, seule la durée montrera si les mesures mises en place sont de la poudre aux yeux ou non.
Contacts:
JANE TOUR: Tour opérator spécialisé dans le tourisme local au Cameroun.
Adresse: Nouvelle Route Bonadibong – Akwa (Douala). Tel: +237.75.70.15.09 / +237.33.04.77.47 / Email: [email protected] / site web: janetour-cameroun.com
Bureau d’Information Touristique du Cameroun – Zone Europe: 26 rue de Longchamp 75016 Paris / Tel: 331 47 04 49 96 / Email: bitcam (at) wanadoo.fr