Avouons-le et ne boudons pas notre plaisir. L’étude InVivo menée pendant deux ans dans un secret bien gardé, par l’équipe de Séralini est venue ébranler le lobby OGM/pesticides. Et en interpellant l’opinion publique aussi spectaculairement, avec ses rats boursoufflés et ses graphiques explicites, l’étude bouscule déjà les instances politiques.
Je lis par exemple que les ministres concernés (agriculture, développement durable, santé) ont saisi l’ANSES, notre agence de sécurité sanitaire. Et que ça remonte jusqu’à l’Europe qui va procéder à des réévaluations.
Voilà où on en est. La science se doit de faire des coups d’éclats, à grand renfort de synchronisation médiatique (sortie du film « Tous cobayes ? » de notre réalisateur préféré* Jean-Paul Jaud, du documentaire télé « OGM, vers une alerte mondiale » de François le Bayon (sic !) et du livre « La vérité sur les OGM c’est notre affaire » de l’incontournable Corinne Lepage.
Un coup médiatique, indéniablement, mais propre et rigoureux sur la forme. D’abord la publication dans la revue scientfique Food and Chemical Toxicology, puis l’exclusivité presse pour LeNouvelObs, puis l’annonce du film, du documentaire et du livre. Après, les réseaux sociaux et les politiques étaient libres…
Bref, la semaine va être dense sur la scène scientifique, industrielle, politique et médiatique. On imagine déjà les communiqués des pro-OGM se fendant de dénoncer un coup médiatique, une opération spectacle, voire de dire qu’on ne traite pas de la science comme de la promotion d’un polar.
Que dis-je ? Plus besoin d’imaginer ! La blogosphère des sceptiques, comme ils aiment se nommer, a déjà réagi ! L’impayable Laurent Berthod, avec des arguments surréalistes empruntés à Mark Tester :
« Si les effets sont aussi importants que rapporté et que l’étude est vraiment pertinente concernant l’homme, pourquoi les Nord-Américains ne tombent-ils pas comme des mouches? »
Et l’auteur du blog rêver-éveillé de conclure, car il a de l’humour scientifique,
Oui, on peut vraiment se demander pourquoi les cadavres gonflés ne comblent pas les rues des USA
Quelle poilade ! Ah ! Si le tabac était si dangereux que cela, avec la quantité de fumeurs qu’il y a, on se demande encore pourquoi ils ne sont pas tous morts.
Et ces allusions pour le moins insaisissables sur le soutien de la grande distribution (Carrefour et Auchan) au financement de ladite étude. rendez-vous compte : « Carrefour est très engagé dans la bio ».
Ils ne doivent pas vivre dans le même monde que nous les « sceptiques ». Voir 1% de produits labellisés dans leur linéaires, leurs prospectus rouge pétant et les têtes de gondoles, c’est devenu insupportable.
Hormis les lobbyistes, y a-t-il encore quelqu’un qui croit vraiment la litanie OGM : nourrir la planète, utiliser moins de pesticides et augmenter indéfiniment les rendements. Hervé Kempf, avec son mémorable « La guerre secrète des OGM » paru en 2003 avait déjà achevé de dévoiler les motivations de cette industrie. Créer la dépendance pour engranger les profits.
Le livre avit fait pas mal de bruits à l’époque mais n’avait pas suffi à convaincre les politiques de se saisir réellement du dossier. Les faucheurs volontaires, toujours actifs, n’ont pas droit à beaucoup de caméras ces temps-ci.
Et là, avec cette étude, bingo !
D’un côté une réelle satisfaction. Le coup de Jarnac fomenté par le Crii-Gen est admirable. Mais on est obligé de se demander à quoi rime cette science qui doit se faire dans le secret. La bonne idée, c’est bien sûr d’avoir d’abord publié dans la revue scientifique.
Enfin, j’avais déjà écrit sur ce qu’était devenue la science sanitaire de nos jours, notamment sur la présentation des medias (Le Figaro bat des records en la matière, voir dernièrement la question des légumes bios) pour présenter des méta-études comme des études. Là, on est réellement dans le journalisme spectacle. C’est à dire dans la sur-interpretation d’un rapport. Rappelons au lecteur pressé qu’une méta-étude est une sorte de synthèse bibliographique qui consiste non pas à expérimenter, mais à interpréter des études déjà réalisées. On attend donc de voir des méta-méta-études…
Un mot encore sur ces arroseurs arrosés qui croient défendre la science en fustigeant le principe de précaution (immobilisme ! quelle horreur dans ce monde qui bouge) et prennent les écologistes pour des illuminés sans bagage scientifique. Ah qu’on aimerait les voir aussi intransigeants avec la fondation Ecologie d’Avenir, parrainée par Claude Allègre et ses sponsors nucléaires et chimiques. Qu’on aimerait les voir faire preuve d’autant d’objectivité à l’égard des puissances financières qui irriguent les universités.
Merci donc à Séralini, et vivement une étude invivo sur les téléphones portables sur 20 ans. Ah elle est en cours ? Et nous serions les cobayes ?
Oups
* même si, qu’il me pardonne, je n’avais pas trop aimé le dernier Severn, un peu brouillon