Je pensais que je n’aurais plus jamais besoin d’approcher le matelas d’un gréviste de la faim. Le faux optimisme selon lequel le futur ne peut être que meilleur, m’avait fait croire que Guillermo Farinas avec sa cage thoracique proéminente et sa bouche desséchée serait le dernier dissident qui ferait appel à l’inanition comme arme de demande citoyenne. Mais deux ans après ces 134 jours sans manger, je me retrouve devant les orbites profondes, et le teint jaunâtre de celui qui refuse de manger. Cette fois ils sont déjà 28 personnes dans tout le pays et le motif est à nouveau la vulnérabilité de l’individu face à une inégalité trop marquée par l’idéologie. Du fait de l’absence d’autres moyens pour s’adresser au gouvernement, les intestins vides s’érigent en méthode d’exigence et de rébellion. Il est triste que l’on nous ait seulement laissé la peau, les os et les parois de l’estomac pour nous faire entendre. Avant de quitter la maison de Martha Beatriz, je lui ai donné le conseil suivant : « tu dois survivre, ce type de régime il faut leur survivre ». Et je suis sortie dans la rue, enveloppée de cette culpabilité et de cette responsabilité que chaque cubain devrait ressentir face à un événement d’une telle tristesse. « Survivre, survivre » ai-je continué de penser lorsque j’ai parlé avec la famille de Jorge Vasquez Chaviano qui devait être libéré le 9 septembre et dont les grévistes de la faim exigent la libération. « Survivre, survivre » me suis-je dit en voyant à la télévision le visage de ceux qui dans ce pays ont transformé le désaccord en délit et la protestation civile en une trahison. « Survivre, survivre, leur survivre » me suis-je promis. Mais il est peut-être déjà trop tard pour y parvenir. Traduit par Jean-Claude MAROUBY
Je pensais que je n’aurais plus jamais besoin d’approcher le matelas d’un gréviste de la faim. Le faux optimisme selon lequel le futur ne peut être que meilleur, m’avait fait croire que Guillermo Farinas avec sa cage thoracique proéminente et sa bouche desséchée serait le dernier dissident qui ferait appel à l’inanition comme arme de demande citoyenne. Mais deux ans après ces 134 jours sans manger, je me retrouve devant les orbites profondes, et le teint jaunâtre de celui qui refuse de manger. Cette fois ils sont déjà 28 personnes dans tout le pays et le motif est à nouveau la vulnérabilité de l’individu face à une inégalité trop marquée par l’idéologie. Du fait de l’absence d’autres moyens pour s’adresser au gouvernement, les intestins vides s’érigent en méthode d’exigence et de rébellion. Il est triste que l’on nous ait seulement laissé la peau, les os et les parois de l’estomac pour nous faire entendre. Avant de quitter la maison de Martha Beatriz, je lui ai donné le conseil suivant : « tu dois survivre, ce type de régime il faut leur survivre ». Et je suis sortie dans la rue, enveloppée de cette culpabilité et de cette responsabilité que chaque cubain devrait ressentir face à un événement d’une telle tristesse. « Survivre, survivre » ai-je continué de penser lorsque j’ai parlé avec la famille de Jorge Vasquez Chaviano qui devait être libéré le 9 septembre et dont les grévistes de la faim exigent la libération. « Survivre, survivre » me suis-je dit en voyant à la télévision le visage de ceux qui dans ce pays ont transformé le désaccord en délit et la protestation civile en une trahison. « Survivre, survivre, leur survivre » me suis-je promis. Mais il est peut-être déjà trop tard pour y parvenir. Traduit par Jean-Claude MAROUBY