Thiéfaine, poésie rock entre nuits blanches et rêves noirs

Par Poesiemuziketc @poesiemuziketc

Source : Humanité.fr 18/09/2012


Fête de l’Humanité 2012. Hubert-Félix Thiéfaine s’est produit sur la grande scène dimanche. Un concert sublime aux confins de la chanson rock et de la littérature où il a exploré la galerie de ses sentiments teintés de spleen.

La grande scène de la Fête de l’Humanité est décidément un endroit magique où les artistes donnent généralement le meilleur d’eux-mêmes. Ce fut le cas de Patti Smith, qui a offert samedi un concert de toute beauté, d’une rare intensité entre rock et évocation spirituelle d’un monde de partage où la nature serait préservée (voir le début et la fin du concert) . Un univers pas si éloigné de celui d’Hubert-Félix Thiéfaine, qui, le lendemain, sur le même plateau, a laissé libre cours à ses rêveries poétiques teintées de spleen et de fêlures sur fond de solos rock de l’excellent guitariste Alice Botté.

À deux ans près, ils sont de la même génération. La chanteuse, née à Chicago, soixante-six ans, et le chanteur français originaire de Dole dans le Jura, soixante-quatre ans, ont presque les mêmes références musicales. Les deux artistes ont en commun une culture rock issue des poètes américains de la Beat Generation et une approche musicale très littéraire donnant de la profondeur et de la densité à leurs univers. Rien d’étonnant finalement à les voir se produire sur la même scène.

Bob Dylan et Léo Ferré

Chemise noire, guitare folk en bandoulière, harmonica façon Bob Dylan, un de ses modèles avec Léo Ferré, Hubert-Félix Thiéfaine était heureux d’aller à la rencontre du public de la Fête qu’il connaît bien, pour s’y être produit à plusieurs reprises : « Si je bosse bien mon début de show, confie-t-il, si j’envoie l’énergie qu’il faut, les gens renvoient cette énergie. Ce qui fait que si je suis fatigué, j’oublie la fatigue et je peux aller plus loin. »

La veille, il était dans un festival de province où son concert s’était terminé tard dans la nuit. Il a fallu rapidement récupérer pour être sur scène à la Fête de l’Huma à 17 heures dimanche : « Malgré nos petits problèmes de retour de son, ça s’est bien passé. Le public a été super. »

Le chanteur, qui a passé sa vie à vouloir partir, a beaucoup voyagé à travers son univers tourmenté, explorant depuis ses débuts la galerie de ses sentiments : « Je rêve tellement d’avoir été que je vais finir par tomber », chante-t-il. Un labyrinthe de mots dans lequel on se perd avec plaisir pour mieux laisser vagabonder l’imaginaire. Voici Annihilation, Fièvre résurrectionnelle, Lorelei, Soleil cherche futur mais aussi Confession d’un never been, Sweet Amanite phalloïde.

À travers ses chansons, entre nuits blanches et rêve noirs, il nous entraîne dans un monde singulier aux frontières de la folie où la mémoire des souvenirs se bouscule. Un registre où la mélancolie fait écho aux années d’insouciance de l’enfance, à l’image de la Ruelle des morts, extraite de son dernier album Suppléments de mensonge.

La Fille du coupeur de joints

Au rappel, le parterre exulte quand il interprète la Fille du coupeur de joints, repris en chœur par les milliers de gens. Hubert-Félix Thiéfaine, qui a souvent été son propre média, a su se passer du silence des radios-télés à son égard, pour aujourd’hui bénéficier de la reconnaissance d’un large public. Un succès qui le renvoie à la passion pour la musique qui l’anime depuis toujours : « Pour moi, la chanson c’est plus qu’un boulot, c’est toute ma vie. J’ai vécu pour ça avec le trac qui va avec. Cela m’a fait faire beaucoup de choses que je n’aurais pas pu réaliser sans cette aventure artistique. Par rapport à d’autres vies, c’est quand même passionnant. »