Le Traité budgétaire
européen et sa fameuse règle d’or créent des remous dans beaucoup de formations
politiques.
Que les avis soient partagés sur le sujet n’est guère surprenant, le clivage
est ancien, mais ce qui est intéressant c’est de constater, encore une fois,
que ceux qui refusent ce traité demandent un référendum et que ceux qui en sont
partisans n’en veulent pas. Bien entendu, ni les uns ni les autres ne font
officiellement le lien entre leur avis sur le traité et celui sur le mode de
ratification. Les premiers évoquent la voix du peuple et la démocratie, les
autres les délais et le fait que ce traité impliquant plusieurs états dont
certains l’ont déjà ratifiés, nous ne pouvons pas prendre le risque de tout
bloquer.
La question se pose à peu près dans les mêmes termes sur le droit de vote
des étrangers aux élections locales.
Les opposants exigent un référendum, référendum que le gouvernement se
gardera bien d’organiser pour ne pas, comme l‘a dit Manuel
Valls, provoquer de « déchirure dans la société française »
!
Comme si dans les esprits le référendum était synonyme de « non »
ou dit autrement, comme si dans les esprits le risque que le
« peuple » désavoue ses dirigeants pourtant fraîchement élus, était
particulièrement important.
Pourtant, si on regarde en arrière, sur les 9 référendums organisés sous la
5ème république, seuls 2 ont aboutis à une réponse négative. En 1969 les
projets de régionalisation et de réforme du Sénat proposés par le général de
Gaulle ont été refusés à plus de 52 % des suffrages. En 2005, c’est le Traité
constitutionnel qui est renvoyé dans ses 22 mètres par presque 55% des
votants.
2 sur 7 ce n’est pas beaucoup, alors pourquoi cette crainte de faire appel
directement au peuple ?
En fait, cette statistique mérite d’être modulée.
A partir de 1969, les
référendums qui ont aboutis positivement ont été accompagnés d’une forte
abstention (1972, 1988, 2000), marque d’un relatif désintérêt des français pour
la question. Dans cette situation de faible mobilisation, le débat ne passionne
pas et ce sont plutôt les « légitimistes » qui se déplacent pour
voter.
La seule exception notable, c’est le référendum sur le traité de Maastricht qui a connu une forte participation mais qui a abouti à un « oui » plutôt étriqué (51,4%) alors même que la plupart des grands élus de Droite comme de Gauche s’étaient prononcés en faveur du traité. Plus révélateur encore, les courbes reflétant le pourcentage d’adversaires et de partisans n’avaient cessé de se rapprocher et il n’est pas à exclure qu’avec 3 mois de plus, elles aient finies par se croiser. D'ailleurs un récent sondage indique que c'était à refaire, 60 % des français voteraient contre.
Le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel a suivi exactement le
même scénario. Alors que selon tous les sondages, le "oui" semblait devoir
l’emporter assez aisément jusqu’au 1er trimestre 2005 (plus de 60%), la
tendance s’est brutalement inversée sur les 2 derniers mois. Pourtant, comme
pour Maastricht la grosse majorité des élus était partisane du traité.
Le référendum de 2005, a clairement créé un traumatisme.
Même s’il ne doit pas se substituer à la responsabilité de nos élus, le
référendum avec le débat qui l’accompagne, devrait pouvoir être un outil
complémentaire important pour mieux faire vivre notre démocratie. Au lieu de
cela, il fait peur.
Il fait peur pour plusieurs raisons :
Parce que le référendum suppose que l’on accepte avec honnêteté de se
contenter de répondre à la question posée en faisant abstraction de celui qui
la pose, et l’expérience a montré que ce n’était pas souvent le cas. En France,
le référendum et plus généralement tous les scrutins intermédiaires servent de
défouloir contre le pouvoir en place.
Parce que répondre par « oui » ou par « non » à une
question complexe dont on ne maîtrise pas nécessairement tous les tenants et
aboutissants n’est pas nécessairement facile et que cela fait le lit de toutes
les idées simplistes.
Parce que le référendum suppose que l’on connaisse précisément, à la fois
les conséquences d’un « oui » et les conséquences du « non », si
ce qui n'est pas le cas, le jeu est inégal. Or les conséquences du
« oui » sont bien plus clairement définies que celles du
« non » qui se réfère au mieux au statu quo et au pire à une vague
alternative (cf. le pseudo plan B du traité constitutionnel).
Enfin et surtout, parce que, qui dit référendum dit débat, or ce débat pour
être efficace doit se faire dans un cadre apaisé, un cadre ou
débattre ne signifie pas dérapages, invectives, jugements péremptoires,
manipulations et autres calculs électoraux. Malheureusement, les récents grands
débats nationaux de ces dernières années (traité constitutionnel, réforme des
retraites, identité nationale…) ont démontré notre incapacité à échanger de
manière constructive et sereine.
Pour toutes ces raisons, il y a fort à parier que nous n’aurons pas de référendum d’ici longtemps au risque pour les gouvernants de donner l’impression de de ne pas vouloir entendre l’avis du Peuple.