Philippe Djian est un romancier français né le 3 juin 1949 à Paris. Il est parfois présenté comme un héritier de la Beat Generation en France. Il est notamment l'auteur de 37°2 le matin qui lui apporta la popularité mais depuis son style et son inspiration ont beaucoup évolué.
Comme toujours dans les romans de Djian, ses héros vivent des histoires compliquées au possible, enchevêtrées, difficilement crédibles si on les examine dans le détail, mais l’auteur s’en fiche car il le répète à chaque interview, l’histoire n’a aucune importance, si on veut lire des histoires il suffit d’ouvrir le journal.
C’est à nouveau le cas avec ce nouveau roman. Michèle vient de se faire violer chez elle par un inconnu mais elle le garde pour elle et ne porte pas plainte. Elle vit séparée de Richard son mari depuis trois ans et leur fils Vincent vient de se mettre en ménage avec Josie, enceinte d’un dealer en prison. Sa mère Irène, soixante-quinze ans, va se fiancer avec un jeune gigolo et son père est en prison depuis trente ans après avoir massacré des enfants dans un club Mickey ! Michèle a une liaison avec Robert, le mari d’Anna sa meilleure amie avec laquelle elle a monté une boîte de production de films. Richard lui, se console dans les bras d’Hélène une standardiste qui pourrait être sa fille. Et puis il y a Patrick, un voisin de Michèle, bien entreprenant. Le roman se déroule durant la période de Noël. Voici en gros, les personnages du roman et leur situation.
Le bouquin se présente sous la forme d’un texte tout d’un bloc, sans chapitres, et Philippe Djian s’est glissé dans la peau de Michèle pour l’écrire à la première personne du singulier. Ce qui n’apporte rien de particulier, ni en bien ni mal, mais je ne vois pas une vraie femme écrire ce roman comme l’a fait l’auteur. Je pense en particulier à tout ce qui a trait au viol qui me semble relever des fantasmes masculins sur le sujet.
Ce qui frappe à la lecture, c’est la manière dont l’auteur révèle les évènements. Très lentement, par allusions puis au détour d’une phrase par l’énonciation du fait. Le viol et les crimes du père par exemple, ne sont clairement indiqués aux lecteurs qu’après de longues pages et par petites touches successives.
J’ai aussi été exaspéré par l’attitude des personnages, leurs réactions face aux évènements qui les touchent et qui ne peuvent que faire envenimer les choses, « Mais comment fais-tu pour te mettre dans de telles situations ? me demande-t-elle. Je suis sidérée ». Quant au personnage de Michèle, pauvre victime des premières pages du roman j’ai eu du mal à la suivre dans son évolution psychologique et sexuelle après qu’elle se retrouve à nouveau face à son violeur (ce que je vous laisse découvrir), mais je sais aussi que tout est possible, il suffit de lire les journaux comme dit Djian. En fait dans ce roman, peu de personnages sont sympathiques (aucuns ?). Tous se collettent avec la vie et font avec, chacun utilisant ses armes pour s’en sortir de son mieux mais jamais sans casse. Ce qui abonderait dans mon sens de voir la vie, à savoir qu’on n’a que ce qu’on mérite.
Alors pour conclure, paradoxalement après tout ce que je viens d’écrire, je pense que c’est l’un des meilleurs romans de l’auteur depuis bien longtemps. Même si l’histoire est outrée, mais elle n’est qu’un concentré de possibilités, et que Djian n’y attache pas d’importance, elle tient mieux la route que ses dernières productions. Mais ce qui est l’atout majeur du livre, c’est le style et l’écriture. Une écriture légère presque aérienne – surtout au vu du sujet – de laquelle se dégage un sentiment d’apaisement puissant. Quand le fond m’agaçait profondément, la forme me calmait aussi fortement. Un roman salé/sucré. Un (très) bon roman de Philippe Djian. Enfin.
« Non, je ne sais pas ce que je cherche au juste. Il fait froid, les jours ont raccourci. Je ne lis pas de bons scénarios. J’ai été violée. Je ne parle pas de mes relations avec mon mari et mon fils, je n’évoque même pas mes parents. Le pire est qu’il va falloir penser aux cadeaux. »
Philippe Djian « OH… » Gallimard