Ce qui m’a intrigué, c’est une sorte de familiarité avec les dessins, peintures accrochées, notamment dans la salle des « peintures au doigt ». Pour y arriver, j’ai, bien sûr, traversé d’autres salles où j’ai vu des dessins, des copies (je crois que le mot ne convient pas, Louis Soutter s’appuie sur des modèles mais fait son propre travail), des visages aux traits profonds, aux cheveux bouclés, aux dents longues, des villes, des architectures. Comme une approche de l’essentiel qui est aperçu à travers une cloison fendue. Je suis aussi resté quelque temps à contempler les végétaux, fleurs, tiges, branchages qui s’entremêlent, s’élèvent, se nouent. Est-ce cette approche progressive qui me rend familier des peintures au doigt ? des crucifixions, des silhouettes noires, dans des formats plus grands généralement que ceux des dessins vus précédemment ? Ou bien cela réveille-t-il en moi des sensations enfouies ? Si l’intérêt d’une œuvre d’art ne tient qu’à la biographie de son auteur, moi, spectateur, je n’en suis qu’un voyeur, éventuellement compatissant. Mais, à l’évidence, ces peintures me touchent autrement. Et pas d’un point-de-vue psychanalytique, ni intellectuel. Mais de façon sensible. Ces traits épais, ces corps qui se déplient, ces bras, ces mains qui se tendent, ce sont autant d’arbres, de branches, comme j’aime à les regarder, à les cadrer, à les photographier. Et puisque Louis Soutter inscrit des mots dans ses dessins, j’y vois plus que la forme, j’y entends des musiques.