Bouhou, jettons-lui des cailloux !
Oui, je l'avoue à la face du monde : je n'ai pas beaucoup d'amis. J'ai trois amies que je considère comme les meilleures avec qui je discute de manière hebdomadaire sur facebook et que je vois de temps en temps pour de joyeuses soirées films d'horreur. J'ai un meilleur ami que je considère comme mon grand-frère, mais que je vois rarement et à qui je parle tout aussi rarement (msn, tout ça, c'est pas trop son dada).
Et... c'est tout.
Peu de gens à qui je me confierais vraiment hyper profondément, peu de gens que j’appellerais si je tuais quelqu'un en pleine nuit et que le cadavre avait besoin d'une seconde paire de bras pour être traîné dans un trou en forêt, peu de gens devant qui je ne me sentirais pas gênée de lâcher un petit pet...
Alors, voilà, on dira ce qu'on veut, mais c'est un fait : je suis associale. Ce n'est pas que je sois foncièrement désagréable, au contraire. Je suis une fille plutôt calme et conciliante, j'essaie d'aider chacun du mieux que je peux et si on me parle, je réponds. Mais, l'inévitable finit toujours par se produire : dès que quelqu'un tente une ébauche d'amitié avec moi, qu'il cherche à me parler régulièrement, qu'il demande de mes nouvelles, qu'il a l'air de bien m'aimer... Eh bien, je me ferme comme une huître. Cette personne se cogne à un mur d'indifférence et de solitude. Généralement, quand je remarque que quelqu'un veut potentiellement être mon ami, je coupe les ponts. J'arrête de répondre à ses messages, et je ne lui fais que de petits signes de la main si je le croise dans la rue.
Suis-je une garce ? Non. Il y a certainement une excellente raison à tout cela. Et cette raison, c'est que j'ai peur. Je ne suis plus habituée à ce qu'on soit gentil avec moi. J'ai l'impression que toute nuance de gentillesse, d'attachement et de sensibilité n'est que le préambule à quelque chose de beaucoup moins agréable : la fin.
Certes, sur le moment, Pauline est bien sympa. T'as envie d'aller au cinéma avec elle, et de lui vernir les pieds en lui demandant comment c'était sa première fois avec Thomas. Mais, qu'est-ce qui se passera après ? Et si cette Pauline te faisait du mal, un jour ? Si elle te piquait ton copain ? Si elle se moquait de toi une fois où tu vas mal ? Si elle t'abandonnait et refusait d'être plus longtemps ton amie, alors que tu as besoin de sa présence ? Si tu t'attachais à elle, et que ça prenait fin un jour, à quoi tout cela aura-t-il servi ?
Évidemment, je ne dis pas que toute cette mécanique se met en place dans ma tête dès que quelqu'un m'apprécie. C'est juste un automatisme inconscient auquel je ne réfléchis même plus. C'est comme si je pouvais dire à quelqu'un : « Tu sais, on s'entendrait sans doute merveilleusement bien, mais moi j'aime pas avoir d'amis, on sait jamais, nous sommes humains, je veux pas prendre le risque que tu me fasses une crasse, parce qu'un jour tu le feras forcément et ça ne me fera pas plaisir ». J'ai mes amis, que je connais depuis longtemps, mais je n'ai pas assez de confiance et de force à investir pour m'en faire d'autres. Ça me fatigue, parce que je sais que l'amitié est tout aussi prenante que l'amour, et que c'est très fatiguant dès que ça commence à déraper. Je sais qu'avoir des amis, c'est être forcé de sortir de sa bulle. Je sais qu'avoir des amis, c'est être peinée que les dits amis ne prêtent pas suffisamment attention à nous. Je sais qu'être ami, c'est un engagement, et je refuse de m'engager dans quelque chose d'aussi peu fiable qu'un nouveau rapport humain.
Un jour, une fille de ma classe m'a dit quelque chose sur un ton léger, mais ça m'a littéralement marquée. Alors que j'allais passer la porte, elle a voulu entrer aussi. Elle s'est reculée en me disant « vas-y, passe ». Je ne sais pas quelle tête d'ahurie j'ai fait, quel regard reconnaissant je lui ai jeté, ni de quelle manière hésitante j'ai avancé vers ma place, mais je me souviens l'avoir entendu dire : « Olala, Ellie elle est pas habituée à ce qu'on soit gentil avec elle ! » d'un ton assez surpris.
Finalement, est-ce que ça me surprend tant que cela ?
Non. Effectivement, je ne suis pas habituée à ce qu'on soit gentil avec moi. Je ne suis pas habituée à ce qu'on me laisse passer, à ce qu'on me tienne la porte, à ce qu'on me demande sincèrement comment je vais, à ce qu'on me prête un peu d'attention, à ce qu'on me voit comme quelqu'un qui vaut la peine d'être connue. Au lycée, dans la dernière année, j'ai été insultée et regardée de travers, parce que j'ai eu le malheur d'être furieuse que mon copain m'ait fait une crasse en compagnie d'une amie à moi. Ce n'est pas de mon côté qu'on a été. J'étais bien culottée d'être en colère, pensez-vous. Des gens qui ne me connaissaient pas, qui ne m'adressaient presque jamais la parole, qui ne savaient même pas le nom de ma mère ont osé m'insulter et me juger comme si tout leur était permis. Si encore c'était mes amis et que nous étions en froid, cela serait passé. Mais non, c'était des inconnus, pour moi. Je ne m'étais jamais sentie proche d'eux. Et j'étais leur ennemie numéro 1. Je leur dis merci, à ces gens-là : je n'ai jamais eu autant envie de me cacher dans un trou que lorsque je voyais leurs regards, je n'ai jamais eu aussi envie d'aller me jeter à l'eau que lorsque je savais qu'ils m'avaient traité de connasse et de grosse à herpès en jetant des « MDRRR » à la fin. Ce n'était même pas de la colère de leur part. Ce n'était pas dit furieusement. C'était juste pour s'amuser. LOL.
J'ai eu envie d'aller me cacher sous Terre, mais je ne l'ai pas fait. Je me suis dit que tant pis si on me détestait, mais en tout cas, je ne reprendrai plus jamais le risque que cela m'arrive. Je ne laisserais plus quiconque m'approcher. Je ne laisserais plus personne s'octroyer le droit de me faire autant de mal. Je ne laisserais plus personne se servir de ma gueule pour des potins, des insultes et des moqueries. Les gens ont besoin de se moquer et d'être méchants envers des personnes avec qui ils n'ont pas de rapport direct. Tant pis. J'ai déjà insulté des gens sous le coup de la colère car ils m'avaient fait du mal, et je me suis excusée. Mais j'ai été insultée par des gens à qui je n'avais rien fait, pour le plaisir que procurent la méchanceté et la cruauté. Je n'ai jamais reçu aucune excuse de ces gens-là.
Ces gens-là étaient les amis de quelqu'un. De quelqu'un avec qui ils se montraient relativement gentils. Et pourtant, vous voyez le comportement qu'ils sont capables d'adopter ?
Je me dis que nous sommes tous capables du pire. Pendant un temps, je vais me passer de nouvelles rencontres. J'ai besoin de solitude, de garantie. J'ai besoin de ne plus avoir peur. J'ai besoin que plus personne autour de moi n'ait le privilège de pouvoir me donner envie d'aller me jeter à l'eau. Les rares amis que j'ai actuellement, je suis quasiment certaine qu'ils ne me feraient rien de mal. J'ai quelques amis annexes, avec qui j'ai beaucoup de barrières : il faudrait qu'ils sachent sauter haut pour pouvoir m'atteindre.
Et j'ai de futurs amis qui n'existeront peut-être jamais...
Et vous, quel est votre rapport à l'amitié ? :)
(je tiens à préciser, que même si ça m'attriste parfois de ne plus être capable de laisser quelqu'un de nouveau s'accrocher à moi, je me suis habituée et je le vis relativement bien. Pour le moment...)