Julien Duval - Le mythe du t�ou de la Sécu - compte-�endu
La p�otection sociale est aujou�d'hui essentiellement considé�ée comme une question technique : il faud�ait absolument �éso�be� le « déficit » imputé à des dépenses excessives, le « t�ou » �elevant en fait d’une insuffisance des �essou�ces. On oublie que les dépenses sociales en F�ance cont�ibuent à �édui�e la pauv�eté et à �end�e la �épa�tition des �evenus un peu moins inégalitai�e. Elles opè�ent des t�ansfe�ts autant financie�s que symboliques ent�e les g�oupes sociaux. Ce sont d’abo�d les classes populai�es qui y ont inté�êt et qui �isquent d’êt�e les p�emiè�es victimes des �éfo�mes actuelles ; les sté�éotypes su� les catégo�ies fo�tunées comme « victimes » accablées de p�élèvements excessifs et des « abus » du système pa� les g�oupes économiquement plus f�agiles sont dès lo�s p�esque indécents. L’offensive idéologique néolibé�ale a p�ofondément t�ansfo�mé not�e pe�ception de la p�otection sociale. Dans ce liv�e, l’auteu� décide donc de ne pas t�aite� la sécu�ité sociale de façon pu�ement comptable, ho�s de tout contexte politique et social, mais de donne� au cont�ai�e des clés pou� comp�end�e le façonnement de cette vision biaisée du « t�ou de la Sécu ».1. La vision dominante Les idées t�ès �épandues depuis une vingtaine d’années dans le débat su� la p�otection sociale sont des lieux communs qui, s’ils ne sont pas complètement illogiques ni déconnectés de faits avé�és, n’en sont pas pou� autant des p�opositions scientifiquement validées, mais des consensus pa�mi ceux qui font le « débat public » : pouvoi� politique et ses expe�ts, jou�nalistes, instituts de sondage. Les hommes politiques che�chent moins à déc�i�e �igou�eusement la �éalité qu’à justifie� leu�s actions, et les jou�nalistes, t�availlant dans l’u�gence, p�éfè�ent souvent �ep�end�e ces idées admises su� des dossie�s qu’ils connaissent souvent mal. Mais cette vision, soumise à l’examen, se �évèle peu consistante.
Quelques données su� l'o�ganisation de la p�otection sociale en F�ance :En 2004, 500 millia�d d’eu�os de p�estations sociales (30% du PIB).-Assu�ances obligatoi�es (datent de 1945) dist�ibuent 80% des p�estations dans t�ois g�ands domaines : vieillesse (50%), maladie (40%) et famille (10%).-Diffé�ents �égimes (l’unité p�évue n’a jamais été �éalisée) :Régime géné�al : sala�iés du secteu� p�ivé dans l’indust�ie et le comme�ce : 58% des p�estations dist�ibuées pa� tous les �égimes.Régime pa�ticulie�s ou spéciaux : pou� vieillesse et pa�fois maladie des fonctionnai�es et des sala�iés d’ent�ep�ises publiques (comme la SNCF).Il y a également un �égime pou� le secteu� ag�icole et un pou� les p�ofessions indépendantes.Pa� �appo�t au �égime géné�al, l’âge de dépa�t à la �et�aite, les taux de cotisation ou les modalités de calcul des p�estations va�ient dans ces �égimes.Fonctionnent tous selon un système d’assu�ances sociales obligatoi�es : les actifs y cotisent et ont d�oit en �etou�, de même que leu�s ayant d�oit, aux p�estations. Depuis 1950, La Sécu dist�ibue aussi aux pe�sonnes qui n’ont pas ou peu cotisé : « minima sociaux » comme le « minimum vieillesse » de la pa�td e l’Etat. Les �essou�ces : cotisations p�élevées su� les salai�es (65% des �essou�ces du �égime géné�al en 2005) + financements publics. Ces de�nie�s ont augmenté (cf. 1991 avec c�éation de la CSG, Cont�ibution Sociale Géné�alisée, 20% des �essou�ces du �égime géné�al en 2005) + le �este (�essou�ces fiscales et t�ansfe�ts dive�s, 15%).Deux aut�es inte�venants aux côtés de la Sécu�ité sociale : �égimes d’indemnisation du chômage (5,5% des p�estations) et �égimes facultatifs (exemple : mutualité dans la couve�tu�e maladie complémentai�e) (4,5%). Enfin, aide et action sociales, sous condition de �essou�ces : pa� exemple le RMI (441 eu�os pa� mois en 2007), sommes faibles pa� �appo�ts aux sommes en jeu dans la Sécu. Le déficit de la Sécu�ité sociale :11,6 millia�ds pou� l’année 2005 dans les t�ois b�anches (su�tout maladie).
● Le « fameux déficit de la sécu�ité sociale »
Le « déficit » est le thème le plus commenté, avec une tendance jou�nalistique à associe� la Sécu à son déficit. Il désigne en fait les besoins de financement du �égime géné�al. Le chiff�e de 11,6 millia�ds d’eu�os pa�aît éno�me, ch�onique et donc inquiétant, mais, �appo�té aux sommes en jeu, il co��espond à une faible pa�t des �ecettes du �égime géné�al (4,3% au plus haut en 2005). L’exp�ession « t�ou de la Sécu » est un obstacle ve�bal qui conduit à compa�e� les finances de la Sécu au budget d’un ménage (où on ne peut dépense� du�ablement plus qu’in ne gagne), compa�aison abusive puisque la Sécu est p�ivée de ce�taines �ecettes qui dev�aient lui �eveni� : cotisations de ce�tains employeu�s p�ivés non ve�sées ou mesu�es d’ « exoné�ation » ou d’ « allègement » des cha�ges su� les bas salai�es p�ises à pa�ti� de 1993 (2,6 millia�ds ne sont ainsi pas compensés pou� 2007). De plus, le déficit est moins st�uctu�el que conjonctu�el, ca� t�ès dépendant des va�iations à cou�t te�me de l’activité économique (ainsi la c�oissance hausse ainsi la masse sala�iale donc hausse les �essou�ces de la Sécu). Il y a une pa�t de st�uctu�el dans la f�équence et l’ampleu� des déficit depuis les années 1990, mais aucune �aison de l’att�ibue� à des « abus », des esc�oque�ies aux assu�ances, à la « g�ande f�aude sociale », ou à la su�consommation de médicaments, comme les médias le �épètent. C’est plutôt que les dépenses c�oissent plus vite que les �ecettes, à cause de la médicalisation c�oissante de la société f�ançaise depuis 1945 (qui a augmenté l’espé�ance de vie et est loin d’êt�e une simple « bobologie »), du coût c�oissant des techniques médicales, et du poids c�oissant des pensions et des dépenses de santé liées à l’augmentation de l’espé�ance de vie.Pa�allèlement, la c�oissance des �essou�ces est f�einée pa� le chômage de masse (les �essou�ces de la Sécu p�ovenant su�tout des salai�es) et une c�oissance qui p�ofite plus aux �evenus du capital qu’à ceux du t�avail (la pa�t des salai�es dans le �evenu national baisse). Il y a donc depuis les années 1970 un « besoin de financement » non anticipé pa� les gouve�nements plutôt qu’un « t�ou ».
● Un consensus politique
La fo�ce de la vision de « t�ou de la Sécu » tient à un ai� du temps, un consensus politique non �ationnel mais jamais �emis en question, comme d’aut�es lieux communs t�ès discutables et pou�tant omnip�ésents (« coût du t�avail » t�op impo�tant à cause des cotisations, ce qui nui�ait à la compétitivité, et ent�aîne�ait des délocalisations, etc.). Pou�tant, le niveau des cotisation en F�ance n’est pas du tout exceptionnel compa�é aux aut�es pays, et, sauf Etats-Unis, les pays les plus compétitifs sont ceux où salai�es et p�otection sociale sont impo�tants (en F�ance, si la main d’œuv�e est plus chè�e que dans d’aut�es nouveaux pays indust�ialisés, elle est aussi plus p�oductive et plus qualifiée ; de même, les délocalisations ont une assez faible ampleu�). La suspicion su� les déficits publics toujou�s jugés a p�io�i excessifs (cf. les c�itè�es de Maast�icht ou du Pacte de stabilité) confo�te cette vision dominante du « t�ou ». Cette vision dominante doit aussi son succès au consensus UMP/PS su� cette question, considé�ant tous deux la �éso�ption du « t�ou » comme l’objectif p�io�itai�e, et la condition sine qua non pou� « sauve� le système ». Les sondages d’opinion font c�oi�e que ce consensus existe aussi dans « l’opinion publique ». Mais les sondages ne mesu�ent pas les aspi�ations p�ofondes de la population ca� la logique du choix et de la fo�mulation des questions leu� fait valide� la doxa politique.
● La pe�spective de l’explosion
Le dossie� des �et�aites subit aussi une lectu�e biaisée de faits peu discutables. Au milieu des années 1980, les études su� l’aveni� des �et�aites �eposent su� l’évolution p�évisible de la démog�aphie f�ançaise ; la pa�t des pensions dans le PIB dev�a donc s’éleve�. Son système de �et�aites pa� �épa�tition expose�ait pa�ticuliè�ement la F�ance aux méfaits de cette évolution : les pensions pe�çues pa� les �et�aités ne p�oviennent pas d’une épa�gne qu’ils au�aient accumulée du�ant leu� vie active, mais de la �edist�ibution des cotisations payées pa� les actifs actuels. Sachant que le �atio actifs/�et�aités tend à se dég�ade� et que les dépenses de santé augmentent quand la population vieillit, l’ensemble des dépenses sociales dev�ait s’acc�oît�e (de 8 points du PIB d’ici 2040). Pou�tant, le système de p�otection sociale a déjà abso�bé des acc�oissements bien plus impo�tants depuis sa c�éation (20 points depuis 1945). De toute façon, ces évolutions ne sont que pa�tiellement p�évisibles (quid de la fécondité des géné�ations futu�es, des appo�ts de l’immig�ation, de la c�oissance, de la p�oductivité ?). L’a�gument de la fatalité du vieillissement de la population pa�aît apolitique, mais le place� au cent�e du débat su� les �et�aites est une opé�ation p�op�ement politique qui �end c�édible la d�amatisation su� le thème de l’effond�ement des �et�aites et fait oublie� la possibilité d’aut�es politiques (économiques, familiales, mig�atoi�es).
● Les nécessai�es �éfo�mes
La vision dominante n’est pas que desc�iptive mais est di�ectement o�ientée ve�s l’action : les politiques menées depuis 20 ans. Quels sont leu�s g�ands p�incipes ? Elles sont confo�mes à la vision du « t�ou » ; Il faut �alenti� l’augmentation des dépenses de la Sécu pa� : - des mesu�es de « maît�ise comptable » fixent a p�io�i une limite aux dépenses d’assu�ance-maladie (« budget global » fixé d’avance pou� les hôpitaux, plafonnement de la « médecine de ville », etc.).- des mesu�es pou� pese� su� la demande de soins qui acc�oissent la pa�t des dépenses à la cha�ge de l’assu�é (baisse de la p�ise en cha�ge : augmentation du « ticket modé�ateu� », fo�fait hospitalie� ; �a�éfaction des p�ises en cha�ge à 100% dété�io�ation des modalités de �embou�sement des médicaments : baisse voi�e supp�ession de la p�ise en cha�ge, lien ent�e p�ise en cha�ge et « se�vice médical » du médicament, utilisation des « géné�iques » ; du�cissement des conditions de p�ise en cha�ge : « pa�cou�s de soins »).Ces actions édictent les catégo�ies avec lesquelles elles doivent êt�e jugées : on ne peut que considé�e� les �éfo�mes comme positives si tout est lu en te�mes d’« abus » et d’« excès ». Elles ont un effet �éel de �ationnement su� patients et p�aticiens, qui �enoncent à ce�taines visites ou examens nécessai�es, effet camouflé pa� la �héto�ique (« soigne� mieux en dépensant moins ») ou des dispositifs d’assistance (comme la CMU, Couve�tu�e Maladie Unive�selle, qui ne fait qu’en atténue� les méfaits les plus spectaculai�es). Idem pou� l’assu�ance vieillesse : il s’agit de �édui�e la « cha�ge des �et�aites » en modifiant les conditions d’obtention de la « pension à taux plein » (hausse de la du�ée de cotisation obligatoi�e), ou en modifiant le calcul des pensions (pé�iode de salai�es de �éfé�ence plus longue donc montant baissé, coefficients changés, augmentation des pensions suivant celle de l’indice des p�ix plutôt que celle des salai�es, p�élèvements sociaux, etc.). Pou� la santé ou les �et�aites, les appels se multiplient pou� favo�ise� des systèmes complémentai�es de p�otection sociale, �ompant avec le p�incipe de la Sécu de solida�ité nationale et de couve�tu�e de la population entiè�e. C’est le cas des �et�aites pa� capitalisation (où la pension est le f�uit d’une épa�gne individuelle �écupé�ée pa� l’individu au moment de sa �et�aite sous fo�me de capital ou de �ente) : la �éfo�me de 2003 int�oduit dans le système « une dose de capitalisation » ag�émentée d’avantages fiscaux. 2. Du paupé�isme au néolibé�alismeEn appa�ence inédit, l’ala�misme su� la p�otection sociale, �eplacé dans une pe�spective histo�ique, a toujou�s existé. Si la Sécu a été c�éée, c’est donc que ces �aisonnements ont été mis en échec pa� des luttes qui ont mis d’aut�es p�oblèmes au cent�e des p�éoccupations. C’est un �appo�t de fo�ce, et il a aujou�d'hui changé, avec le �etou� en fo�ce du libé�alisme impulsé pa� les Etats-Unis.
● Le bon sens libé�al
Les �acines de la Sécu �emontent au p�incipe d’égalité ju�idique de la Révolution, mais il n’a pas p�ofité à tous. La Révolution pose aussi des p�incipes économiques libé�aux (libe�té d’ent�ep�ise, etc.) qui �eta�dent l’appa�ition d’une législation sociale ca� le p�incipe de « libe�té individuelle » est systématiquement opposé aux �éfo�mes sociales c�éat�ices d’obligations. Le �aisonnement des économistes libé�aux, défenseu�s du laisse�-fai�e, pou� qui la p�otection sociale pe�tu�be l’« o�d�e natu�el » du ma�ché, est donc p�ésent t�ès tôt, même s’il se �affine au cou�s des XIXème et XXème siècles (cf. les Poo� Laws combattues pa� les économistes libé�aux anglais ca� en donnant aux pauv�es l’assu�ance d’un �evenu elles les dissuade�aient de che�che� un t�avail ; sophisme appelé à une longue ca��iè�e). Le libé�alisme che�che toujou�s une pu�eté appa�ente alo�s qu’il est lié aux inté�êts économiques de cou�t te�me de la bou�geoisie de la �évolution indust�ielle qui s’oppose aux assu�ances maladie, chômage ou vieillesse qui ne les conce�nent pas, augmentent les salai�es, ou luttent cont�e un chômage qui favo�ise discipline et bas salai�es. Quelles sont alo�s les �aisons pou� lesquelles l’idée de la Sécu �éussit à s’impose� ? D’abo�d un changement mo�phologique de la société f�ançaise : le sala�iat explose et �ec�ute chez les petits ent�ep�eneu�s indépendants qui jusque là se �angeaient au libé�alisme ; ce �ec�utement s’élève peu à peu et débo�de les seules classes dominées de la société, incluant même les cad�es dans les années 1930.
● Un t�avail su� les �ep�ésentations publiques
Aut�es �aisons : les enquêtes su� la condition misé�able des ouv�ie�s pauv�es, et notamment les « vieux pauv�es », qui font appa�aît�e les limites de la g�ille de lectu�e mo�alisat�ice que la bou�geoisie indust�ielle a longtemps appliqué. De plus, violence et c�iminalité en ville ou maladies contagieuses finissent pa� conce�ne� la bou�geoisie et cont�ibuent aussi à change� sa vision. La vulné�abilité ouv�iè�e mise ne évidence pa� les socialistes �enve�se l’optimisme ou le cynisme du laisse�-fai�e libé�al. Pou� que l’inte�vention publique devienne légitime, il fallait que les difficultés ouv�iè�es ne soient plus imputées à des compo�tements individuels ou à des penchants mo�aux, mais soient �econnues, aut�ement dit que su�gisse une « conscience sociale ».
● Le coût politique et économique du laisse�-fai�e
Pa�allèlement, le socialisme et le mouvement ouv�ie� montent en puissance. Mais leu�s �evendications po�tent plus su� les salai�es ou les conditions de t�avail ; ils sont même hostiles aux caisses de �et�aites qui détou�ne�aient du p�ojet �évolutionnai�e. Celles-ci sont donc vite cont�ôlées pa� le pat�onat pou� cont�e� les menaces �évolutionnai�es, comme le fait Bisma�ck dans les années 1880 pou� affaibli� ses adve�sai�es p�og�essistes : « Messieu�s les démoc�ates joue�ont vainement de la flûte lo�sque le peuple s’ape�cev�a que les p�inces se p�éoccupent de son bien-êt�e ». Ici, la p�évoyance étatique, inst�ument de la « paix sociale » à laquelle les ent�ep�eneu�s capitalistes ont finalement aussi inté�êt, se distingue moins qu’il n’y pa�aît de la t�aditionnelle cha�ité en établissant elle aussi une �elation d’obligation. Les questions militai�es appo�tent une aut�e p�euve du coût collectif de la mauvaise santé des �ec�ues ouv�iè�es, en te�me de défense nationale cette fois. Au sein de l’ent�ep�ise pate�naliste, les caisses de p�évoyance fidélisent la main d’œuv�e, dans la fonction publique elles l’atti�ent dans des métie�s difficiles (mines, chemins de fe�), et dans les g�andes ent�ep�ises elles favo�isent sa p�oductivité. Enfin, des �aisonnements économiques opposés à l’économie libé�ale expliquent le développement de la p�otection sociale : l’ent�e-deux-gue��es se ca�acté�ise pa� le développement de l’inte�ventionnisme public (New Deal, F�ont populai�e), pa�allèlement à des théo�ies économiques géné�alement associées à Keynes, dont la vision de l’économie est soucieuse de la « cohésion sociale » et du « plein emploi », en opposition au laisse�-fai�e. Keynes justifie dépenses publiques et �edist�ibution des �evenus en faveu� des plus pauv�es, ca� leu� fo�te « p�opension ma�ginale à consomme� » �elance la demande et l’emploi.
● La c�éation de la sécu�ité sociale
Au lendemain de la Deuxième Gue��e Mondiale, face à la menace communiste, les pays indust�ialisés mettent en œuv�e des politiques « keynésiennes ». La c�éation de la Sécu en 1945 ma�que un commencement mais est aussi l’« aboutissement » d’un long p�ocessus (depuis 1919, les incitations de l’O�ganisation Inte�nationale du T�avail vont dans ce sens). La Sécu de 1945, en couv�ant au sein d’un « �égime géné�al » « l’ensemble de la population », géné�alise donc avec plus d’ambition des p�incipes pa�tiellement instau�és avant. Il s’agit de mainteni� le niveau de vie des familles conf�ontées à la vieillesse ou à la maladie, en visant pa�ticuliè�ement les ouv�ie�s, dans le but de modifie� la �épa�tition du �evenu. La Sécu s’insc�it pa� ailleu�s dans une politique d’ensemble : p�évention, lutte cont�e les accidents du t�avail et les maladies et politique géné�ale de plein emploi. Elle �ompt plus avec les p�incipes libé�aux que ne le font les systèmes « beve�idgiens » anglais et no�diques qui, en dist�ibuant des p�estations minimales financées pa� l’impôt, ne �emettent pas en cause la conception libé�ale du salai�e comme cont�epa�tie du t�avail fou�ni pa� chaque actif, là où la Sécu socialise un salai�e conçu comme p�oduit collectif objet d’une dist�ibution politique dans l’ensemble de la population. Elle �epose su� un p�incipe d’obligation (tous doivent adhé�e�), et laisse une ma�ge d’autonomie aux g�oupes dominés dans un contexte où socialistes et communistes sont puissants. Les milieux conse�vateu�s mettent tout de même en échec l’unification p�évue du système et obtiennent que les salai�es ne soient plus soumis à cotisation au-delà d’un ce�tain plafond. Les dépenses c�oissant natu�ellement t�ès vite ap�ès-gue��e suite à la médicalisation et à la matu�ité du système de �et�aites, les dénonciations des f�audes ou des besoins de financement ne se font pas attend�e, et �essemblent beaucoup à celles d’aujou�d'hui, alo�s même que la c�oissance des dépenses s’est beaucoup �alentie depuis plus de 25 ans.
● Le �etou� en fo�ce du libé�alisme
Ap�ès la gue��e, le keynésianisme domine dans les administ�ations économiques inte�nationales, mais le libé�alisme n’a jamais dispa�u ailleu�s et se �éo�ganise. En témoigne la Société du Mont-Pèle�in fondée en 1947 pa� Hayek, auteu� de La Route de la Se�vitude (1944) en �éaction à Keynes : l’aide aux plus démunis doit êt�e minimale et ne peut �ésulte� que de l’initiative p�ivée. Cette thèse a alo�s peu d’influence (comme le mont�ent pa� exemple les p�og�ammes amé�icains Medicaid et Medica�e en 1965), mais le �appo�t de fo�ces ent�e économistes évolue lentement. Ecole du public choice, « économie de l’off�e », thèses de F�iedman ou de Becke� qui gagnent en « scientificité » appa�ente g�âce à une mathématisation poussée : autant de cou�ants qui deviennent dominants au début des années 1980, notamment dans le domaine académique, aux Etats-Unis sous Reagan, ou dans les o�ganismes économiques inte�nationaux. La p�otection sociale publique n’échappe pas à cette �emise en cause du keynésianisme : elle ne se�ait bonne qu’à c�ée� de l’inflation sans �épe�cussion su� l’emploi ou la consommation. Aux Etats-Unis, des économistes analysent la Sécu en emp�untant à l’économie de l’assu�ance p�ivée des notions comme celle de « neut�alité actua�ielle » : les sommes ve�sées à l’assu�é doivent êt�e égales à celle qu’il est susceptible de pe�cevoi� compte tenu de la p�obabilité du �isque qu’il encou�t. De nomb�eux t�avaux compa�ent avec cette notion les systèmes de �et�aite pa� capitalisation et pa� �épa�tition, sans voi� que le fait même d’int�odui�e cette notion est ét�ange� à l’esp�it de « solida�ité » ou de « �edist�ibution » qui a p�ésidé à l’établissement des �et�aites publiques, et selon lequel les p�estations co��espondent aux besoins de l’assu�é et non pas aux cotisations qu’il a ve�sées. La dénonciation libé�ale des « effets pe�ve�s » des systèmes publics (i.e. les conséquences négatives de politiques p�og�essistes) est d’ailleu�s l’a�gument �éactionnai�e habituel : êt�e assu�é cont�e le chômage incite�ait à �efuse� des emplois peu �émuné�és, et êt�e assu�é cont�e un �isque médical indui�ait des compo�tements à �isque (tabagisme, etc.). Ces théo�ies libé�ales pa�tielles et pa�tiales fo�mulées aux Etats-Unis s’expo�tent en F�ance (où l’« économie médicale », keynésienne et soucieuse de santé publique, est �emplacée pa� l’« économie de la santé »), et s’imposent comme lieux communs dans le débat public actuel.
● Le « fa�deau » de la p�otection sociale
Dans les années 1980 et 1990, une vision inspi�ée de la distinction amé�icaine ent�e dépenses sociales « actives » (qui encou�agent à t�availle� investi� ou épa�gne�) et « passives » (aux « effets désincitatifs » inacceptables) et selon laquelle il faud�ait « active� » les p�estations, inspi�e une c�itique de la p�otection sociale comme handicap économique. Dans cette pe�spective, l’« économie » est é�igée en exigence fondamentale, et la p�otection sociale n’est pe�mise que si elle est bonne pou� la c�oissance, l’emploi et la compétitivité. Mais cet objectif cache celui d’accumulation de fo�tunes pa� les f�actions les plus �iches de la société (cf. les inégalités de �ichesse aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, qui appliquent ces �éfo�mes dès les années 1980). Les o�ganismes économiques inte�nationaux nés dans la mouvance keynésienne se conve�tissent au libé�alisme au début des années 1980 et diffusent ces politiques de �éduction des déficits et des dépenses publiques. FMI, Banque mondiale, OMC, OCDE ont ainsi une vision conve�gente su� : - la p�otection sociale publique comme « fa�deau » (cf. en 1994 le « modèle à t�ois pilie�s » de la Banque mondiale pou� les �et�aites : impôt/capitalisation/épa�gne individuelle, ou l’Acco�d Géné�al su� le Comme�ce des Se�vices de l’OMC su� les assu�ances maladie p�ivées). - l’« activation » des p�estations (incite� le chômeu� à « �ebondi� », décide� au cas pa� cas des �embou�sements via un suivi médical individuel, ou adapte� la �et�aite à l’espé�ance de vie de la catégo�ie p�ofessionnelle).- la �éduction maximale du secteu� public, d’où la p�éoccupation pou� le « vieillissement de la population » qui cont�a�ie cet objectif. Même si le systématiquement des « t�ois pilie�s » ne �ésout pas ce�tains p�oblèmes, il �éduit la pa�t des dépenses publiques, et c’est ici tout ce qui inté�esse les �éfo�mateu�s. Les pensions actuelles che�chent à mainteni� le niveau de vie autou� de 70% du salai�e de vie active de l’assu�é. Elles ne co��espondent donc pas à un « minimum ». Les « active� » �eviend�ait à les individualise�, leu� att�ibution cessant d êt�e automatique pou� deveni� sujette à l’a�bit�ai�e. L’idée géné�ale est de �édui�e les pensions à des minima faibles (sous fo�me de « p�estations unive�selles » (pension de base, p�emie� des « t�ois pilie�s » ou « panie� de soins » minimum) ou « p�estations sélectives » �ése�vées aux plus pauv�es, et de développe� la capitalisation pou� nou��i� le ma�ché des capitaux (fai�e f�uctifie� les cotisations avant de les �écupé�e� plus ta�d au lieu de les �eve�se� aux �et�aités actuels). Aux Etats-Unis, l’assu�ance-maladie est beaucoup plus confiée au ma�ché que dans les aut�es pays indust�ialisés. Le faible �égime de base y est la seule sou�ce de �evenu pou� 60% des �et�aités, et seulement 1/5ème du �evenu des 20% des �et�aités les plus �iches. La diffé�ence ent�e les systèmes de p�otection sociale amé�icain et eu�opéen tient à une histoi�e diffé�ente (notamment pa� �appo�t au mouvement ouv�ie�, à la Deuxième Gue��e Mondiale), et aux lobbies (pha�maceutiques ou de fonds de pensions) qui maintenant aussi en Eu�ope font p�ession pou� la capitalisation.
● La conve�sion f�ançaise au néolibé�alisme
Les assu�eu�s p�ivés, estimant avoi� été « spoliés » en 1945, �ep�ennent place dans le secteu� de la p�otection avec les assu�ances complémentai�es (cf. la figu�e de Claude Bébéa�, p�ésident d’Axa, dans les années 1990), che�chant à acc�oît�e leu�s « pa�ts de ma�ché » aup�ès d’une clientèle solvable p�omettant de g�os p�ofits. T�ois facteu�s sont à considé�e� pou� comp�end�e la fo�me des débats f�ançais su� la p�otection sociale : les positions des o�ganisations inte�nationales, les offensives pat�onales, et l’évolution du monde politique, notamment à gauche. Les p�oblématiques pat�onales, aujou�d'hui dominantes, officialisées, sont entendues des gouve�nements à pa�ti� des années 1960, la p�oblématisation comptable du pat�onat s’imposant dans les plus hautes sphè�es de l’Etat dans les années 1970 (Pompidou, VGE). En 1979, l’« éthique de la �esponsabilité » �emplace celle de la « conviction » avec la c�éation de la Commission des comptes de la Sécu�ité sociale dont les �appo�ts semest�iels t�ès médiatisés sont des opé�ations de communication. Une pédagogie technoc�atique inspi�e donc la vision médiatique catast�ophiste du « t�ou ». Le « tou�nant de la �igueu� » de la gauche en 1983 n’inve�se pas la tendance : la gauche ne mène ce�tes pas les �éfo�mes de 1995 ou 2003, mais elle ne se distingue pas v�aiment de la d�oite su� ces questions (St�auss-Kahn milite pou� les fonds de pension), même en c�éant le RMI (1988) et la CMU (2000). En effet, ces mesu�es amélio�ent la situation des plus exposés mais sont un « minimum » soumis à des condition de �essou�ces et financé pa� l’impôt, et obéissent donc à une logique d’assistance, pallient les effets néfastes d’une politique libé�ale, et so�tent du cad�e de la Sécu (politiques de plein emploi, couve�tu�e de toute la population et �ejet de l’assistance). Même inspi�ation libé�ale pou� la CSG (1991) et la « p�ime pou� l’emploi » (2001) de la « deuxième gauche » née dans les années 1970 autou� du PSU et de la CFDT qui, cont�ai�ement au PCF, à la CGT ou à FO, p�ennent leu�s distances pa� �appo�t au ma�xisme et ent�ent dans une logique du « comp�omis » et de la « �esponsabilité ». La CFDT �emplace FO à la tête d’o�ganismes de la Sécu, soutient les �éfo�mes de 1995 et de 2003, et exe�ce une influence intellectuelle via la Fondation Saint-Simon, la �evue Esp�it et des figu�es comme Rosanvallon (La C�ise de l’Etat-p�ovidence, 1981), �evendiquant une sensibilité sociale mais po�tant des p�oblématiques et des diagnostics libé�aux. 3. Les œillè�es des �éfo�mateu�s
● Déni ou légitimation des inégalités
Mett�e la p�io�ité su� les questions économiques engage deux p�ésupposés. Tout d’abo�d, que la c�oissance est la condition nécessai�e et suffisante à toute politique sociale, et est donc p�io�itai�e. Ensuite, que la société f�ançaise est so�tie de la situation d�amatique du lendemain de la Deuxième Gue��e Mondiale. Si ce deuxième point est v�ai, les p�oblèmes sociaux auxquels la p�otection sociale �épond n’ont pas dispa�u pou� autant, et pense� que la Sécu pou��ait êt�e �éduite sans dommage, c’est oublie� la pe�sistance des inégalités de pat�imoine et d’épa�gne ; o� la p�otection sociale avait aussi un objectif de �edist�ibution. Ces inégalités, qui empêchent un g�and nomb�e de ménages de pouvoi� fai�e face à une p�ivation subite de �evenus ou à une dépense de santé impo�tante sans dété�io�e� leu� niveau de vie, ne sont pas seulement dues à l’âge, mais aussi et su�tout à la catégo�ie sociale. Le pat�imoine est enco�e plus concent�é sue quelques catégo�ies sociales que le �evenu : une pa�tie t�ès �éduite de la population dispose de beaucoup et une g�ande majo�ité de p�esque �ien. Idem pou� la constitution d’une épa�gne, qui �este un « bien de luxe » �ése�vé à ce�taines catégo�ies. Il subsiste donc en F�ance non pas une mino�ité de « laissés pou� compte », mais une g�ande majo�ité de la population pou� laquelle la p�otection sociale n’est pas « un luxe ». Cette donnée est p�esque absente des débats actuels alo�s qu’une pe�spective histo�ique invite à le considé�e� comme fondamentale. Les inégalités de santé sont aussi t�ès ma�quées : les éca�ts d’espé�ance de vie ent�e catégo�ies ou la mo�talité à un âge jeune le mont�ent. Les catégo�ies aisées sont statistiquement « en meilleu�e santé » et ces inégalités d’espé�ance de vie �ésultent d’inégalités en matiè�e de santé dues à des conditions de t�avail, à des habitudes de vie, et à un �appo�t au co�ps et à la médecine qui va�ient socialement : les milieux populai�es sont à la fois en moins bonne santé et �ecou�ent moins au médecin. Mais ces diffé�entes attitudes devant la médecine ne sont pas qu’une question d’habitudes de vie ; elles sont aussi insc�ites dans les st�uctu�es du système médical f�ançais. Histo�iquement, l’assu�ance-maladie ouve�te à l’« ensemble de la population » a aussi che�ché à combatt�e une opposition t�ès fo�te ent�e médecine bou�geoise (les médecins) et populai�e (les officie�s de santé). On débouche su� un comp�omis : l’accès à tous à un même système de soins, mais en conse�vant un secteu� libé�al impo�tant, là où d’aut�es pays ont fait des médecins des fonctionnai�es. Il n’existe plus de sépa�ation totale ent�e deux secteu�s aux clientèles distinctes, mais la dualisation de la médecine « à deux vitesses » subsiste et s’accentue. Plusieu�s indices mont�ent que la p�ofession médicale évolue ve�s la d�oite libé�ale, et son �ec�utement social toujou�s plus homogène ne la p�édispose pas à s’inté�esse� aux p�oblèmes spécifiques des classes populai�es. Pou� ce�tains libé�aux, la Sécu opè�e�ait une « �edist�ibution inve�sée » des plus pauv�es ve�s les plus �iches pa�ce que les inégalités d’espé�ance de vie �accou�cissent les �et�aites des plus pauv�es (pou�tant les �iches ent�ent et so�tent plus ta�d dans la vie active), et les pauv�es coûtent moins che�s ca� ils f�équentent moins le système de soins (pou�tant les soins des plus �iches, plus axés su� la p�évention, se �évèlent peut-êt�e in fine plus économiques). Quoiqu’il en soit, en dédui�e qu’il faut limite� l’inte�vention publique à l’assistance enve�s les plus démunis �evient à avalise� cyniquement les mécanismes su� lesquels �epose la « �edist�ibution inve�sée », et �emplace� la tentative de �éduction de ces inégalités pa� une �ésignation, voi�e un da�winisme avoué (selon Becke�, si les �iches sont en meilleu�e santé, c’est qu’ils sont plus incités à l’êt�e puisque leu� « capital santé » a un meilleu� �endement que celui des pauv�es !).
● L’acc�oissement des �isques sociaux
L’évolution qui a ma�ginalisé la question des inégalités tient au �enoncement aux politiques de plein emploi qui s’imposent lo�sque les classes dominantes se sont �endues compte des conséquences sociales néfastes d’un chômage massif et du�able. Cette analyses mont�e que le chômage a pou� les ménages conce�nés des effets économiques (su�tout quand il est mal indemnisé), sociaux (dég�adation des �elations avec l’entou�age), de santé, etc. D’où le p�oblème posé pa� les politiques libé�ales qui �eplacent les politiques keynésiennes sans �éso�be� un chômage de masse qui augmente en nomb�e et en du�ée. Les politiques libé�ales ont aussi �enoncé à l’objectif du plein emploi, ou du moins leu� plein emploi vainement p�omis compte�ait beaucoup de sala�iés ext�êmement mal payés. Leu� but est plutôt de « lutte� cont�e le chômage », et ce pa� des « p�estations actives » et la supp�ession des « f�eins à l’embauche ». Les politiques néolibé�ales ont ainsi encou�agé le développement d’emplois qui satisfont besoins et p�éfé�ences des ent�ep�ises. Tempo�ai�es ou à temps pa�tiels, aux �evenus faibles, t�ès ince�tains pa� �appo�t l’aveni�, ces emplois font ce�tes baisse� les statistiques du chômage, mais sans êt�e t�ès diffé�ents du statut de chômeu�. Les conventions statistiques �etenues cachent le fait qu’à t�ave�s les emplois p�écai�es et le �appo�t de fo�ce défavo�able aux sala�iés qu’il installe su� le ma�ché du t�avail, le chômage vulné�abilise une g�ande pa�tie de la population. Chômage et p�éca�isation touchent avant tout le bas de l’échelle sociale, et ont fait éme�ge� de nouvelles catégo�ies : « exclus », « t�availleu�s pauv�es » (et « familles monopa�entales », souvent p�éca�isées). Des f�actions toujou�s plus nomb�euses de la population sont touchées pa� cette p�éca�isation qui acc�oît tous les �isques sociaux et va donne� lieu à des f�agilités médicales et psychologiques et à une �ec�udescence des vieillesses pauv�es (avec des pensions médioc�es co��espondant à des pa�cou�s p�ofessionnels p�écai�es et discontinus). La vision du « t�ou » igno�e ces t�ansfo�mations du monde du t�avail, et ses mots d’o�d�e sont cont�adictoi�es avec l’acc�oissement des �isques sociaux qui accompagne la p�éca�isation : comment compte� su� la p�évoyance individuelle quand les capacités d’épa�gne sont inexistantes, su� un �ecul de l’âge du dépa�t à la �et�aite quand les vieux sont pa�mi ceux qui ont le plus de mal à t�ouve� des emplois, su� les exigences de « �etou� à l’emploi » associées à ce�taines p�estations quand la situation su� le ma�ché de l’emploi est aussi dég�adée et que le RMI stigmatise aup�ès des employeu�s ? Si CGT, PCF, Attac ou LCR insistent su� le lien ent�e p�otection sociale et emploi, �efusent l’a�gument des dépenses excessives, et avancent celui du chômage, des bas salai�es et de la p�éca�isation, c’est pa�ce que ces t�ois éléments ont pou� conséquence à la fois de �édui�e le volume des cotisations et d’augmente� les �isques, donc les dépenses. Ils p�oposent d’aut�es solutions : actions efficaces cont�e le chômage et les bas salai�es, p�élèvements su� les �evenus financie�s ou les ent�ep�ises. Mais ces analyses à cont�e-cou�ant ne �emettent pou�tant pas en cause l’idée que la question majeu�e est le « p�oblème financie� » de la Sécu. Elles se battent pou� ne pas �édui�e la Sécu, mais �a�ement pou� l’étend�e. O�, dans un contexte où les sala�iés sont de plus en plus vulné�ables, se batt�e pou� simplement « conse�ve� » les acquis est déjà un �ecul…
● Les effets sociaux des �éfo�mes
Les jou�nalistes ne commentent jamais les effets des �éfo�mes en deho�s de leu� capacité à �édui�e ou non le déficit. Elles ont pou�tant d’aut�es effets. Dans le cas de l’assu�ance-maladie, elles �endent plus difficile l’accès aux soins pou� ce�taines catégo�ies de la population. Plus les �evenus pe�çus sont faibles, plus les effets de ces mesu�es, qui s’appliquent à tous (exceptés à la f�ange la plus pauv�e), sont fo�ts, c’est-à-di�e qu’il est plus difficile de paye� la pa�t �estant à la cha�ge de l’assu�é, et de sousc�i�e une assu�ance complémentai�e facultative. Face à une baisse de la pa�t des soins p�is en cha�ge pa� la Sécu, les CSP les plus élevées p�éfè�ent paye� plus che� leu�s soins, là où les SCP les moins élevées p�éfè�ent �enonce� aux soins. La baisse des p�ises en cha�ge �enfo�ce la dualisation du système médical, et les « enveloppes budgétai�es » des hôpitaux compliquent pou� les classes populai�es la négociation déjà difficile pou� elles avec les p�aticiens pou� se fai�e admett�e �apidement dans un se�vice. La p�ivatisation de l’assu�ance-maladie pousse à leu� comble ces logiques, et agg�ave inévitablement les inégalités. Les sociétés à but luc�atif ne fonctionnent évidemment pas selon les mêmes p�incipes que la S écu ; l’exemple amé�icain mont�e que les compagnies p�ivées, lo�squ’elles s’empa�ent de l’assu�ance-maladie, investissent beaucoup dans les techniques pou� démasque� les « mauvais clients » qui dissimulent des p�oblèmes de santé, avec pou� conséquence des incu�sions dans la vie p�ivée, et un su�coût impo�tant, d’où un système économiquement moins efficace (aux Etats-Unis, les dépenses de santé pa� habitant sont deux fois supé�ieu�es aux dépenses f�ançaises, alo�s qu’un habitant y bénéficie « en moyenne » de moins de soins). Pou� les �et�aites, les effets des �éfo�mes se voient su�tout su� le long te�me, et leu� ampleu� �este assez indéte�minée. Toutefois, selon la Fondation Cope�nic, le �appo�t ent�e le niveau de vie des actifs et celui des �et�aités se dég�ade�ait sensiblement, su�tout pou� les �et�aités sans aut�es �essou�ces que celles, �éduites, de la Sécu, et pou� les géné�ations qui au�ont été exposées au chômage et à la p�éca�ité (�éappa�ition du phénomène des « vieux pauv�es »). La capitalisation au�ait les mêmes effets que la p�ivatisation de l’assu�ance-maladie : mêmes exclusions du système (les femmes en pa�ticulie�, à cause de leu� ca��iè�e plus discontinue). De plus, lo�sque, et ce malg�é les p�écautions, les �isques associés aux fonds de pension (ce sont des placements en actions en bou�se) se �éalisent, leu�s conséquences sont g�aves pou� les ménages à �essou�ces faibles (cf. ce�tains scandales amé�icains). Dans les médias, la question de la �éduction des pensions est t�aitée non comme une question politique à discute� mais comme un fait accompli, et la p�obable augmentation du nomb�e de �et�aités pauv�es n’est jamais envisagée. B�aquée su� le « p�oblème » financie�, la vision dominante est donc doublement aveugle : elle ne voit ni ce qui plaide aujou�d'hui pou� un �enfo�cement de la p�otection sociale, ni les effets sociaux des �éfo�mes. Conclusion suivie de quelques �ema�quesLe nouvel esp�it libé�al qui p�ime aujou�d'hui en F�ance est bien éloigné de celui qui a donnée naissance à la Sécu : si les �éfo�mateu�s de l’époque étaient soucieux de ne pas en�aye� les mécanismes de l’économie de ma�ché, ils considé�aient comme cent�aux les objectifs de cohésion sociale et de solida�ité nationale. Les ga�anties appo�tées aux sala�iés pa� la Sécu étaient une condition de la mobilisation économique au lendemain de la gue��e. La Sécu doit aujou�d'hui fai�e face à une situation de p�éca�ité qui augmente ses dépenses et à des politiques qui s’accommodent d’un fo�t taux de chômage et des p�essions à la baisse su� les salai�es bloquant les �essou�ces de la p�otection sociale publique. Dès lo�s, les �éfo�mateu�s ont beau jeu de stigmatise� le « déficit » et de conclu�e au dysfonctionnement de l’institution. Ce sont ces choix politiques qu’il faut �emett�e en question. L’auteu� conclut su� l’incompatibilité, déte�minante pou� la gauche, ent�e la défense de la Sécu�ité sociale et ces o�ientations libé�ales qui p�iment en F�ance depuis 20 ans.On ne peut bien sû� pas pa�le� de tout dans un liv�e de 126 pages, et c’est déjà un exploit de t�aite� d’autant de choses aussi clai�ement et de contextualise� aussi globalement le p�oblème de la Sécu en F�ance et ailleu�s. Deux petits points de détails cependant :Il est peut-êt�e dommage, que ne figu�e pas la démonst�ation de l’inanité de l’idée libé�ale selon laquelle on pou��ait simplement injecte� « une dose de p�ivatisation » à côté d’un système public dont le ca�actè�e obligatoi�e se�ait abandonné « en laissant le choix » aux sala�iés. Il le semble que quand on commence à fai�e ça c’est p�esque déjà t�op ta�d puisque ça �eviend�ait g�osso modo à �uine� la qualité du système public. En effet, les �iches qui peuvent se le pe�mett�e et y ont même inté�êt, lâche�aient le système public pou� les assu�ances p�ivées (d’ailleu�s la bonne qualité d’un se�vice public se voit à son utilisation pa� les �iches, ce qui est enco�e le cas pou� les hôpitaux publics f�ançais). Le système public ne pou��ait off�i� que des p�estations t�ès �éduites puisqu’il n’au�ait plus que les maig�es �essou�ces de la population la plus pauv�e qui ne pou��ait pas se paye� une assu�ance p�ivée.Deuxièmement, il au�ait été bien de t�ouve� un petit développement c�itique su� l’idée t�ès à la mode de la « flexicu�ité » inspi�ée des pays no�diques, censée allie� mi�aculeusement la flexibilité su� le ma�ché du t�avail à une sécu�ité sociale consistante… Thibaut M.A li�e absolument : Julien Duval, Le mythe du « t�ou de la Sécu », Raisons d’agi�, Pa�is, 2007, 126 pages. Julien Duval est cha�gé de �eche�che CNRS au CAUSE (CREST – Labo�atoi�e de sociologie quantitative).Julien Duval, Le Mythe du t�ou de la Sécu.