Il était difficile pour le Petit Théâtre de Paris de trouver un successeur au successful "Sunderland" qui triompha sur son plateau toute la saison passée. Pourtant, une fois encore, son directeur Stéphane Hillel a su dégoter une pièce contemporaine accessible, à la fois populaire et porteuse de sens, qu'il a confiée à l'un de ses complices de longue date, à savoir José Paul, metteur en scène et accoucheur de fort jolis moments théâtraux ces dernières années, dont nous parlons souvent au sein de ces colonnes.
"L'Etudiante et Monsieur Henri", puisque c'est de cette comédie signée Ivan Calbérac qu'il s'agit, nous donne à voir le quotidien d'un octogénaire veuf et pour le moins misanthrope (Roger Dumas) contraint par son fils (Sébastien Castro) de louer une chambre de son appartement à une étudiante (Claudia Dimier), présence rassurante censée éviter le placement en maison de repos. Le retraité va alors user de sa locataire pour tenter de se débarrasser de sa "bru" (Lysiane Meis) qu'il ne supporte pas.
Au coeur de ce canevas fort bien construit que nous venons de résumer, l'auteur traite pêle-mêle, avec une redoutable efficacité comique, mais aussi avec style, subtilité et justesse, des rapports parents-enfants, et plus largement des rapports intergénérationnels, du couple, de sa fragilité, de nos choix de vie, de nos doutes, de la fin de vie... Ivan Calbérac a composé une pièce chorale aux couleurs multiples, conjuguant astucieusement dialogues cocasses et sujets de fond, qu'il fallait mettre entre les mains d'une distribution à la hauteur. Parlons d'elle, justement.
En grande forme dans son rôle d'odieux personnage, considérant que la vie à deux s'apparente déjà à la vie en communauté, Roger Dumas se régale dès le lever du rideau d'un feu d'artifice de répliques toutes plus cinglantes les unes que les autres. Le texte est drôle. L'acteur, lui, se révèle irrésistible, mène brillamment la danse durant toute la représentation. Face à lui, Claudia Dimier compose une étudiante à la fois paumée et battante. Belle énergie. Touchante sensibilité. Jolie révélation. La délicieuse Lysiane Meis retrouve pour sa part les rôles de ravissantes idiotes dans lesquels elle excelle parce qu'elle sait les nourrir en profondeur. Le travail est impeccable.
Nous consacrerons ce paragraphe au quatrième de la bande, Sébastien Castro, que nous sommes heureux de voir distribué dans un rôle à la hauteur de son talent. Jusqu'à présent, en effet, il sauva des boulevards de qualité discutable ou des comédies rapidement écrites grâce à son jeu décalé, son sens de la rupture, et son tempéramment comique inénarrable. Ici enfin, l'acteur se voit porté par un texte abouti, et de chacune de ses répliques, de chacun de ses silences, parvient sans handicap à faire jaillir les rires. De plus en incarnant et en allant chercher la vérité de ce quadra peinant à communiquer avec son père, doutant de la solidité de son mariage, subissant une situation professionnelle dans laquelle il ne s'épanouit pas, il développe un jeu d'une richesse encore ignorée du public. Bravo !
Vous l'aurez donc compris, c'est sans réserve que nous vous incitons à vous rendre au Petit Théâtre de Paris, pour un moment de rire et d'émotion à destination de tous les publics.
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Photos : Bernard RICHEBE