Once Upon… Le magazine ELLE.
Fondé à l’orée de la Seconde Guerre Mondiale en 1945, le magazine féminin a été le témoin d’une multitude de transformations sociétales, principalement celles touchant à la condition féminine.
Aujourd’hui, coup de projecteur sur l’une de ses plus célèbres rubriques, maintenant disparue, et sur le grand bout de femme qui en a été l’héroïne : le courrier du cœur et Marcelle Ségal.
Lancée en 1947, cette rubrique recueille les joies et –le plus souvent- les peines de ses lectrices à une époque où « les gens abandonnaient le confessionnal mais ne consultaient pas encore chez le psy» selon Françoise Ducout, ancienne journaliste du ELLE.
Le magazine a non seulement été l’un des précurseurs papier du courrier des lamentations (avant, y’avait l’abbé du village) mais il en a, de plus, été l’emblème en France à un moment où il était difficile, voire perturbant, d’être une femme.
Il a même, par moment, esquissé les débuts d’une révolte féministe française.
On dit bien « esquissé » et « débuts » hein…
Parce qu’on le sait, malgré son soutien aux combats des femmes, le magazine, comme toute bonne revue féminine, excelle également dans l’art de normaliser le comportement des jeunes –et moins jeunes – filles.
Car si la dame conseillait aux femmes trompées qui lui livraient leurs secrets une stratégie de résistance et de reconquête conjugale du type « n’en parlez plus et soyez sublime », elle fut toutefois l’auteure d’un petit florilège de réponses drôles frôlant la guerre d’amazones pour l’époque :
A une lectrice qui la questionne sur le mariage entre femmes : « Pas à ma connaissance, mais ça vient. Patientons encore un peu et nous verrons les hommes épouser leur partenaire à la pétanque, un pilier de bistrot ou, pourquoi pas, leur chien de chasse, leur voiture, leur émission sportive. »
Ou encore à cette femme qui lui confie :
« J’ai beaucoup d’admiration pour Jean-Marie, mais il a mauvais caractère. Jacques a 19 ans, comme moi, et plus de valeurs morales que Jean-Marie. Tous deux veulent m’épouser. Quelque chose m’empêche de choisir. Que faire ? ». Elle lui répond : « Ne choisissez pas. A 19 ans rien ne presse. Laissez faire le mauvais caractère de l’un, la gentillesse de l’autre. Votre réponse tombera toute seule, comme un fruit mûr. »
Ou à celle-là qui lui demande : « Je vous écris parce que m’aperçois que je grossis de plus en plus du postérieur. », elle remet les choses à leur place : « Le postérieur n’est pas de ma compétence. Je m’occupe du cœur. ».
A une époque où le divorce n’était pas une chose banalisée, Marcelle ne pouvait pas faire de miracle mais elle a donné la parole à des femmes qui n’en avaient pas réellement jusque-là plaçant le cœur au centre de sa psychothérapie épistolaire.
En 1987, le courrier du Cœur ELLE disparaît. En 1998, le petit bonhomme de dame qui fumait le cigare et carburait à la Suze s’éteint à l’âge de 102 ans.