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Imaginez une épaisse pâte feuilletée avec un délicieux coulis de framboise entre ses feuillets. Comment faire pour récupérer ce coulis ? C’est à peu près le problème du gaz de schiste. Un schiste est une roche qui a pour particularité d'avoir un aspect feuilleté. Il s'agit d'une roche sédimentaire argileuse, ou bien d'une roche métamorphique. Seules les roches sédimentaires argileuses sont susceptibles de contenir du gaz. Le gaz de schiste est un gaz d’origine naturelle engendré par la décomposition de l’argile riche en matière organique. A l’inverse du gaz naturel que l’on trouve en nappe, il est piégé dans les roches poreuses où il se forme, entre 1500 mètres et 3000 mètres de profondeur. Il est donc nécessaire de fracturer ces roches pour pouvoir en extraire le gaz prisonnier des pores de la roche. La fracturation hydraulique est une technique, maîtrisée par les Américains, qui consiste à casser la roche à l’aide d’un mélange d’eau sous pression, de sable et de produits chimiques, provoquant une multitude de micro-fractures dans la roche. Un premier forage vertical est complété par un forage horizontal au niveau du gaz, permettant de faire remonter le mélange en surface par le puits vertical. Mais l’exploitation industrielle des gaz de schiste pose la question de son impact environnemental et sanitaire. Il semble que la fracturation hydraulique accroit les risques sismiques avec des magnitudes de l’ordre de 1,5 à 2,5 dans les régions concernées et des problèmes de contamination de la nappe phréatique par les produits chimiques employés comme additifs (biocides contre la prolifération bactérienne dans le puits et le fluide, lubrifiants pour favoriser la pénétration de sable dans les micro-fractures, détergents pour augmenter la productivité du puits). Les roches souterraines fracturées libéreraient également, outre le gaz de schiste, des métaux lourds ou de la radioactivité naturelle. Malgré ces risques, les Etats-Unis ont jugé stratégique l’utilisation de cette ressource pour réduire leur dépendance énergétique, créer un grand nombre d’emplois (600.000 aujourd’hui avec un horizon d’environ 1 million) et relancer ainsi la croissance économique. En France, les retombées négatives, via les pollutions engendrées identifiées dans le secteur des eaux de source et eaux potables, ont donné lieu à une forte opposition au sein du gouvernement, chez les écologistes et dans les secteurs du tourisme et de l’agriculture. Les décisions récentes du Président de la République et du gouvernement annulant l’autorisation des forages de recherche porte un coup d’arrêt à cette technique. Or, si tout le monde s’accorde, même les compagnies pétrolières intéressées par cette technique, pour dire que la fracturation telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, notamment aux USA, présente des dangers importants, rien n’interdit de penser que les recherches dans ce domaine permettront de trouver des procédés moins dangereux et sans impact sur l’environnement (par air comprimé ?). Evidemment, si la recherche s’interrompt, il n’y aura jamais d’extraction de gaz de schiste en France, ce qui ne satisfait pleinement que les écologistes. Ainsi, après avoir détruit la filière des OGM (tous les chercheurs français dans ce domaine sont partis à l’étranger), raté la filière des panneaux photovoltaïques abandonnée à la Chine (la France a perdu 10.000 emplois), commencé la destruction de la filière nucléaire, voilà que la France se ferme la porte de la filière des gaz de schistes. La situation française actuelle n’est guère meilleure en ce qui concerne l’énergie éolienne. Les pays pionniers en ce domaine sont les Etats-Unis (47000 MW), l’Allemagne (29000 MW), les Pays-Bas (23400 MW), l’Espagne (15000 MW). La France, loin derrière, ne produit que 5600 MW. Il semble que la France soit douée pour rater les technologies nouvelles actuelles. La compétitivité du pays est déjà mauvaise, descendue au 21ème rang des pays mondiaux, et cette utilisation abusive du principe de précaution sur les sources énergétiques n’arrangera rien. La France n’est, décidément, plus le pays de l’innovation ! Plutôt que de tout interdire, il aurait mieux valu investir de façon importante dans la recherche de procédés non polluants pour permettre au pays d’avoir accès à l’énergie endogène des gaz de schiste. Ceci nécessite, évidemment, de mesurer d’abord l’importance des gisements pour savoir si l’investissement a une chance d’être rentable à terme. C’est du simple bon sens. Il est à craindre que la décision prématurée d’interdiction ne soit que purement idéologique, politicienne et clientéliste et qu’elle ait été prise sous la pression d’un parti écologiste dogmatique qui ne représente pas la majorité du pays mais prive cette dernière d’une source de progrès comme elle l’a été aux USA.