« Et toi, p’tit commerçant, tu mourras d’la TVA ; mais si on aide ces gens-là, la bombe, comment on la f’ra ? Le p’tit commerce doit mourir, il n’est pas rentable, va-t-en au supermarché, les prix sont plus abordables. » (Gilles Servat)
Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! Vous consommez une baguette de pain ? Saviez-vous qu’en moyenne, elle était plus dégueulasse chez… Leclerc ? Vous consommez un bifteck ? Saviez-vous qu’en moyenne, il était plus dégueulasse chez… Leclerc ? Vous consommez des pommez ? Saviez-vous qu’en moyenne, elles étaient plus dégueulasses chez… Leclerc ? Venez donc choisir le plus dégueulasse sur quiestleplusdegueulasse.com !
« Oh, Blequin, t’arrête de déconner, oui ? Avec tes conneries, on va se manger un procès pour contre-publicité, et cette fois, Leclerc ne cherchera pas à nous faire payer moins cher ! »
Bon, d’accord, d’accord… Hum ! Quand j’étais petit, un ami de mon père avait une Peugeot dans laquelle j’avais l’habitude de monter pendant les vacances d’été. Je m’asseyais sur la banquette arrière, et je voyais, dans une poche cousue derrière le fauteuil du conducteur, une carte routière, évidemment repliée, sur laquelle figurait une publicité pour les centres Leclerc, avec une photographie du fondateur de la boîte et de son successeur, le père et le fils (le Saint-Esprit était tout excusé) se tenant l’un l’autre par l’épaule, leurs prénoms Édouard et Michel-Édouard (le père s’est davantage foulé pour monter sa boîte que pour trouver un prénom à son garçon) figurant en grosses lettres blanches sous leurs portraits respectifs. Seulement voilà : ledit ami de mon père avait lui-même un garçon particulièrement taquin qui s’était amusé à griffonner au bic sur cette photo. Résultat : pendant une bonne partie de mon enfance, je n’ai pas eu d’autre image d’Édouard Leclerc que cette photo qui, à cause de la facétie du fils de l’ami de mon père, le représentait avec des ongles sales et une dent de devant manquante ! Quand, bien plus tard, j’ai appris l’attitude quelque peu douteuse (doux euphémisme !) que monsieur Leclerc père avait eue pendant l’occupation, je me suis dit que le graffiteur avait eu comme une inspiration géniale en faisant de ce portrait de Leclerc, pourtant un exemplaire parmi les milliers d’autres que l’entreprise a diffusés, un équivalent du portrait de Dorian Gray dont Oscar Wilde nous conte l’histoire : en d’autres termes, cette photo portait les stigmates des méfaits de Leclerc, stigmates dont son vrai visage était dépourvu…
Et le fils, alors, me direz-vous ? Oh, lui, c’était rigolo : le gribouilleur lui avait carrément fait de grosses lunettes noires, une coupe afro et des antennes ! Du coup, pendant toute mon enfance, je n’ai eu d’autre image de Michel-Édouard Leclerc que celle d’une grosse mouche bleue vivant au bord de la folie ! Notez que ça va comme un gant à cet agité du bocal qui partage avec l’insecte son côté agaçant…
« Et vous appelez ça une nécrologie, vous ? » Allez, salut les poteaux !