Une comédie d’Ivan CalbéracMise en scène par José PaulDécors d’Edouard LaugLumières de laurent BéalCostumes de Brigitte Faur-PerdigouAvec Roger Dumas (monsieur Henri), Lysiane Meis (Valérie, la bru), Sébastien Castro (Paul, le fils), Claudia Dimier (Constance, l’étudiante)
L’histoire : A 78 ans, monsieur Henri vit seul dans son appartement parisien, ce qui commence à inquiéter son fils Paul. Si le septuagénaire, particulièrement bougon, refuse catégoriquement tout placement en maison de retraite, il finit par accepter de louer une chambre de son appartement à une étudiante. Constance, 21 ans, emménage chez lui…
Mon avis : On se rend parfois à certaines pièces comme à un rendez-vous amoureux. On sait qui l’on va retrouver, on est curieux, tout frétillant, un peu excité. On sait aussi que l’on va passer un bon moment de partage… Et lorsqu’il s’avère que ce rendez-vous dépasse encore les plus gourmandes de vos attentes, et bien on touche au bonheur.
Pour ce qui est de L’étudiante et monsieur Henri, nombreuses étaient les raisons de se réjouir à l’avance. D’abord, le lieu du rendez-vous. J’ai régulièrement été surpris et emballé par la programmation du Petit Théâtre de Paris. Je n’y ai pratiquement découvert que des pièces originales, intelligentes, souvent très drôles mais avec du sens. La dernière en date, Sunderland, a été pour moi LA pièce de l’année 2011. Alors j’étais avide de voir ce qu’on avait pu cette fois nous sortir de derrière les fagots… Ensuite, il y avait la présence à l’affiche de deux comédiens que j’adule particulièrement, Roger Dumas et Sébastien Castro. On ne présente plus le premier, son parcours, tellement riche et éclectique, est sidérant. Quant au second, je le tiens pour un de nos tous meilleurs acteurs dans le registre de la comédie. La présence également de Lysiane Meis, que j’avais remarquée dans Jacques a dit et Le gai mariage, était également un gage de qualité de jeu. Pour ce qui concerne la quatrième personne, Claudia Dimier, ça allait être une découverte puisqu’elle jouait là sa première vraie pièce… Enfin, le seul nom de José Paul à la mise en scène était une garantie à la fois de finesse et de rigueur… Devant tant d’atouts réunis, restait à savoir si L’étudiante et monsieur Henri allait se révéler à la hauteur de ce que proposait l’affiche.
Or donc, ainsi que je l’ai formulé plus haut, mon plaisir est allé au-delà de mes espérances. Cette pièce a une portée universelle car elle touche à ce que l’on a de plus proche, la famille. Chacun, quel que soit son âge, est concerné.L’action se passe dans un appartement parisien un peu vieillot, au papier peint désuet. Des portes s’ouvrent sur différentes pièces, il y a une cuisine américaine. Et, contre un mur du salon repose un piano. Ce logement appartient à monsieur Henri, un septuagénaire veuf. C’est un vieux bougon, limite misanthrope, qui ronchonne à tout propos. Il concentre une grande partie de son acrimonie sur son fils, Paul, et surtout sur sa bru, Valérie, qu’il déteste au plus haut point… L’irruption, contre son gré, de Constance, une jeune étudiante à laquelle il est tenu de louer une chambre pour éviter la maison de retraite, va lui faire échafauder un plan machiavélique anti-bru…Mais, comme dans la vraie vie, rien ne se passe vraiment comme on l’avait envisagé.De franche comédie, la pièce devient progressivement douce amère. Les rires qui partaient en cascade continuent bien sûr de retentir, nombreux, mais ils alternent de plus en plus avec les moments d’émotion et quelques petites pincements au cœur. C’est en cela que cette pièce est complète. Elle est plus que plaisante, mais pas complaisante. Chacun des quatre personnages joue sa propre partition à l’insu des trois autres, sauf peut-être Valérie qui apparaît totalement incapable de duplicité. C’est également dans cette application à parfaitement dessiner les profils psychologiques de chacun que la pièce puise également sa richesse. Il y a là une belle étude de l’âme humaine.
Les dialogues sont ciselés, incisifs, percutants. On remarque aussi l’importance que de petites phrases d’apparence anodine peuvent avoir. A travers elles, certains laissent filtrer leurs regrets, d’autres se réfugient dans des substituts ; comme la religion pour Valérie.Pour interpréter cette pièce que son auteur, Ivan Calbérac, présente comme « une comédie terriblement familiale », il fallait avoir à disposition un quatuor à cordes sensibles.
L’étudiante et monsieur Henri est donc une pièce totalement réussie. Les comédies ne sont jamais aussi bonnes que lorsqu’elles savent distiller de jolies notes d’émotion. J’avoue, à la fin, je ressentais un délicieux picotis dans les yeux. Et, en même temps, j’avais beaucoup, beaucoup ri.