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Forum Emploi-Handicap

Par Jfvleugels @JFVleugels

Forum Emploi-Handicap le 16 Novembre 2011

J’ai écrit ce texte à mes pairs l’année dernière, à la suite de ma participation en tant que coach bénévole au Forum Emploi-Handicap, 16 novembre 2011.

J’ai longtemps hésité avant de le partager, mais il me parait avoir sa place aujourd’hui sur mon forum alors que les jeux paralympiques viennent de s’achever presque dans l’indifférence générale.

Si j’ai hésité à le partager, c’est parce qu’il parle de mon rapport au handicap, de ce qui me fait peur et dont j’avais honte. En le partageant avec mes pairs, il m’est apparu que j’étais moins seul que je ne le croyais.

En allant à ce forum, je me suis aperçu que ce désir de ne pas voir était le fruit de ma peur qui m’avait mené à l’ignorance, l’ignorance se chargeant alors de nourrir ma peur.

Le plus dramatique c’est que cela m’avait empêché d’aller au-devant de ceux qui souffrent dans leur corps, moi qui voulais aider ceux qui souffrent dans leur âme.

Surtout, et c’est là le plus grave, cela m’avait empêché jusqu’alors de me rendre compte que ce sont souvent les mêmes. Donc, je tiens à dédier cet article aux personnes qui tous les jours font face avec courage à leur handicap, en silence, presque en marge de notre société.

Forum Emploi-Handicap

De retour hier du forum emploi handicap, j’ai envie de partager mon ressenti après cette journée riche en émotion et en rencontres.

Beaucoup d’émotions d’abord, car pour moi me confronter au handicap était un défi que je voulais relever.

Je dois avouer que le handicap est quelque chose qui me fait très peur depuis toujours ; la pensée que je puisse perdre tout ou partie de mes capacités physiques et/ou intellectuelles me terrorise.

Dans ma posture de coach, afin de pouvoir être au service de mon client et surtout dans ma croyance que la rencontre est thérapeutique, je me devais de me confronter à cette peur irraisonnée.

Tout d’abord, en arrivant au salon, une grande anxiété que je connais bien maintenant m’a envahi : le Trac, avec un grand T. Le fait que cette émotion m’envahissait, au-delà de son effet « débilitant » au sens littéral du terme, m’a rassuré : je commençais à ressentir l’émotion de me retrouver en posture de coach et non pas seulement d’affronter ma peur du handicap.

J’arrive au stand AFCCOA (Association Française des Coachs Coactifs) et je retrouve Jeanne et Jean-Pierre (deux collègues coachs) déjà là, je suis un peu en famille !

Les coachs des autres sociétés nous entourent et je les observe sans toutefois aller vers eux, trop obnubilé par ce qui m’attend.

Jeanne et Jean-Pierre me rassurent et je commence à me sentir dans mon élément. Stéphane nous rejoint, et peu de temps après Ariane, ça y est nous  sommes au complet pour la matinée, Émilie et Virginie nous rejoindrons en début d’après-midi.

Sur le stand AFCCOA l’ambiance est au plaisir d’être ensemble.

À partir de ce moment, nous enchaînons les rencontres. Pour ma part, j’ai rencontré neuf personnes durant cette journée.

Tout d’abord, un premier choc pour mes préjugés : la plupart des gens handicapés devant moi ne le paraissent pas. Je me rends compte que mes saboteurs m’ont toujours présenté le handicap comme une sorte de foire aux monstres.

Cela vous paraitra peut-être choquant que j’ai pu penser cela, mais cela ne fait pour moi que confirmer que l’ignorance est le pire fléau. C’est mon ignorance du handicap qui m’a fait projeter cette vision, et je suis heureux de ne pas l’avoir écoutée.

J’ai fait de très belles rencontres durant cette journée, mais la plus forte est celle d’un homme d’une quarantaine d’années, qui, après un coma de plusieurs années et un AVC, cherche depuis 5 ans à reprendre une activité professionnelle.

Il se présente avec un bras dans le plâtre et du mal à se déplacer.

Comment vous décrire cette rencontre… les mots me manquent tandis que l’émotion m’envahit.

Le premier contact avec lui me permet de mesurer l’intensité dans laquelle va se dérouler toute cette séance.

Mon client forme ses phrases sur un ton monocorde, comme retranscrit par un appareil, sans intonation, ni ponctuation.

Une phrase donne à peu près cela (autant qu’il est possible de le retranscrire en texte) : ….je….veux….re…trou…ver…un…em…ploi…pro…fess…io….nnel…de…puis…5…ans…et… je…n’y…a…rri…ve…pas.

Immédiatement, je passe en niveau 2 (les niveaux en coaching décrivent l’état du coach dans la situation, il y en a 3, le second indique que je me concentre sur mon interlocuteur). Impossible pour moi d’être en niveau 1 (centré sur moi-même) si je ne veux pas perdre le fil de la conversation.

Une phrase de quelques secondes s’étire sur deux minutes, et je dois reconstituer des mots sur la base des syllabes que j’entends que je dois recoller les unes aux autres rapidement, sans perdre le fil et en essayant de comprendre le sens de la phrase.

Il faut vous dire qu’au-delà de son handicap lié à son AVC, mon interlocuteur est parfaitement lucide et exprime une pensée complexe et très intelligente, qui au-delà de sa recherche d’emploi, montre tout son souci de communiquer avec les autres afin qu’ils le voient lui, et non son handicap.

À l’occasion de la première pause de mon interlocuteur, j’ai un retour de niveau 1 très fort et en quelques secondes, mes émotions m’assaillent.

La peur de ne pas m’en sortir, la forte compassion devant cet homme qui me bouleverse, l’angoisse de ne pas être à la hauteur, etc. mes saboteurs s’en donnent à cœur joie pour me faire rentrer dans ma coquille.

Je réalise également que je me retrouve devant la personnification de ma peur : une personne atteinte de tout ce qui me terrorise. Il n’y a pas de hasard…

Et là, une vraie prise de conscience pour moi. Au-delà de ma peur, de ses handicaps, et de l’angoisse de ne pas être un coach, je me recentre sur ce qui m’apparait : je vois un homme qui est venu chercher auprès de moi un coach pour l’aider à vivre son rêve.

À partir de là, tout est devenu simple, je me suis mis en « ordre de bataille » : j’ai volontairement décidé que cette rencontre durerait plus que les 30 minutes (lors du forum, les séances de découverte du coaching étaient fixées à 30’) étant donné le handicap d’expression de mon client, je me suis mis en niveau deux totalement au service de mon client.

J’ai oublié le ton monocorde, pour me concentrer sur l’échange et ce qui se passait au niveau 3 (le niveau 3 est un niveau de conscience qui intègre tout ce qui est présent pendant une séance de coaching, afin que le coach reste en lien avec son intuition et son ressenti).

Il s’en est suivi une très belle séance dans laquelle j’ai interagi avec mon client, j’allais dire « comme avec un client normal », mais cette formulation est inexacte, car pour moi, dans cet instant, il est un client normal.

Je ne dirais pas que j’avais oublié ses handicaps, mais que je les avais intégrés dans ma perception de lui et qu’ils n’étaient plus un frein à la relation, mais une composante de la situation.

L’échange fut passionnant, et s’est terminé par un défi pour lui qu’il a relevé.

Encore aujourd’hui cet échange reste présent dans mon cœur et mon âme et vous en parler en fait revivre l’émotion.

En terminant cette séance, ce qui était présent pour moi était que je fais un métier extraordinaire dans tous les sens du terme, et que c’est pour des moments comme celui-là que je suis heureux de le faire.


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