L’exposition «Fashion magazine», à la Vieille Église de Mérignac, présente le travail caustique et ironique du roi de la photographie documentaire britannique. Belle prise pour Mérignac : Martin Parr est une véritable star dans l’univers de la photo, réputé pour son regard ironique sur ses contemporains qu’il saisit dans leurs attitudes les plus incongrues, touristes grégaires, bimbos grassouillettes ou aristos décadents. On en prend plein les dents, et pourtant ces clichés aux couleurs acides recèlent toujours une grande part de tendresse. L’explication de cette espièglerie mordante saute aux yeux quand on rencontre l’artiste, venu inaugurer l’exposition «Fashion magazine» en personne, vendredi dernier. Grand échalas à la démarche nonchalante, Martin Parr dévoile vite, derrière son apparente banalité, un humour pince-sans-rire absolument irrésistible et une gentillesse à toute épreuve.
Dans le rush du vernissage, quelqu’un fait tomber l’une de ses photos par terre ? Martin Parr se marre ! Et quand arrive le maire de Mérignac, Michel Sainte-Marie, à peine achevées les salutations d’usage, l’artiste l’interpelle : «Tiens, vous n’avez pas de chaîne sur votre costume ?» Traduction de la traductrice, regard interloqué du maire, explication du photographe : «Oui, en Grande-Bretagne, les maires portent une espèce de chaîne autour du cou lors des cérémonies officielles». Martin Parr, à l’affût du grotesque dans toutes les situations, semble, sur ce coup-là, un peu déçu. En revanche, il s’avoue ravi du lieu d’exposition, la Vieille église Saint-Vincent superbement rénovée pour mettre en valeur le travail des photographes voués à s’y succéder. Après Helmut Newton et Alice Springs cet été, l’église devrait accueillir à l’avenir au moins trois expositions majeures par an.
Un regard moqueur sur la propagande glamour
Celle de Martin Parr vaut vraiment le détour. Réflexion sur les univers de la mode et du luxe, cette sélection de formats variés met en scène un univers clinquant où le glamour s’évapore vite sous le flash de l’artiste, dévoilant les dents jaunies derrière le rouge à lèvres, la couperose à l’affût derrière le fond de teint, les fronts qui brillent dans les coulisses des défilés, quand les acteurs de ce petit théâtre bariolé ne peuvent pas bénéficier des retouches effectuées par les magazines. C’est cru et pourtant sans cruauté.
D’ailleurs, Martin Parr ne se planque pas derrière l’objectif et accepte de se mettre lui aussi en danger, laissant les visiteurs de l’exposition le prendre en photo sans jamais perdre patience ni son sourire bienveillant. En quittant les lieux, on se surprend à voir les passants d’un autre œil, teinté d’amusement. C’est là qu’on s’aperçoit à quel point ces clichés nous ont contaminé, qu’on comprend pourquoi Martin Parr c’est, effectivement, bien plus que de la photo : c’est de l’art. •
Anne Chaput
Jusqu’au 31 octobre, Vieille église Saint-Vincent à Mérignac, entrée libre du mardi au dimanche, de 14h à 19h. Renseignements au 05 56 18 88 62.