Grizzly Bear - Shields
Je n’ai pas le temps d’écrire cette chronique. Des milliards de choses à faire, à penser, à écouter. Non vraiment ce serait malhonnête : tel que vous ne me voyez pas, je tapote distraitement d’un doigt sur mon clavier tout en rangeant de ma main libre mes affaires éparpillées. Je suis aussi au téléphone en double appel et pendant ce temps j’ai ouvert deux fenêtres pour écrire des mails. Donc non, ce ne serait pas sérieux tout ça. C’est pas comme s’il s’agissait de bredouiller trois quatre mots sur le dernier single de Rihanna. Là il est question de Grizzly Bear. Chez Warp. Le groupe qui a pris tout le monde de court en 2009 avec l’imparable Veckatimest, et qui sort ce 17 septembre son nouvel album : Shields. Du lourd quoi, pas le genre que t’écoutes entre la poire et le fromage pour finir un sudoku. Et là moi j’ai pas le temps.
Et encore j’dis pas : si l’album était comme beaucoup d’autres, avec deux trois singles et du remplissage, je pourrais. C’est pourtant pas compliqué : le gros tube (piste 1 ou 2) du remplissage, le deuxième tube un peu moins bon mais quand même (piste 4 ou 5) du remplissage, du remplissage. Eh ben non. Grizzly Bear sort un vrai album. Pensé, réfléchi. Oui, oui, avec des vrais bons morceaux jusqu’à la fin du disque. Les malades. Parce que du coup tu peux pas faire semblant. Si chronique il doit y avoir, minimum syndical impossible. Faut y aller, faut mouiller la chemise, biographie, analyse des textes, de la pochette, des influences, lecture en amont des interviews, descriptif technico-musical de chaque chanson, avis, synthèse. Et moi ben non, j’ai pas le temps. Le dernier Grizzly Bear, en ce moment, c’est trop gros pour moi. A la limite, je pourrais vous dire combien Sleeping Ute, Speak in rounds et A simple answer font partie des plus belles choses que j’ai entendues ces derniers temps. Mais ce serait injuste pour les autres titres tout aussi convaincants. Personne n’aurait idée d’isoler le bleu chez Chagall. Pour Shields c’est pareil. Et puis je le répète : je n’ai pas le temps.
Mais je ne m’en fais pas. Je compte sur Magic, les Inrocks, Vox Pop et j’en passe pour compenser. C’est leur travail après tout. Surveillez la presse et le web les prochaines semaines. Ce sera l’occasion de vérifier que leurs oreilles sont propres. Et tous ceux qui diront du mal de cet album auront affaire à moi. Enfin, si j’ai le temps.
Le premier morceau de l'album, Sleeping Ute :
Et un petit reportage des Grizzly Bear chez un disquaire français : définitivement ces garçons ont bon goût.