En 2007, le Grenelle de l'environnement organisé par Nicolas Sarkozy avait un temps frappé les esprits. Sarkozy, de droite, semblait presque converti à une fraction de l'argument écologique. A peine élu, il avait créé le grand ministère du développement durable, un temps occupé par Alain Juppé puis repris par Jean-Louis Borloo. Le premier avait perdu sa législative et donc sa place au gouvernement; le second avait commis une énorme gaffe pendant la campagne en évoquant la TVA sociale; Sarkozy avait donc décidé de placer le gaffeur à la tête de l'écologie.
Du Grenelle, avec ses mois de réflexions et d'échanges, on retint un immense gâchis et une belle tartufferie. L'ancien monarque utilisait la technique (éprouvée) de la confrontation des contraires (écologistes contre industriels) pour sortir un compromis des plus mitigés. Pire, deux ans et demi plus tard, après l'échec de la taxe carbone et du sommet de Copenhague, Sarkozy commençait à trouver l'écologie sacrément emmerdante, et le faisait savoir publiquement lors du salon de l'Agriculture. En 2012, le divorce était consommé.
Avec Hollande, la démarche est différente. Primo, son élection a été précédée d'un accord électoral avec les écologistes. On en connaît les enjeux et les limites. Secundo, à l'exception de Claude Allègre, tout le monde a enfin conscience de la crise environnementale mondiale. Tertio, Hollande a un programme à tenir, et nul besoin d'un Grenelle pour lui donner ses mesures. Au contraire, il promet une conférence annuelle pour mieux le juger.
Vendredi, le discours de Hollande fut donc une synthèse et un rappel. Le Figaro et quelques autres voudraient nous faire croire qu'il a donné des gages aux écologistes. C'est un commentaire tactique sans grand intérêt. Europe Ecologie Les Verts fait partie de la majorité présidentielle. On a déjà trop monté en épingle des micro-polémiques sur le nucléaire pour avoir envie de s'intéresser enfin au fond.
La ministre écologiste Cécile Duflot n'a pas caché son enthousiasme en écoutant le discours de Hollande: « Je pèse mes mots : ce discours du Président de la République est historique et infiniment émouvant à entendre pour une écologiste » a-t-elle déclaré sur Twitter. C'est habile et sincère. Mediapart a même cru déceler un « changement de cap » (*). José Bové est allé remercier Delphine Batho, la ministre (socialiste) pour son action.
Que s'est-il passé ?
Presque rien, un bon discours et quelques annonces rassurantes pour les écologistes.
François Hollande avait chargé sa barque d'objectifs ambitieux et d'appels à la mobilisation. Pour les écologistes (que nous sommes), la musique était douce, la parole agréable: urgence écologique, nouveau défi productif, défense de la biodiversité, engagement européen, fiscalité carbone, etc. Tout y est. Il fustige l'impasse des politiques internationales jusqu'au récent sommet de Rio auquel il a participé (« convenons que la déclaration finale a été une déception. Même la création de l'Agence mondiale pour l'environnement qui est une volonté portée par plusieurs Etats a été repoussée ». Il défend la poursuite de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (40% en 2030 puis de 60% en 2040), un objectif qu'il faudra faire accepter au prochain sommet à Doha. Il soutient, au niveau européen, une meilleure régulation du marché européen d'échange de quotas carbone, un verdissement de la PAC ou la proposition de l'ancien monarque d'une contribution carbone aux frontières de l'Europe. Il aimerait même l'établissement d'une communauté européenne de l'énergie.
Parfois, il était parfois grandiloquent.
« La transition que je vous propose d'engager, n'est pas un programme, n'est pas non plus un choix politique partisan, c'est un projet de société, c'est un modèle de développement, c'est une conception du monde.»Après les grandes et belles paroles, il y a aussi des décisions plus concrètes, des engagements plus risqués.
1. Rendre des comptes chaque année. Hollande se démarque, sans le fustiger, du Grenelle sarkozyen: « La conférence d'aujourd'hui n'est pas la reproduction, sous une autre forme, un autre mot, du Grenelle de l'Environnement, dont je salue les acquis et le travail de ceux qui y ont contribué. » Au contraire, sa conférence environnementale sera annuelle, un instrument pour évaluer « la réalité des politiques conduites et le respect des engagements chaque année », et non pas une grand-messe médiatique bien vite oubliée. Se faire juger tous les ans par des experts ou des militants associatifs... fichtre !
2. Mieux lutter contre la concurrence moins-disante: Hollande demande un « mécanisme d'inclusion carbone pour les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale . Et ne l'appelez pas taxe carbone !
3. Mieux tarifer l'énergie: il rappelle qu'une tarification progressive de l'énergie (sur le principe de plus on consomme, plus l'énergie incrémentale devient coûteuse) est déjà à l'étude au Parlement sous forme de projet de loi: « Les tarifs publics comme les prix privés doivent refléter la rareté, le coût social et environnemental du service rendu ou de la marchandise consommée ».
4. Mieux isoler les logements: Il promet une loi contre le mal-logement et « les passoires thermiques » : l'objectif sera de mettre aux normes énergétiques un million de logements par an, en se concentrant sur « les quatre millions de logements anciens qui sont les plus mal isolés.» Pour le secteur privé, Hollande va réorienter les crédits d'impôts de son prédécesseur vers « les rénovations lourdes. » Pour les propriétaires les plus modestes, les aides seront renforcées par le produit de la mise aux enchères des quotas d'émissions de CO2. Hollande promet aussi « un nouveau système de financement est mis en place pour décharger les propriétaires de l'avance des frais.» Enfin, Hollande réclame de simplifier les règles administratives pour accélérer la rénovation des logements par leurs propriétaires.
5. Relancer les filières éoliennes et photovoltaïques. Il rappelle ces deux échecs inattendus de Nicolas Sarkozy: « les capacités de production d'énergie éolienne installées en 2011 ont régressé de 20% par rapport à 2010 » Ou encore: « Dopé par un prix d'achat au départ très avantageux, le secteur photovoltaïque a perdu 10 000, je dis bien 10 000 emplois en 2010-2011 après la volte-face tarifaire du gouvernement précédent.» Il réclame une stabilité des dispositifs fiscaux en la matière.
6. Mieux financer la transition écologique. La fameuse Banque Publique d'investissement « pourra être la banque de la transition »; elle recevra une fraction des fonds du Livret Développement Durable; et consacrera une part de ses fonds à l'innovation écologique, à l'isolation thermique, aux énergies renouvelables et aux écotechnologies.
7. Réduire la part du nucléaire dans la production d'électrique (de 75% à 50% d'ici 2025), une promesse de campagne. Pour ce, et c'était l'une des nouvelles attendues après les incidents de la semaine précédente, « la centrale de Fessenheim, qui est la plus ancienne de notre parc, sera fermée à la fin de l'année 2016 dans des conditions qui garantiront la sécurité des approvisionnements de cette région, la reconversion du site et la préservation de tous les emplois. »
8. Interdire l'exploitation du gaz de schiste. Bonheur final, Hollande annonce le rejet des 7 demandes de permis déposées auprès de l'Etat, d'exploitation des gaz de schiste : « dans l'état actuel de nos connaissances, personne, je dis bien personne, ne peut affirmer que l'exploitation des gaz et huile de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd'hui connue, est exempte de risques lourds pour la santé et pour l'environnement ».
9. Préserver la biodiversité: Hollande propose de créer de nouvelles réserves naturelles et de ... «faire appliquer la loi ».
Au final, une loi de programmation sur la transition énergétique sera déposée devant le Parlement à la fin du premier semestre 2013.
(*) article payant.