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Crise de la dette (4) : des libéraux remontés

Publié le 17 septembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Pour les libéraux, le refus de considérer les hausses d’impôt comme un moindre mal provient d’un positionnement moral a priori.
Par Domi.

Crise de la dette (4) : des libéraux remontés

Les précédents articles de la série :

Face à la crise actuelle, la plupart des gouvernements ont fait le choix de la réduction des déficits et ont préféré pour y parvenir les hausses d’impôts aux baisses de dépenses publiques.

Généralement, les libéraux s'opposent de manière très vigoureuse à ces politiques. Pourtant, elles ne peuvent être qualifiées de bonnes ou mauvaises dans l'absolu, leur évaluation dépend de ce à quoi on les compare. Dans notre exemple, les hausses d’impôts pourraient être comparées à une politique de statu quo avec maintien des déficits comme à la réduction des dépenses de l’État.

Les baisses de dépenses seraient évidemment préférables aux yeux des libéraux mais comment considèrent-ils les hausses d'impôt en comparaison de la situation actuelle ? S'ils étaient convaincus qu'elles sont, économiquement,  la pire des trois solutions présentées, cela expliquerait leur opposition farouche. Dans le cas contraire, il faudrait donner à leur refus une explication plus politique voire philosophique.

Statu quo du déficit ou hausse d’impôts : l’analyse économique des libéraux.

Une étude du FMI  a récemment étudié les effets des politiques de rééquilibrage par des hausses d’impôts et ont montré qu’une hausse d’impôt de un point de PIB  se concluaient par une perte de PIB de 1,5 points au bout de trois ans. Il semble raisonnable de supposer, même si une telle conclusion n’est pas automatique, que baisser les impôts accroîtrait le PIB d’autant sur trois ans.

Est-il pour autant rationnel économiquement de baisser les impôts toutes choses égales par ailleurs (ou de les conserver trop bas en proportion des dépenses pour atteindre l'équilibre budgétaire) ?

Certainement pas. Ce serait oublier que les effets de l’endettement, au contraire de la hausse de PIB provoquée par une baisse d'impôts, sont cumulatifs .

Faisons l’hypothèse simpliste et fausse d’un État empruntant sans intérêt. Quel seraient le gain en termes de PIB et l’effet sur la dette de la mesure avec les années pour une baisse d’impôt de 5 points ? Après la mesure l’équilibre des recettes et des dépenses resterait le même sur la période étudiée.

Crise de la dette (4) : des libéraux remontés

Certes, les analyses de Laffer ont popularisé l’idée qu’une baisse des taux d’imposition pouvait provoquer la hausse des rentrées fiscales, ce qui atténuerait l’endettement. Accepter la validité de cet enchainement comme un principe général et non comme une hypothèse valable au-delà d’un certain seuil, reviendrait à produire un miroir inversé de celui des keynésiens extrémistes pour qui toute augmentation des dépenses aboutit à une baisse du déficit. On comprendra que je sois soucieux d’éviter de tels excès.

Malgré le poids considérable des prélèvements obligatoires, je ne pense pas que nous soyons arrivés au point où une augmentation serait techniquement impossible. Cette considération technique n’implique évidemment aucune appréciation morale.  Je fais d’ailleurs une exception pour les catégories les plus touchées en proportion de leurs revenus pour lesquelles, en effet, nous avons largement dépassé le seuil à partir duquel  les taux pratiqués détruisent l’assiette sur laquelle ils portent au point d'être contreproductifs fiscalement. Ce n’est probablement pas le cas du taux de prélèvement moyen. L’expérience suédoise du début des années 90 montre peut-être quelle était la limite.

Il n’y a pas, me semble-t-il,  d’argument libéral pour affirmer qu’un statu quo serait, sur le plan de ces conséquences économiques préférable à des hausses d’impôts et je crois que cette analyse est partagée. Aussi, le choix des libéraux reflète sans doute davantage un positionnement moral et politique.

Le choix d’un positionnement moral et politique

Le refus de considérer les hausses d’impôt comme un moindre mal provient d’un positionnement moral a priori des libéraux contre l’impôt, craignant que le reconnaitre préférable à un endettement croissant reviendrait à le justifier. De plus, les libertariens estiment que nul ne devrait être contraint à rembourser une dette à laquelle il ne s’est pas personnellement engagé.

J’objecterai cependant qu’une mesure de justice est contestable si elle a de grandes chances de nuire à ceux pour qui elle est conçue. L’abandon immédiat de tout remboursement que cette philosophie impose ne risque-t-il pas d’avoir au total des conséquences dommageables pour la grande majorité de ceux qui se trouveraient délestés de cette obligation ? J’admets cependant la nécessité de refuser résolument les taxes confiscatoires conçues dans un but punitif et vexatoire.

Sur le plan politique le positionnement combatif des libéraux permet d’escompter une certaine écoute auprès d’un grand public généralement opposé aux politiques suivies, même s’il a parfois une opinion assez fruste ou incohérente de leurs défauts.

L’efficacité du discours sur les politiques suivies en est également un aspect important. Un discours plus offensif parviendra-t-il à convaincre plus facilement les politiques ? Il ne s’agit pas ici de les convaincre par la raison ou les sentiments qu’une telle politique serait dans l’intérêt du pays mais qu’il serait favorable à leur carrière de les appuyer.  Je crains pour ma part qu’ils ne soient tentés de faire une habile synthèse entre les préoccupations des socialistes et des libéraux, en retenant des premiers l’acceptation des déficits et le refus des hausses d’impôts des seconds. Pour ce qui est des dépenses, ils choisiront une voie moyenne consistant à les augmenter à un rythme modéré.

Le discours combatif augmente les chances de tout obtenir mais aussi celles de ne rien obtenir et  je crois qu’il participe davantage à l’augmentation des secondes.

Les libéraux devraient-ils donc soutenir les hausses d’impôts ? Non, mais le point de vue libéral pourrait être exprimé par une formule exprimant la complexité de l’appréciation de la mesure, tout en marquant la fermeté nécessaire, telle que « Préférables à l’inaction et au maintien des déficits, les hausses d’impôts constituent un désastre au regard de ce qui devrait être fait »

Cette idée sera-t-elle entendue ?

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