Il y a peu de temps, j'assistais à un débat passionné et virulent sur la question de l'enfance dans la guerre en Afrique. Ces conflits violents dont se font régulièrement l'écho les presses occidentales au gré des intérêts économiques ou politiques. Conflits meurtriers qui ont vite faits de s'enfermer dans un huis clos, une fois que les feux des projecteurs est passés et que les médias aient trouvé autres choses à se mettre sous les dents.
Je fus à la fois surpris, lors de ces échanges vifs sur les enjeux de ces guerres africaines et l'embrigadement de jeunes enfants pour mener des guerres que les adultes n'assument pas, je fus surpris disai-je par le fatalisme de certains intervenants, le pragmatisme des autres, considérant les enfants comme des ressources naturelles en tant de guerre ou encore la fameuse relativité culturelle qui veut l'enfance sous les Tropiques ne peut en aucun cas être comparée avec celle de mômes pouvant simulés des plans de bombardements massifs sur une Nintendo DS là où en Afrique, des enfants volent, violent, mutilent pour de vrai.
Le concept même de l'enfance est relatif. Il parait. Donc, un enfant peut au nom de ce genre de logiques qui reposent sur de nombreux non-dits, être exploités dans des champs de cacao, passer la journée à confectionner des ballons de football d'une grande marque américaine à la virgule ou terroriser des populations entières au sein d'une milice ou mieux au cœur d'une armée républicaine.
Serge Amisi nous donne son regard sur une situation qu'il a vécue, lui qui fut kadogo* pendant quatre dans les troupes de Kabila. Dans Souviens toi de moi, l'enfant de demain, le jeune congolais se fait le porte-voix de tous celles et ceux qui ont été combattants avant l'heure pour une cause dont ils ne connaissent les tenants et les aboutissants. Celles et ceux dont on a tenté d'extirper l'humanité pour en faire des bêtes féroces pour reprendre le terme d'Uzodinma Iweala.
Pendant une cinquantaine de minutes, l'artiste sculpteur et marionnettiste qu'est devenu Serge Amisi depuis sa démobilisation nous offre un retour sur son expérience d'enfant soldat dans la guerre, sur la narration, sur ce projet littéraire d'abord dans une langue africaine, le lingala, avant une retranscription en français avec Jean-Christophe Lanquetin. Le temps nous a manqué pour analyser l'énorme travail que Jean-Luc Raharimanana pour faire de ce livre un objet littéraire remarquable.
Bref, je vous invite à découvrir cette émission en cliquant sur l'image.
On n'est pas obligé de partager l'avis de Serge Amisi. Mais, le débat mérite d'être lancé. Néanmoins, le regard et le discours ce jeune congolais interpelleront forcément. A découvrir, et faire découvrir. La question de la publication du manuscrit en lingala se pose également. Sans compter le fait que ce roman parle de la complexité du conflit de la RDC.
Un grand Big Up! à toutes les personnes qui ont participé à la réalisation de cette émission, à savoir :- Joss Doszen pour son excellente chronique littéraire- Emmy Elg- Baou Ima- Clémence Guillon- Guy Padja- L'association la Métisse
L'émission est consultable sur Sud Plateau TVSerge Amisi, Souvenez-vous de moi, l'enfant de demain Éditions Vents d'ailleurs