Qui aurait cru, en 2005, quand Hocus Pocus commençait à se faire son petit nom dans le microcosme du rap français et que Youtube montrait des vidéos de DMC de C2C que, sept ans après, le quatuor de Nantes squatterait le haut des charts français et alimenterait des débats enflammés ? Parce qu’avant de devenir ce phénomène de foire que les pseudos-puristes adorent détester, Coup2Crossétait une référence absolue en matière de turntablism (quadruple champion DMC les mecs quand même), apprécié à l’époque par ses détracteurs d’aujourd’hui. Alors pourquoi ce retournement de veste ? Est-ce que plaire au grand public et aux teenage est forcément synonyme de vente de fion au showbizz ? Tentative d’explication.
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Coup2Cross, coup de maître
Tout commence donc il y a plus de dix ans, quatre DJ’s de Nantes rassemblent leur force pour créer C2C, collectif de turntablism, ce domaine où les platines deviennent un instrument à part entière de création. Et c’est peu dire que les mecs excellent dans leur domaine. Quatre titres de champion du monde DMC consécutif vont permettre au groupe de se faire une belle petite réputation. Avec notamment un buzz vidéo au prémisse de Youtube, il y a de cela six ans maintenant:
Oui, six ans. La moitié des fans du groupe aujourd’hui était donc encore en primaire à cette époque. Drôle hein? Evidemment, C2C se construit une image de bête de live et retourne n’importe quel festival. Dans le même temps, 20Syl et Greem en profitent pour faire prendre une nouvelle tournure à leur groupe de rap, Hocus Pocus. Inconnu outre la Loire-Atlantique jusque là, HP va entreprendre sa mue avec 73 Touches, un album d’amoureux de hiphop qui va apporter son vent de fraicheur sur un rap game qui en avait bien besoin. Suivront deux autres albums plus variété-rap que le public bobos et faux fans de rap va s’approprier. Hocus Pocus devient donc le groupe de rap préféré de tout ceux qui n’aiment pas le rap. Une vulgarisation du genre pas forcément mauvaise mais qui n’a plus rien à voir avec la tendance de départ. Applaudi pour ses productions soignées, 20Syl va petit à petit devenir raillé pour ses textes écrits au Crayola qui sent bon l’herbe fraîche. Fin de l’aparté (mais qui s’avèrent essentiel pour la suite de l’article).
A côté de ça, les deux autres membres de Coup2Crossfader, Atom et Pfel vont eux aussi y aller de leur petite notoriété avec Beat Torrent. Plus proche de l’univers C2C, le duo ne connaît pas le même succès qu’HP mais s’assure une place remarquée dans le microcosme des groupes live et autres amitiés avec Radio Nova.
Il est alors temps pour les quatre potes de se rejoindre en chemin pour repartir sous l’étiquette C2C avec toute l’expérience emmagasinée à droite à gauche.
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Coup2Cross dans la tête
On est en 2011 et on entend ici et là que le groupe commence à travailler sur un album. Forcément, les fans de la première heure sont aux aguets et attendent avec impatience cette déclinaison CD. Janvier 2012, l’EP Down the Road fait son apparition. Tout le monde salue le travail du groupe (nous les premiers) et tout le monde est content. Le buzz, notamment grâce aux lives, prend, plus que de raison, et C2C devient le phénomène musical de l’année. Et dans ces cas-là, forcément, ça fait jazzer. Les puristes délaissent alors le groupe, prétextant un acoquinement trop commercial de la chose. Bah oui, si ça passe à la radio c’est forcément caca dans leur tête, faut pas déconner. Crime de lèse-majesté, même les ados s’approprient le groupe! C’en est fini C2C s’est associé avec le diable, en prend plein la tronche sur les réseaux sociaux avant même que l’album ne soit sorti. Mais finalement qu’est-ce qu’on peut VRAIMENT leur reprocher ?
Oui, en effet, C2C a vulgarisé le turntablism pour le grand public, de 7 à 77 ans. Comme Hocus Pocus avec le rap… Mais, finalement, est-ce suffisant pour crier à l’imposture ? Non, évidemment non. Tetra n’est pas un mauvais objet, loin de là. On peut même saluer le fait que le groupe a su créer des hits dans un genre qui pourtant ne s’y prête pas franchement. Ca s’écoute très bien et finalement, on n’en demande pas plus à la musique. Mieux, c’est complètement fédérateur et tout le monde peut s’y retrouver. En ces temps d’individualisation, ça fait pas de mal, merde!
Attention, on va pas non plus crier au génie hein, il y a des choses à redire et l’album comporte bien des défauts. Parfois le quatuor tend vers la facilité et ne fait plus vraiment dans le turntablism. Bon, sur format CD, c’est toujours difficile et sûrement que la version live apportera bien plus de précision. Mais tout de même, on est par moment pas loin de la simple instrumentalisation. Et d’ailleurs on reconnait bien la patte de ce coquin de 20Syl. Nous qui attendions d’ailleurs un album de productions de sa part (oui, ne rappe plus, s’il te plait…) et bien on est quelque peu servi. Ca part un peu dans tous les styles aussi, on est plus proche de la compilation que du fil rouge d’un album. Mais très sincèrement, ça ne vaut pas tout ce lot d’excréments qui leur ait jeté à la figure.
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Alors OK, ça fait ièch un peu de voir un groupe qu’on suit depuis le début se faire approprier dans toutes les émissions télés. OK dans un an on pourra plus écouter Happy ou Who Are You puisqu’ils vont être bouffés jusqu’à la moelle par la télé et les pubs. Mais le procès intenté au groupe est trop gros. Sous prétexte que l’on veut rendre la musique accessible à tous, on passe pour un con. Enfin en France. Demandez donc aux américains si pour eux Stevie Wonder est un vendu, par exemple. Vulgariser un genre, ce n’est pas forcément le rendre moins bon. Hocus Pocus n’est pas non plus Yannick et « ces soirées-là ». Ben l’Oncle Soul a lui aussi connu ce problème et pourtant il a très bien réussi son coup avec la soul.
De vous à nous, on préfère mille fois que les radios passent Ben L’Oncle Soul, Oxmo Puccino ou C2C pour le grand public que Justin Bieber ou ses merdes de One Direction. Si la musique dite commerciale était ça, le pays ne s’en porterait pas plus mal, croyez nous.
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C2C – Happy
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