BBC1 avait échappé à mes foudres cet été lorsque j'avais tout simplement renoncé à rédiger un billet sur ce gâchis qu'était Blackout, elle ne va cependant pas éviter deux fois d'affilée mes reproches. Depuis fin août, la chaîne publique anglaise diffuse en effet une nouvelle série policière, Good Cop, que l'on peut rapprocher, dans ses influences, de Luther. Cette série a sur le papier un potentiel indéniable, avec un sujet fort et ambivalent à souhait, modernisant et dépassant le simple procedural cop show.
Le pilote m'avait laissé sur une impression très mitigée. J'avais donc décidé d'attendre la fin (seulement 4 épisodes) avant d'écrire quoique ce soit sur Good Cop, préférant avoir une vue d'ensemble. Au terme du calvaire qu'a été le second épisode, où les défauts entraperçus dans le premier n'ont été que confirmés, voire exacerbés, la série est passée sur ma pile des fictions "en pause/abandon potentiel". Comme il est fort peu probable que je me remotive pour m'installer devant la suite prochainement, c'est donc une critique rédigée après les deux premiers épisodes que je vous propose aujourd'hui.
Good Cop se déroule à Liverpool. Elle met en scène un officier de police, John Paul Rocksavage ('Sav'), jusqu'alors sans histoires. Mais un jour, alors qu'il répond avec son partenaire et meilleur ami à un appel pour tapage nocturne, les deux policiers tombent dans une véritable embuscade. Sav assiste alors impuissant au déferlement de violence gratuite qui s'abat sur son coéquipier, laissant ce dernier entre la vie et la mort. La situation est d'autant plus difficile pour lui qu'il connaît de vue les hommes responsables de ce traquenard, des délinquants arrogants qui avaient formulé des menaces quelques heures auparavant. Alors que personne n'a encore été arrêté, c'est toujours sous le choc que, quelques heures après, Sav retourne sur les lieux du crime. Il y croise le principal responsable de ce qu'il s'est produit. La décision qu'il va prendre alors va bouleverser toutes ses certitudes, le laissant à s'interroger sur la portée de ses décisions et sur la fragilité de cette ligne qui sépare le bien et le mal.
Good Cop est une série qui choisit d'aborder un thème de départ aussi difficile qu'ambitieux : elle décrit le basculement d'un policier qui franchit la barrière de la légalité, pour se faire lui-même justice. La force de cette idée tient au fait qu'au départ Sav a tout de l'officier on ne peut plus ordinaire. Mais il se retrouve projeté dans une situation exceptionnellement dure où il perd finalement le contrôle des choix qui s'offrent à lui. Il commet un acte qu'il n'aurait jamais envisagé dans des circonstances normales, et qui va l'obliger à repenser son métier et à redéfinir jusqu'où il peut envisager d'aller. La fiction nous plonge dans une crise existentielle trouble, où tous les efforts du personnage central pour retrouver des repères semblent ne pas pouvoir inverser sa progression sur la pente dangereuse qu'il a embrassée, comme un engrenage irréversible. En arrière-plan, s'esquisse une réflexion morale et éthique qui serait sans doute très intéressante, si la maladresse d'exécution ne réduisait pas ces efforts à néant.
Good Cop avait du potentiel, mais ces deux premiers épisodes refroidissent considérablement les attentes que la série suscitait. Si on excepte quelques fulgurances, l'écriture est plate et médiocre : elle ne réussit pas à donner une consistance et une homogénéité à un récit qui renvoie plutôt l'impression d'un empilement artificiel de scènes et d'évènements professionnels et personnels gravitant autour du thème central. La tension résiduelle qui se perçoit et les quelques scènes supposément "choc" apparaissent vite comme un simple cache-misère illusoire qui ne permet pas de donner le change. La construction de l'histoire elle-même est fragile, reposant sur des raccourcis, des coïncidences et des clichés (ses méchants notamment). Conséquence directe, l'ensemble manque de crédibilité, peinant à impliquer le téléspectateur. Sur ces faiblesses s'ajoute un manque de subtilité chronique dans la narration : Good Cop essaie manifestement de marquer, mais elle en fait trop, si bien que cela produit l'effet inverse, glissant vers la caricature. Tout sonne très (trop?) forcé.
Sur la forme, Good Cop bénéficie d'une réalisation correcte, avec une photographie sombre appropriée quand il convient de correspondre à la tonalité des scènes les plus noires. Elle cède à un certain nombre de clichés du genre qui semblent devenus inévitables, à commencer par les scènes pluvieuses et nocturnes pour souligner le basculement qui s'opère dans la vie du personnage principal. Mais l'ensemble, tout en étant prévisible et calibré, reste de solide facture, avec une mention toute particulière pour le générique réussi bien dans le ton de la série.
Enfin, Good Cop rassemble un casting très sympathique. J'aime bien Warren Brown (à la filmographie duquel on retrouve justement Luther, mais aussi le thriller le mieux réussi par BBC1 en 2012, Inside Men). Il est solide et efficace, et a ici un rôle dans lequel il trouve pleinement à s'exprimer. Mais il ne peut pas compenser toutes les faiblesses de l'écriture... A ses côtés, on retrouve Michael Angelis, qui interprète son père, Don Gayle (Prisoners Wives), Kevin Harley, Kerry Hayes (Lilies), Philip Hill-Pearson (Shameless), Aisling Loftus (Public Enemies), Johann Myers (State of Play), Mark Womack (The Runaway). A noter dans le premier épisode, les présences de Stephen Graham (actuellement dans Parade's End) et de Tom Hopper (Merlin).
Bilan : Partant d'un concept au potentiel intéressant, Good Cop est une série mal dégrossie, dont la volonté de marquer se heurte à ses maladresses d'exécution. Peinant à convaincre et à conférer une crédibilité à ses enjeux, elle donne l'impression de transposer sans recul, ni réelle réappropriation, le cahier des charges posé au préalable. Le manque de subtilité de l'écriture lui fait alterner l'artificiel et le caricatural, noyant les quelques scènes réussies. Finalement, c'est un visionnage très frustrant qui est proposé.
Si vous avez aimé Luther et que vous n'avez rien d'autre dans vos programmes, vous ne perdez rien à la tester. Mais voici une fiction qui malheureusement ne semble pas en mesure d'exploiter ses (intéressantes) idées.
NOTE : 5,5/10
La bande-annonce de la série :