La faiblesse de la croissance résulte de l’aveuglement de la classe politique française, prisonnière des œillères du court-terme aboutissant à laisser dériver les finances publiques.
Par Jean-Louis Caccomo.
Les enseignements de la théorie de la croissance et l’expérience historique montrent pourtant que l’État doit absolument maîtriser ses finances publiques (déficit public stable, dette publique stable) si le gouvernement veut retrouver le chemin de la croissance durable.
En effet, si la dette publique explose, l’État va détourner une partie croissante de l’épargne des ménages vers le financement de la dette. Cette épargne ne va plus financer l’investissement privé du secteur productif (effet d’éviction), ce qui va ralentir en retour la croissance économique qui dépend fondamentalement de l’accumulation du capital. En conséquence, l’économie décroche de son sentier de croissance structurel, tout comme un avion en perte de vitesse décroche de son altitude de croisière. À terme, c’est le crash. Or, il faut se rendre compte qu’aujourd’hui, en France, rien que le paiement des intérêts de la dette (le service de la dette) occupe le second poste du budget de l’État.
Il est certes vrai que le taux d’épargne des ménages français est important, l’épargne privée se constituant en réaction à la désépargne publique (déficit). Mais une grande partie de cette épargne est destinée à financer la dette de l’État, via notamment les assurances-vie. Dans ce contexte, l’État n’a pas à intérêt à réduire l’épargne (s’il veut financer sa dette) sous prétexte de relancer la consommation à court-terme.
Or, c’est autant d’épargne qui fait défaut à l’investissement productif du secteur privé, donc à la croissance à long-terme. Mais si l’investissement des entreprises décline alors la croissance se ralentira et la dette publique augmentera.
En effet, il faut rappeler que les critères de Maastricht stipulent que, pour que la dette publique se stabilise à 60% du PIB, il faut que le déficit public ne dépasse pas 3% du PIB et que la croissance économique soit supérieure à 2%. Or, depuis de nombreuses années, le déficit public français est supérieur à 3% et la croissance économique est inférieure à 2%. C’est une impasse fatale : la dette explose, l’État a besoin de plus d’épargne pour financer sa dette et les entreprises ne trouvent plus de capitaux pour investir. En conséquence, la croissance se ralentit… et on décroche.
Malgré les alternances politiques, c’est l’aveuglement de la classe politique française, prisonnière des œillères du court-terme aboutissant à laisser dériver les finances publiques sous le prétexte fallacieux de défendre les missions de l’État, qui nous a conduit à cette impasse. Des finances publiques équilibrées, cela ne signifie pas que l’État ne dépense plus du tout. Mais il faut tout simplement que ces dépenses soient couvertes par des recettes équivalentes. Et seule une économie productive, et en croissance, est de nature à générer des recettes publiques abondantes, sans qu’il ne soit besoin d’accroître sans cesse les taux de prélèvements qui est le plus sûr moyen de tuer la croissance dans l’œuf.
C’est pourquoi le retour de la croissance est essentiel et vital pour notre pays. Mais le retour de la croissance ne se décrète pas et la croissance n’est pas un miracle ni un événement météorologique aléatoire. Elle suppose le respect de conditions essentielles que la littérature économique a abondamment rappelé depuis Adam Smith.
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Sur le web.
- Caccomo J.L., « La croissance n’est pas un miracle… ni une fatalité », Les Échos, mardi 16 octobre 2001. ↩