Le déficit de la Sécurité sociale sera plus dégradé que prévu cette année. C'est à peine une surprise. Comment croire l'inverse quand tous les clignotants économiques sont au rouge depuis quatre ans au moins.
La Cour attaque
Jeudi, la Cour des Comptes sort son attendu rapport sur les comptes de la Sécurité sociale. Sans surprise, la recommandation est d'augmenter les cotisations sociales (CRDS de 0,50% à 0,56% du salaire) et de réduire les dépenses. Sur ce dernier point, elle précise ses cibles: les remboursements des charges sociales des médecins (2,2 milliards d'euros par an pour une dépense « sans contrepartie réelle »), les transports sanitaires injustifiés des patients (pour 450 millions d'euros par an), et les indemnités journalières qui ont progressé de plus de 50% depuis 2000 (« Les inégalités observées en termes de fréquence et de durée des arrêts sur le territoire demeurent largement inexpliquées. »). En d'autres termes, Nicolas Sarkozy avait sous-financé le minimum vieillesse… Ah que c'est béta qu'on le découvre après son élection...
Crise oblige, le déficit de la Sécu est prévu à 14,7 milliards d'euros (pour 332 milliards de dépenses) contre 13,8 milliards. La Cour s'énerve, froidement: « les deux plans de rigueur successifs du gouvernement Fillon devaient le ramener sous la barre des 14 milliards » relève l'Obs. Mais les Sages ont la solution, il y a des économies à faire, paraît-il. Pourquoi donc n'y arrive-t-on pas ?
« Notre protection sociale comporte (...) d'importantes marges d'efficience. »
Mais la Cour s'indigne aussi du sous-financement du minimum vieillesse: « Le minimum vieillesse conserve aujourd’hui, avec 940 000 personnes couvertes, un rôle essentiel pour limiter le taux de pauvreté des retraités les plus modestes. Il a représenté en 2011 une dépense totale de 3 Md€, dynamique et financée par le FSV, ce qui rend impératif de mettre fin au déséquilibre structurel de ce fonds. » Après la Sarkofrance, les cadavres sont encore nombreux dans les placards.
Hasard littéraire ?
Le hasard fait bien les choses. La Cour réclame des mesures d'économies, et voici un joli guide qui nous explique que les trois quarts des médicaments inutiles sont quand même remboursés par la Sécu...
Fichtre .... Et le bouquin, sera-t-il remboursé par la Sécu ?
Dans un livre de 900 pages, deux médecins - dont un député UMP bien connu (Bernard Debré) - accusent quelques 2000 médicaments d'être inutiles voire dangereux. Il paraît que c'est un « livre d'information, pas d'opinion ». Pour le Nouvel Obs, c'est « une avancée spectaculaire en
matière d’ouvrages mis à disposition des médecins et des malades ». Sans présager de la qualité de l'ouvrage, certainement de haute tenue, on ne peut que s'étonner de la coïncidence d'arguments: on sait que nombre de déremboursements de frais de santé sont officiellement justifiés par leur faible utilité. D'ailleurs, ce constat est explicite dans l'argumentaire des auteurs de ce guide: « 50% de médicaments inutiles, 20% de mal tolérés, 5% de "potentiellement
très dangereux", mais, incroyable paradoxe, 75% sont remboursés ».
Qui paye ?
La Commission des comptes de santé a livré de curieux chiffres cette semaine: un Français dépense en moyenne 2.762 euros par an pour se soigner. Soit quelque 180 milliards d’euros en 2011, en hausse de 2,7%. Bizarrement, la Cour des Comptes citée plus haut s'inquiète de la progression de 3% des dépenses de santé publique...
Sur ces près de 3.000 euros, un Français ne paye de sa poche qu'environ 265 euros par an. Surtout pour les soins d'optique ou dentaires. Quel confort... La Commission précise: « Le déremboursement de certains médicaments tend à faire augmenter le
reste à charge des ménages, tandis que la meilleure prise en charge par
les organismes complémentaires des biens médicaux a l'effet inverse. » L'analyse est incomplète. On croirait notre système généreux. Il l'est à bien des égards. Mais il faut être précis: en fait, la Sécu finance 75% des dépenses de santé, et les patients le quart restants: 13,7% via des assurances et
des mutuelles complémentaires (en hausse régulière depuis dix ans), et 10% en direct.
Qu'elle soit (assumée) par la collectivité ou à charge de chacun, la santé a un coût.