Ce n'est probablement pas un sentiment général, mais ici, le concept à développer est de créer une nouvelle notation des vins et des domaines selon un mode qui soit immédiatement compréhensible par l'amateur qui ne prend pas le temps de se plonger dans les arcanes des notes communément utilisées de nos jours : note sur 100, sur 20, en étoiles ou autres.
On est convaincu que l'amateur de base a besoin d'informations simples, exprimées en mots simples et compréhensibles, un peu basées sur ce schéma provisoire qui reste à améliorer.
En effet, si l'amateur peut comprendre éventuellement la différence entre un 16,5 et un 17/20, cela reste frustrant sur ce que peut lui apporter le cru comme "plaisir" ou "émotion".
Certes : il a un commentaire qui accompagne souvent la note. Qui les lit ?
Chacun peut facilement comprendre la différence fondamentale entre "plaisir" et "émotion". Appliquez ce principe aux autres arts (peinture, musique, littérature, gastronomie) : c'est assez naturel. Quand bien même il y a de quoi discuter, mais, par exemple, en musique, on peut mettre Rossini dans les plaisirs et les derniers quatuors de Beethoven dans les émotions.
Aura t'on un consensus des producteurs sur cette proposition ? Pas sûr, tant la note a un côté absolu d'une grande facilité.
Les dégustateurs professionnels, les journalistes du vin y verront probablement quelque chose de trop réducteur leur taillant éventuellement quelques croupières. Au GJE, j'avoue que la sauce n'a pas pris. Trop tôt ?
La critique du vin est dans une impasse. D'abord, chacun ressent de plus en plus que les opinions donnés sur un vin sont largement tributaires de circonstances et surtout, qu'avec le temps, les vins vivent, évoluent différemment en fonction de multiples critères (surtout conditions de garde).
Ensuite, chacun comprend à quel point il va devenir nécessaire de séparer une opinion sur le contenu (donc dégustation à l'aveugle) et le contenant qu'on ne peut simplement pas oublier, mettre de côté, tant l'image d'un cru est aussi essentielle à sa juste appréciation.
Appliquer cela à la critique, c'est un travail de titan, coûteux, probablement compliqué tant il faudra expliquer les bases d'évaluation de ce contenant.
Prenons le cas de Parker : pendant des décennies, en première page de sa revue THE WINE ADVOCATE, il affirme avec constance qu'il faut déguster à l'aveugle et que seul le contenu doit être commenté et noté. Cet engagement a été sérieusement mis en brèche ces dernières années, chacun le sait. Mais toutes les histoires évoquées sur le web d'opinions sacrément biaisées par des facteurs de copinage montrent à l'évidence qu'on est dans une impasse. Et quand on dit "à l'aveugle, ce n'est pas pour ensuite changer la note dans l'intimité de son bureau !!
Et les commentaires ! Relire ce qui a été écrit sur tel ou tel vin il y a dix ans, et le regoûter aujourd'hui (en n'oubliant pas que chaque palais a ses propres réactions), c'est une totale aventure.
Alors : où aller ?
D'abord, un vrai critique doit expliquer sa propre vision du vin, ce qu'il y recherche, ce qui compte, ce qui est essentiel. Ensuite, il se doit (autre marotte de notre part) d'expliquer le style voulu par le vigneron sur les terres qu'il exploite. Pour ceux qui connaissent un peu le Piémont, il est évident que si on leur met à table un Voerzio et un Giacomo Conterno, ils savent de facto que ce sont là deux styles bien différents de barolo. Mais alors, pour l'amateur s'intéressant à cette magnifique région, le critique devra expliquer ces deux approches et ce qu'elles impliquent sur le style du vin.
Il faudra bien un jour, comme me l'a dit récemment un mien ami, que le critique cesse de vouloir être une vedette alors que c'est le producteur, le vigneron qu'il faut valoriser.
ON rêve ? Il est trop tôt pour une telle évolution ? Rien n'est moins sûr. Avec la multiplication des sites "vins" sur le web, le journalisme du vin doit changer de braquet, doit proposer une nouvelle approche, dans une meilleure harmonie conjuguant modestie, connaissance, honnêteté, meilleure explication sur ce que recherche le vigneron, sur ce qu'il met en valeur, appuyé par un historique à ne pas oublier.
Un dernier ajout à travailler. Les notes actuelles sont relatives.
Personne ne note en absolu. Un 17/20 en Pomerol n'est pas équivalent à un 17/20 en Beaujolais. OK. On comprend. Mais alors, qui aura les joyeuses pour écrire la hiérarchie des AOC, DOCG et autres D.O. ?
La tâche est loin d'être aisée. La facilité des systèmes en cours est un véritable compresseur qu'il va être difficile d'arrêter.
Ajoutez à cela une définition acceptable de la ligne jaune que ne doit pas dépasser le critique qui doit quand même financer son travail, ce qui est logique à tout le moins, et vous comprenez pourquoi on est là dans les travaux d'Hercule !
Comme l'a écrit le Grand Jacques - et 100 % d'accord avec lui - les pages les plus intéressantes du Guide B+D restent les premières, les commentaires généraux de Michel Bettane, sa façon de voir les choses. Lecture impérative pour mieux comprendre ensuite comment les vins sont notés.
On consomme moins de vin en Europe, mais la tendance est de choisir des vins de qualité, de monter en gamme. La sortie est par le haut quand bien même de grosses entreprises réussissent parfois à mettre sur le marché, à bas prix, des vins qui peuvent se boire.
Tout cela fait un peu maelstrom indigeste dont la mise en oeuvre va paraître impossible à bien des lecteurs. Il n'empêche. On attend avec sérénité la première équipe qui va aller dans ce sens et gageons alors qu'elle trouvera ses lecteurs.